Requiem pour Athènes
Cela ne suffira pas. Dans trois mois, dans six mois, le gouvernement grec devra prendre de nouvelles mesures d’austérité ; et les États européens devront verser de nouvelles aides. Mais cela ne suffira jamais. Il faudra recommencer. Les baisses de salaires tuent la croissance grecque dans l’œuf ; l’euro trop fort l’empêche d’exporter. La population refusera les exigences des marchés financiers. Elle finira par avoir gain de cause. Dans un régime démocratique, l’histoire finit toujours ainsi.
La Grèce ne remboursera jamais ses dettes. Les Français et les Allemands s’étripent au sujet d’un éventuel rééchelonnement, mais savent qu’ils y sont condamnés. Le gouvernement français veut seulement donner aux banques le temps de se préparer à la catastrophe. L’euro était vicié dès l’origine, parce que la zone euro n’est pas une zone économique optimale. Il était ridicule de donner la monnaie des Allemands hyperproductifs aux Grecs, ou même aux Espagnols à la productivité bien plus médiocre. Pendant quelques années, l’illusion a fonctionné. Les Grecs ont pu emprunter au même taux que les Allemands. Les banques françaises et allemandes en ont profité autant que les consommateurs grecs. C’est le principe des dealers et des junkies. L’heure est venue pour tous de payer. Or, personne ne veut passer à la caisse, ni les Grecs ni les banques.
Alors, ce sont les contribuables français et allemands qui payent. Le nouveau plan en préparation s’élèverait à une centaine de milliards d’euros. De quoi effacer en quelques minutes nos efforts français d’économies budgétaires. Il faut un budget européen commun qui compense, nous disent les fervents européistes ; que les plus riches payent pour les pauvres. Cette compensation est opérée par le budget des États-Unis, ou même le budget de la France pour les Antilles ou la Corrèze.
C’est l’histoire de l’Europe depuis des années : les erreurs sont corrigées par d’autres erreurs, dans une espèce de fuite en avant sans fin. Les inconvénients qu’apporte l’Europe ne peuvent être amendés que par encore plus d’Europe. On le voit pour Schengen, pour le grand marché de l’énergie, et pour l’euro. Quand fera-t-on le bilan ? Mais l’Europe n’est pas une nation. Les Allemands ne se sentent pas solidaires des Grecs. On peut le regretter, mais, comme disait de Gaulle : « On ne fait pas de politique en dehors des réalités. »
Il suffit pourtant d’observer les réactions populaires pour constater que l’euro éloigne et oppose les peuples plus qu’il ne les rapproche. Qu’ils vendent leurs îles, disent les Allemands. On ne veut pas du retour des nazis, leur répondent les Grecs. Et même si les Allemands et les Français acceptaient de bonne grâce de payer pour les Grecs, est-ce un destin pour une nation fière que de tendre la main jusqu’à la fin des temps ? Pourquoi ne pas donner à ce pays les moyens monétaires de retrouver un second souffle ? Il faut reconnaître que le retour à la drachme entraînerait une hausse vertigineuse du montant d’endettement et un risque d’inflation. Une catastrophe pour éviter une catastrophe. Nous sommes dans un de ces moments terribles de l’Histoire où il n’y a plus de bonne solution.