Mercredi 18 mai 2011

Les avocats de DSK qu’on n’attendait pas !

La gauche française est formidable. Elle est même émouvante. Elle est prête à tout pour défendre l’un des siens. À piétiner tous les principes qu’elle défend la main sur le cœur, toutes les leçons de morale qu’elle assène. Les principes et la morale, c’est pour les autres. Imaginons un instant un Nicolas Sarkozy dans la même situation ; on décréterait que le patron des riches n’a décidément aucun respect pour les classes populaires en général et les femmes de ménage en particulier. Imaginons – encore plus amusant – un Jean-Marie Le Pen accusé ; on y verrait la preuve patente de son racisme effréné, puisque la jeune femme est africaine.

Dominique Strauss-Kahn échappe bien heureusement à ces procès dans le procès. Mais certains de ses amis vont plus loin. Depuis des décennies, Jack Lang est le chantre d’un féminisme militant, exaltant la dignité de la femme, l’égalité stricte entre les sexes ; il nous chante sur tous les tons que la femme est l’avenir de l’homme, et devant une accusation de viol, il nous explique benoîtement qu’« il n’y a pas mort d’homme ». Robert Badinter nous a vanté avec des trémolos dans la voix l’admirable berceau américain des libertés, les beautés de sa procédure accusatoire, où l’avocat a autant de pouvoirs que le procureur, où l’accusé a des droits imprescriptibles dont celui de ne pas répondre aux questions de la police. D’ailleurs, le juge européen nous somme d’adopter ce bienfaisant système, sous les applaudissements des Américains.

Tous n’ont pas de mots assez durs, assez cruels, pour dénigrer le machisme français, archaïque et inégalitaire, pour vitupérer la tradition judiciaire française, héritée du tyran Napoléon. Et voilà que les mêmes découvrent les splendeurs de la justice française et les horreurs du modèle américain qui offre en pâture un accusé, mains menottées dans le dos et barbe de deux jours. Il est vrai que madame Eva Joly n’a pas offert en pâture aux journalistes ses victimes célèbres. Alain Carignon ou Loïk Le Floch-Prigent, ou Gérard Longuet, ou Michel Roussin, que les policiers ont arrêté à la sortie de son ministère, n’ont pas été humiliés ni maltraités. Et Éric Woerth a bénéficié de la présomption d’innocence.

On ne comprend plus. Ou on comprend trop bien. Les prétendus dérapages verbaux sont farouchement criminalisés, la police de la pensée fait régner l’ordre des mots et des idées, tandis qu’elle absout généreusement les actes vraiment délictueux. On peut avoir légitimement de la compassion pour un destin brisé, la peine de sa femme, de ses enfants. On peut s’émouvoir de l’humiliation d’un homme par la machine médiatico-judiciaire. Notre narcissisme patriotique peut être chatouillé par la rudesse d’une Amérique volontiers moralisatrice. Mais certains avocats de DSK desservent la cause qu’ils prétendent servir, en montrant surtout un réflexe de caste arrogante qui refuse que l’un des siens soit soumis à la règle commune. Ils avaient déjà commis la même erreur avec Roman Polanski ou Frédéric Mitterrand. D’ailleurs, ce sont souvent les mêmes. Avec des amis comme ça, Dominique Strauss-Kahn n’a pas besoin d’ennemis.

Le Bûcher des vaniteux
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