Les vieilles ficelles d’Harlem Désir
C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes. Harlem Désir connaît l’adage et l’applique sans états d’âme. Il le fait de manière scolaire, c’est un laborieux, Harlem, on voit les ficelles. Il faut le comprendre : à La Rochelle les places étaient chères, le temps médiatique était compté, il n’avait qu’un petit quart d’heure, les trois quarts des militants étaient sortis sur le parvis fumer une cigarette, et les présidentiables regardaient leur montre en soufflant. Pour attirer l’attention, il fallait faire gros. Toutes les entreprises connaissent le syndrome de l’intérimaire qui en fait des tonnes pour que le patron le remarque et lui accorde un CDI.
Au cours du mois de juillet, Harlem Désir avait réagi violemment au massacre perpétré par le tireur fou norvégien, en exigeant la dissolution de la Droite populaire ! La logique intellectuelle et politique d’Harlem Désir était impeccable et implacable : les députés de la Droite populaire étaient accusés par lui de reprendre, au sein de l’UMP, les thèses du Front national ; ils étaient donc déclarés d’avance coupables d’inspirer d’hypothétiques émules français du déséquilibré norvégien. Ils devaient donc être interdits, car ils étaient encore plus dangereux que le Front national lui-même, dont Harlem Désir oubliait au passage de demander la dissolution. Coupable négligence. L’interdiction d’un adversaire politique est un réflexe démocratique bien connu depuis Saint-Just et son célèbre cri qui inspira la Terreur en 1793 : « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ! »
La transmutation de l’adversaire – quel qu’il soit – en horrible fasciste est un classique de la gauche depuis les années 30. Joseph Staline en enseigna les rudiments à tous les partis communistes aux temps héroïques de la IIIe Internationale. Les socialistes français ont, depuis, adopté cette méthode, rustique mais efficace, en y ajoutant le couplet national sur la République, hérité des grands combats du XIXe siècle. La gauche française a ainsi pris l’habitude confortable de délimiter le cercle dans lequel ses adversaires ont le droit d’évoluer. S’ils restent sagement à l’intérieur, la gauche leur décerne le brevet de respectabilité républicaine ; s’ils en sortent, ils sont excommuniés et voués aux gémonies, aux flammes éternelles de l’enfer. Bien sûr, la réciproque est impossible, et même sacrilège : les héritiers politiques de Lénine, Staline, Trotski ou Mao Tsé-tung sont des républicains exemplaires et des démocrates admirables, des progressistes, des humanistes.
Dans les années 80, le mouvement antiraciste, habilement lancé par des transfuges de l’extrême gauche et financé par l’Élysée mitterrandien, avait repris les mêmes techniques en remplaçant simplement dans le discours les ouvriers par les immigrés, la classe par la race, les fascistes par les racistes. On se souvient qu’Harlem Désir fut le premier patron officiel de SOS Racisme. Le premier secrétaire par intérim du PS donne ainsi, une fois de plus, raison à l’adage énoncé par Alain Finkielkraut : « L’antiracisme est le communisme du XXIe siècle. »