La disparition programmée des trotskistes
Nathalie qui ? Personne ne connaît la nouvelle candidate de Lutte ouvrière et elle aura du mal à se faire un nom. La notoriété d’Arlette Laguiller n’avait pas empêché celle-ci de subir une énorme déconvenue à la dernière présidentielle de 2007, atteignant péniblement les 1,33 %. À l’époque, c’est le frère ennemi trotskiste, Olivier Besancenot, qui lui avait volé la vedette et les électeurs. Désormais, après le retrait du facteur, les deux rivaux se retrouvent dans le même fond du trou. Une nouvelle exception française disparaît, le trotskisme, qui essayait de concilier la fidélité aux deux grandes révolutions, française et russe, avec un discours libertaire qui voulait faire oublier que Trotski, avant d’être la victime de Staline, avait été un impitoyable massacreur d’opposants.
Ce marxisme intello avait connu son heure de gloire dans les universités françaises ; il avait eu le bonheur de voir passer devant lui le cadavre de son vieil ennemi stalinien. Mais les trotskistes n’auront pas survécu longtemps au Parti communiste français. Celui-ci s’agite encore grâce à ses élus locaux ; les deux groupuscules trotskistes, eux, ont réussi à prolonger artificiellement leur existence grâce au bouche-à-bouche médiatique. Besancenot et Laguiller se sont assis sur le divan de Michel Drucker, interdit à Marine Le Pen. Mais c’est pour elle que votent les ouvriers. Nathalie Arthaud conservera le slogan de la marque Laguiller, mais les « travailleurs, travailleuses » sont partis depuis longtemps.
C’est le drame des marxistes. Leur grand Allemand avait annoncé la mondialisation et fort bien analysé les aspects révolutionnaires du capitalisme, qui n’hésite pas à détruire les structures traditionnelles pour imposer partout la loi du marché. Mais l’internationalisme communiste était subversif, quand le capitalisme était avant tout national. Dès lors que le capitalisme lui-même se mondialise, l’internationalisme de l’extrême gauche devient le frère jumeau de la globalisation – son idiot utile.
Leur anticolonialisme historique leur interdit de se méfier de la montée en puissance des nouveaux pays émergents, anciennes colonies devenues grands vainqueurs du jeu capitaliste. Leur hostilité viscérale aux identités nationales les pousse à refuser tout contrôle de l’immigration. Jaurès les avait pourtant prévenus : « La nation est le seul bien des pauvres. » Ils n’ont pas voulu l’entendre.
La querelle fondamentale de notre époque autour de la mondialisation les ignore. Les classes populaires sont séduites par Marine Le Pen, parce qu’elle leur parle de ce qui les préoccupe : l’immigration. Les élites de gauche – encore minoritaires – qui basculent dans le protectionnisme se retrouvent autour de Jean-Luc Mélenchon ou d’Arnaud Montebourg, qui prône la démondialisation. Les trotskistes sont les reliquats d’une histoire née en 1917 et achevée en 1989. Ils sont devenus inutiles au jeu politique, qui tourne en dehors d’eux. Leur disparition est programmée.