Prêt-bail
Les marques fraîches de tracteur sur le marécage étaient les traces d’un animal préhistorique : c’était tout sauf de la technique américaine en prêt-bail[114].
Nous autres détenus, nous avions entendu parler de ces cadeaux d’outre-mer qui avaient jeté le trouble dans les sentiments des autorités du camp. Les tailleurs en tricot usé, les pull-overs et les jumpers de seconde main collectés de l’autre côté de l’océan pour les détenus de la Kolyma avaient été raflés par les femmes de généraux de Magadane qui avaient failli en venir aux mains. Dans les listes, on désignait ces merveilles en laine sous l’appellation « seconde main », ce qui était bien plus expressif, on le comprend, que « usagés » ou d’obscures initiales telles que é/u (été utilisé) qui ne sont compréhensibles que pour un homme de camp. Les mots « seconde main » recèlent une imprécision mystérieuse, comme si on avait tenu ces vêtements entre les mains ou qu’on les avait gardés dans un placard, chez soi : ainsi le costume était devenu de « seconde main » sans perdre aucune de ses innombrables qualités, ce qui n’aurait pas été le cas si on avait mis dans le document le mot « usagé ».
Les saucissons du prêt-bail n’étaient pas du tout de seconde main, mais nous ne vîmes ces boîtes fabuleuses que de loin. Les conserves de porc en prêt-bail dans leurs boîtes pansues, ça, c’était un plat que nous connaissions bien. Le porc décompté et mesuré selon une table d’équivalence très complexe, volé par les mains avides des chefs et à nouveau pesé, à nouveau mesuré avant d’être plongé dans les casseroles, cuit et recuit, transformé en mystérieux filaments qui sentaient n’importe quoi sauf la viande, le porc en prêt-bail, donc, ne perturbait que notre vue, pas notre goût. Le porc en boîte du prêt-bail passé par le chaudron du camp n’avait aucun goût. Les estomacs des détenus auraient préféré quelque chose de national comme de la vieille viande de renne pourrie que sept cuissons successives dans les chaudrons du camp ne pourraient dissoudre. La viande de renne ne disparaît pas, elle n’a pas le caractère éphémère du porc.
Les flocons d’avoine en prêt-bail, ça, nous l’approuvions et nous en mangions. De toutes façons, il n’y avait pas plus de deux cuillères à soupe de bouillie par portion.
Mais il y avait aussi de la technique en prêt-bail, de la technique non comestible : de petites haches-tomahawks peu pratiques et des pelles un peu plus maniables avec des manches courts, calculés pour économiser les forces du pelleteur – pas à la russe. Les pelles furent immédiatement transformées en outils à longs manches à la manière nationale et la pelle elle-même aplatie afin de prendre et d’agripper plus de terre.
De la glycérine en tonneau ! De la glycérine ! Dès la première nuit, le gardien remplit avec sa gamelle un seau de glycérine liquide qu’il vendit aux détenus comme du « miel américain » ; il fit fortune.
On avait également livré en prêt-bail d’énormes Diamond noirs de cinquante tonnes avec des remorques et des rebords métalliques ; et des Studebaker de cinq tonnes qui escaladaient facilement n’importe quelle côte – il n’y a jamais eu de meilleurs véhicules à la Kolyma. Dans ces Studebakers et ces Diamonds, on transportait jour et nuit le blé américain reçu en prêt-bail dans de beaux sacs blancs frappés de l’aigle américain, le long de la route de mille verstes. Avec cette farine, on fabriquait des pains boursouflés des plus insipides. Ce pain en prêt-bail avait une qualité étonnante. Tous ceux qui en mangeaient cessaient de faire leurs besoins ; une fois tous les cinq jours, l’estomac rejetait quelque chose qu’on ne pouvait même pas qualifier d’excrément. L’estomac et les intestins du détenu absorbaient cet excellent pain blanc additionné de maïs, de farine d’os et d’autre chose encore – peut-être de simple espoir humain –, ils l’absorbaient intégralement, sans restes, et le temps n’est pas encore venu de faire le compte de ceux qui ont été sauvés par ce pain d’outre-mer.
Les Studebaker et les Diamond bouffaient beaucoup d’essence. Mais il y avait aussi de l’essence en prêt-bail, de l’essence claire pour avions. Les véhicules nationaux, des gazogènes, furent rééquipés de chauffage au bois : deux fours-colonnes posés près du moteur et alimentés de bois conditionné pour gazogènes. On vit apparaître le terme de bois conditionné ainsi que quelques combinats pour le conditionnement, avec, à leur tête, des membres du parti. Dans ces combinats, la direction technique était assurée par un ingénieur en chef, un ingénieur tout court, un agent d’études, un planificateur et des comptables. Combien y avait-il de travailleurs pour scier le bois conditionné à la scie circulaire ? Deux ou trois, je ne m’en souviens plus. Peut-être bien trois. La technique nous venait en prêt-bail et un tracteur nous arriva qui apporta un mot nouveau à notre langue : bulldozer.
