Mercredi 2 novembre 2011
La Palestine à l’Unesco : l’heure du virage français
Il semble loin le temps où Nicolas Sarkozy apparaissait, au début de son mandat, comme le Président le plus pro-israélien de l’histoire de la Ve République. Loin la lune de miel franco-israélienne, quand l’actuel Président Shimon Peres avait l’impression de revivre sa jeunesse lorsqu’il occupait un bureau à l’Hôtel Matignon, où résidait alors le socialiste Guy Mollet. Le vote surprise de la France a provoqué les applaudissements de nombreuses délégations de l’Unesco ; et des commentaires désappointés et acides des dirigeants israéliens. La routine sous Chirac ; mais une nouveauté sous Sarkozy. Jusqu’au jour du vote, Tel-Aviv a cru que les Français s’abstiendraient. C’est ce que firent l’Angleterre et l’Italie, tandis que l’Allemagne et la Suède votaient contre, ridiculisant une fois de plus l’idée même de politique étrangère européenne, et rendant à sa vacuité coutumière sa prétendue représentante, Catherine Ashton.
Sarkozy subit ainsi la loi d’airain des relations entre la France et Israël. Même les plus enthousiastes finissent par s’aigrir. Tel-Aviv dansait sous les lampions à l’annonce de la victoire de François Mitterrand, le 10 mai 1981. Avant que ce dernier ne reçoive en grande pompe Yasser Arafat à Paris. Et on a oublié que le général de Gaulle lui-même donnait du chaleureux « Israël, notre allié, notre ami » à un Ben Gourion qu’il appréciait et même admirait sincèrement comme fondateur de l’État sioniste. Avant, quelques années plus tard, en juin 1967, de décider un embargo sur les armes que nous livrions en grand nombre à l’armée israélienne, et de mettre en place ce qu’on appelle depuis avec emphase « la politique arabe de la France ».
Les liens économiques, financiers, diplomatiques tissés depuis avec le monde arabe conditionnent la politique de la France. La sensibilité traditionnellement arabisante du Quai d’Orsay aussi. Longtemps, Nicolas Sarkozy a méprisé ses membres et dédaigné ses avis. Il préférait alors jouer la carte de la coopération économique et scientifique avec des Israéliens qui brillent par leurs instituts de recherche et leurs start-up en nouvelles technologies. Il goûtait la décontraction des dirigeants israéliens qui ressemblait à la sienne.
Les temps changent. Le poids d’Alain Juppé ramène la France vers la diplomatie traditionnelle de Chirac. La raideur de Benjamin Netanyahou, qui élude tout compromis parce qu’il refuse, sans oser l’avouer, l’érection d’un État palestinien, a fini par exaspérer Sarkozy. Depuis de Gaulle, les présidents français tentent de jouer un rôle dans la région, mais les Israéliens refusent farouchement toute mise sous tutelle. Les déboires américains d’un Président Obama, piégé par la puissance du lobby juif en pleine campagne pour sa réélection, obligé de se dédire et de refuser à l’ONU l’avènement d’un État palestinien qu’il avait pourtant appelé de ses vœux, a pu donner l’espoir à la diplomatie française que le moment était venu de pousser les feux pour imposer une paix française. Un mythe poursuivi par tous les présidents français. En vain.