Mardi 20 décembre 2011

Eva Joly

Des lunettes rouges et un accent germanique. La bande dessinée de la campagne électorale a déjà croqué ce qu’elle conservera d’Eva Joly. Comme une signature involontaire. Comme un rejet. Comme un échec. Au début, son personnage de juge honnête et inflexible, de petite qui n’a pas peur des grands, a plu. Mais au fur et à mesure que la campagne avançait, elle s’en est éloignée, révélant son étrangeté. Dans tous les sens du terme. Bien sûr, les coups tordus des Verts n’ont pas arrangé ses affaires. L’accord avec le Parti socialiste pour les législatives, qui vendait, pour une trentaine de circonscriptions, certains des fondamentaux écologistes que la candidate défendait, a pris Eva Joly à revers ; rejetant d’abord véhémentement le compromis, puis contrainte de l’avaler : les plats de lentilles ont parfois mauvais goût. C’est une vieille habitude. Les Verts ont le talent rare de saborder la campagne de leur candidat à la présidentielle. Maladie infantile de groupuscule gauchiste dont les Verts ne se sont jamais tout à fait guéris, en dépit des qualités d’adjudants-chefs déployées par les deux carriéristes à leur tête : Cécile Duflot et Jean-Vincent Placé.

Mais, plus profondément, c’est l’élection présidentielle que les Verts ne supportent pas. De manière épidermique. De manière existentielle. C’est à la fois la présidentielle et le suffrage universel qu’ils rejettent. À leurs yeux, le choix d’un homme a toujours un fumet de plébiscite, quasiment de fascisme. Quand le peuple s’exprime directement, ils ont toujours l’impression qu’il votera au mieux Napoléon III, au pire Hitler. Le peuple, c’est sale. Franchouillard, comme les insupportables plaisanteries sur l’accent d’Eva. Ces soi-disant démocrates modernistes ont des réflexes de vieux politicards bourgeois louis-philippards. Il faut encore aller plus loin. Le Président incarne la nation. Les Verts ne croient pas en la nation. Ils haïssent l’État-nation. Ils se veulent citoyens du monde. De Gaulle voulait sauver la patrie, les Verts veulent sauver la planète. La tendance libérale de ce mondialisme est magnifiquement incarnée par Daniel Cohn-Bendit, quand ses adversaires se battent pour un mondialisme socialisant.

Le projet d’Eva Joly a fini par révéler en creux cette hostilité viscérale. Les radicaux d’extrême gauche qui l’entouraient ont dessiné, derrière les provocations parfois saugrenues de leur championne, un projet idéologiquement cohérent, celui d’une France réduite à un simple espace résidentiel où cohabiteraient des communautés. Une France qui ne serait plus unifiée par sa langue – les Verts veulent favoriser les langues régionales ; ni par la nationalité – ils sont pour le droit de vote des étrangers ; ni par son histoire ou sa culture – Eva Joly a contesté la célébration du 14 Juillet et dénoncé la commémoration de Jeanne d’Arc, puis réclamé un jour férié pour les juifs et les musulmans. Une France terrain vague, au milieu d’un plus grand terrain vague : l’Europe, petit coin perdu au sein d’une planète qui sert de patrie commune à ces citoyens du monde.

Le projet vert consacrait ainsi la fin définitive de la République une et indivisible remplacée par le culte de la Terre mère. Inconsciente des enjeux idéologiques, manipulée, la juge verte aux lunettes rouges ? On ne saura jamais. Ignorant tout des codes politiques, repoussant Hollande puis appelant à voter Hollande, déclarant sa flamme à Bayrou, puis repartant à l’extrême gauche, Eva Joly a montré ses propres limites et celles des amateurs en politique. Les Verts ont raison de détester la présidentielle : c’est une cruelle épreuve de vérité.

Le Bûcher des vaniteux
titlepage.xhtml
cover.html
ident1.html
pre2.html
c1_split_000.html
c1_split_001.html
c1_split_002.html
c1_split_003.html
c1_split_004.html
c1_split_005.html
c1_split_006.html
c1_split_007.html
c1_split_008.html
c1_split_009.html
c1_split_010.html
c1_split_011.html
c1_split_012.html
c1_split_013.html
c2_split_000.html
c2_split_001.html
c2_split_002.html
c2_split_003.html
c2_split_004.html
c2_split_005.html
c2_split_006.html
c2_split_007.html
c2_split_008.html
c2_split_009.html
c2_split_010.html
c2_split_011.html
c3_split_000.html
c3_split_001.html
c3_split_002.html
c3_split_003.html
c3_split_004.html
c3_split_005.html
c3_split_006.html
c3_split_007.html
c3_split_008.html
c3_split_009.html
c3_split_010.html
c3_split_011.html
c3_split_012.html
c3_split_013.html
c3_split_014.html
c3_split_015.html
c3_split_016.html
c3_split_017.html
c4_split_000.html
c4_split_001.html
c4_split_002.html
c4_split_003.html
c4_split_004.html
c4_split_005.html
c4_split_006.html
c4_split_007.html
c4_split_008.html
c4_split_009.html
c4_split_010.html
c4_split_011.html
c4_split_012.html
c4_split_013.html
c4_split_014.html
c4_split_015.html
c4_split_016.html
c5_split_000.html
c5_split_001.html
c5_split_002.html
c5_split_003.html
c5_split_004.html
c5_split_005.html
c5_split_006.html
c5_split_007.html
c5_split_008.html
c5_split_009.html
c5_split_010.html
c5_split_011.html
c5_split_012.html
c5_split_013.html
c5_split_014.html
c5_split_015.html
c5_split_016.html
c6_split_000.html
c6_split_001.html
c6_split_002.html
c6_split_003.html
c6_split_004.html
c6_split_005.html
c6_split_006.html
c6_split_007.html
c6_split_008.html
c6_split_009.html
c6_split_010.html
c6_split_011.html
c6_split_012.html
c6_split_013.html
c6_split_014.html
c7_split_000.html
c7_split_001.html
c7_split_002.html
c8_split_000.html
c8_split_001.html
c9_split_000.html
c9_split_001.html
c9_split_002.html
c9_split_003.html
c9_split_004.html
c9_split_005.html
c9_split_006.html
c9_split_007.html
c9_split_008.html
c9_split_009.html
c9_split_010.html
c9_split_011.html
c9_split_012.html
c9_split_013.html
c10_split_000.html
c10_split_001.html
c10_split_002.html
c10_split_003.html
c10_split_004.html
c10_split_005.html
c10_split_006.html
c10_split_007.html
c10_split_008.html
c10_split_009.html
c10_split_010.html
c10_split_011.html
c10_split_012.html
c10_split_013.html
c11_split_000.html
c11_split_001.html
c11_split_002.html
c11_split_003.html
c11_split_004.html
c11_split_005.html
c11_split_006.html
c11_split_007.html
c11_split_008.html
c11_split_009.html
c11_split_010.html
c11_split_011.html
c11_split_012.html
c11_split_013.html
c11_split_014.html
c11_split_015.html
c12_split_000.html
c12_split_001.html
c12_split_002.html
c12_split_003.html
c12_split_004.html
c12_split_005.html
c12_split_006.html
c12_split_007.html
c12_split_008.html
c12_split_009.html
c12_split_010.html
c12_split_011.html
c12_split_012.html
c12_split_013.html
c12_split_014.html
c12_split_015.html
collec3.html