Le monstre préhistorique fut libéré de ses chaînes, le bulldozer américain fut lâché sur ses chenilles avec sa lame étincelante comme un miroir, son bouclier métallique suspendu : son excavatrice. Un miroir qui reflétait le ciel, les arbres et les étoiles, qui reflétait les visages crasseux des détenus. Il y eut même un soldat d’escorte pour s’approcher du miracle d’outremer et déclarer qu’on pourrait se raser devant ce miroir métallique. Mais nous n’avions pas à nous raser, l’idée ne nous en serait jamais venue.
On entendit longtemps les soupirs et les craquements du nouvel animal américain dans l’air glacé. Le gel faisait tousser le bulldozer qui se fâchait. Puis il finit, haletant et grondant, par se lancer courageusement en avant, piétinant les mottes de terre, franchissant aisément les souches : c’était l’aide d’outre-mer.
Désormais, nous n’aurions plus à débarder les rondins de mélèzes de Dahurie lourds comme du plomb : le bois de charpente et de chauffage était disséminé dans toute la forêt sur le flanc de la montagne. Les traîner à la main pour en faire des piles – c’est ce qu’on désigne du mot joyeux de débardage –, était à la Kolyma, au-dessus des forces humaines, insupportable. Le débardage sur les mottes de terre, les sentiers étroits et tortueux et la pente montagneuse, dépasse véritablement toute force humaine. Jusqu’en 1938, on envoya des chevaux au moment du débardage, mais ils supportaient ce travail encore moins bien que les hommes : plus faibles que les hommes, ils mouraient. À présent, nous avions pour nous aider (mais l’aide était-elle pour nous ?) l’excavatrice du bulldozer d’outre-mer.
Aucun d’entre nous n’osait penser qu’on pourrait nous donner un travail plus facile à la place du débardage, pénible, inhumain que tous haïssaient. On allait simplement augmenter nos normes pour l’abattage des arbres : de toutes façons, il faudrait faire quelque chose d’autre, d’aussi humiliant et méprisé que le travail du camp. Le bulldozer américain n’allait pas guérir nos doigts gelés, mais peut-être serait-ce le cas du solidol[115] américain ! Ah, le solidol, le solidol ! Le tonneau fut immédiatement attaqué par une foule de crevards, son couvercle instantanément brisé d’une pierre.
Les affamés décrétèrent que c’était du beurre en prêt-bail et il ne restait plus que la moitié du tonneau quand on posta une sentinelle : les gradés durent chasser à coups de fusil les crevards affamés qui se pressaient près du tonneau. Les veinards avalèrent ce beurre en prêt-bail sans vouloir croire que c’était du solidol : le pain curatif des Américains n’était-il pas lui aussi insipide, avec un arrière-goût métallique ? Et tous ceux qui eurent la chance de toucher au solidol se léchèrent les doigts pendant des heures en avalant de minuscules morceaux de ce bonheur d’outre-mer qui avait le goût d’une jeune pierre. Car même la pierre n’est pas née à l’état de pierre, mais de « créature » molle semblable au beurre. De créature, pas d’objet. La pierre n’est un objet que lorsqu’elle est vieille. Les jeunes tufs liquides des roches calcaires de la montagne fascinaient les évadés et les travailleurs des prospections géologiques. Il fallait des miracles de volonté pour s’arracher au spectacle de ces rivages de gelée et de ces rivières de lait[116] formés par les coulées de jeune pierre. Mais là-bas, c’était la montagne, le rocher, la désagrégation des roches. Et ici, les fournitures en prêt-bail, de fabrication humaine…
Ceux qui avaient plongé leurs mains dans le tonneau ne furent pas malades. Les estomacs et les intestins entraînés à la Kolyma vinrent à bout du solidol. Quant aux restes, on les fit garder par une sentinelle, car le solidol est une nourriture pour les machines, des créatures bien plus importantes pour l’État que les hommes.
Et voilà qu’une de ces créatures nous était arrivée d’outre-mer, comme symbole de la victoire, de l’amitié et de quelque chose encore.
Trois cents hommes jalousaient infiniment le détenu Grinka Lébédev qui était au volant du tracteur américain. On pouvait trouver de meilleurs conducteurs de tracteurs parmi les détenus, mais tous étaient des 58, des « sigles », des « siglards ». Grinka Lébédev était un droit commun, un parricide, pour être plus précis. Ces trois cents hommes furent témoins de son bonheur terrestre : assis au volant d’un tracteur bien graissé qui avançait en stridulant, il partit vers la coupe dans un vrombissement.
La coupe s’éloignait de plus en plus. À la Kolyma, l’exploitation forestière pour le bâtiment se fait dans les lits des torrents, dans des gorges profondes, où, tendus à la poursuite du soleil, les arbres gagnent de la hauteur dans l’obscurité, à l’abri du vent. Sous le vent, à la lumière et sur les pentes marécageuses des montagnes, poussent des pins nains cassés, déformés, torturés par leur incessante torsion à la poursuite du soleil, par leur lutte incessante pour un bout de terre dégelée. Les arbres qui sont sur le flanc de la montagne ne ressemblent pas à des arbres, mais à des monstres dignes d’un cabinet des curiosités. Et ce n’est que dans les gorges obscures, le long des ruisseaux montagnards, que les arbres sont hauts et forts. L’exploitation forestière ressemble à celle de l’or et se situe sur les mêmes ruisseaux aurifères, tout aussi précipitée et hâtive : un ruisseau, une rigole de flottage, un dispositif de lavage, une baraque provisoire et un pillage forcené à l’arraché qui laisse la rivière et la contrée sans forêts pour trois cents ans, et sans or pour toujours.
