Le centre des Bermudes

Le centre est à la fois une Terre promise et un triangle des Bermudes. On en rêve et on s’y perd. Quand on croit l’atteindre, il disparaît. En 2007, François Bayrou a cru toucher au but. Quatre ans plus tard, Jean-Louis Borloo en est le nouveau prophète. Mais Dominique de Villepin a le gaullisme centriste ; Hulot, l’écologie centriste ; DSK et Hollande, le socialisme centriste. Tous républicains, tous sociaux, tous écologistes. Tous guignent un électorat volatil, urbain, diplômé, féminin, plutôt favorisé, qui ne rejette ni l’Europe ni la mondialisation, exalte la « diversité » et vit à l’abri dans des centres villes embourgeoisés.

Cet électorat se décide au dernier moment, sur une impulsion, une impression. Un style. Celui de l’avocat d’affaires Jean-Louis Borloo est en réalité plus proche de Sarkozy, voire de DSK, que de Bayrou, qui se donne un mal de chien pour glorifier ses racines paysannes tout en reniant sa tradition barrésienne. La ductilité politique de Borloo rappelle que son père en politique fut Edgar Faure, l’homme qui parlait à l’oreille des girouettes ; et la raideur de Bayrou, refusant de choisir entre droite et gauche, l’a poussé aux pires erreurs tactiques, et à une cruelle solitude.

Le centre était à gauche en 1945 ; à droite dans les années 70. Giscard fonda alors l’UDF sur une cible sociologique, cette vaste classe moyenne uniformisée par les Trente Glorieuses, où le fringant Président espérait rassembler « deux Français sur trois ». Mais des décennies de mondialisation ont détruit le monde de Giscard. Des pans entiers de la classe moyenne, furieux de leur prolétarisation, abandonnent les rivages centristes pour des destinations plus droitières. Au moment même où les candidats se pressent en nombre, les électeurs se raréfient. Le centre, combien de divisions ?