Il existe quelque part une administration forestière, mais comment parler de sylviculture à la Kolyma où les mélèzes mettent trois cents ans pour parvenir à maturité et où, en période de guerre, en réponse au prêt-bail, on assiste à un nouvel accès de fièvre de l’or, d’ailleurs contrôlée par les miradors des zones ?
Beaucoup de bois de charpente et de chauffage débité et stocké avait été abandonné sur les coupes. Beaucoup de troncs retombés à terre à peine chargés sur les frêles épaules osseuses des détenus se sont noyés dans la neige. Les faibles bras des détenus, des dizaines de bras, ne pouvaient charger sur une épaule (d’ailleurs de telles épaules n’existaient pas) un rondin de deux mètres lourd comme du plomb pour le traîner sur une dizaine de mètres parsemés de mottes de terre, de crevasses et de trous. Il y avait beaucoup de bois abandonné par impossibilité de débardage, et le bulldozer devait nous aider.
Mais, pour son premier voyage sur la terre de la Kolyma, sur la terre russe, le bulldozer eut une tout autre tâche.
Nous vîmes le bulldozer stridulant tourner à gauche et monter vers un plateau, un banc de roche où se trouvait la vieille route qui passait près du cimetière du camp et qu’on nous avait fait emprunter des centaines de fois pour nous mener au travail.
Je ne m’étais pas demandé pourquoi, ces dernières semaines, on nous avait conduits au travail par une autre route, au lieu de nous faire suivre le sentier familier tracé par les talons des bottes des soldats d’escorte et les caoutchoucs tchouni des détenus. La nouvelle route était deux fois plus longue que la première. Il y avait des montées et des descentes à chaque pas. Le temps d’arriver au travail, nous étions déjà fatigués. Mais personne ne demandait pourquoi on nous faisait prendre un nouveau chemin.
Il devait en être ainsi, tels étaient les ordres, et nous avancions à quatre pattes en nous accrochant aux pierres et en nous ensanglantant les mains sur le roc.
C’est alors seulement que je vis et compris de quoi il retournait. Et je remerciai Dieu de m’avoir donné le temps et la force de voir tout cela.
Les coupes s’étaient éloignées de plus en plus. Le flanc de la montagne avait été mis à nu et la neige, peu profonde, balayée par le vent. Toutes les souches avaient été arrachées, sans exception : on avait mis des charges d’explosif sous les plus grosses et elles avaient volé en éclats. On avait déraciné les plus petites à l’aide de leviers. Quant aux toutes petites, on les avait simplement enlevées à la main comme des buissons de pin nain…
La montagne dénudée était transformée en une gigantesque scène de théâtre où allait se jouer un mystère du camp.
La fosse, la tombe commune des détenus – une grande fosse en pierre bourrée jusqu’en surface de cadavres non décomposés –, avait commencé à s’ébouler dès 1938. Les corps s’étaient mis à glisser sur le flanc de la montagne, révélant le secret de la Kolyma.
À la Kolyma, on dépose les corps non pas dans la terre, mais dans le rocher. La pierre garde et révèle les secrets. La pierre est plus sûre que la terre. Le permafrost conserve, puis dévoile les secrets. Tous nos proches qui ont péri à la Kolyma, tous ceux qui ont été fusillés, battus à mort, saignés à blanc par la faim, tous peuvent être identifiés même après une dizaine d’années. Il n’y avait pas de fours crématoires à la Kolyma. Et les cadavres attendaient dans le roc, dans le permafrost.
En 1938, aux gisements aurifères, des brigades entières étaient chargées de creuser ces fosses : elles passaient leur temps à forer, à dynamiter et à approfondir ces fosses pierreuses grises, dures et froides. En 1938, creuser des tombes était considéré comme un travail facile : il n’y avait pas de « tâche à remplir », pas de norme qui tue, calculée sur la base d’une journée de travail de quatorze heures. Creuser des tombes, c’était plus facile que de rester pieds nus dans des caoutchoucs tchouni à patauger dans l’eau glaciale des gisements aurifères – la « production essentielle », le « premier métal ».
Ces tombes, ces grandes fosses en pierre, étaient pleines à ras bord de cadavres. Des cadavres non décomposés, des squelettes nus revêtus de peau, d’une peau sale, grattée jusqu’au sang, dévorée par les poux.
La pierre, le Nord s’opposaient de toutes leurs forces à cette œuvre de l’homme en refusant d’accueillir les cadavres en leur sein. La pierre qui devait céder, vaincue et humiliée, se promettait de ne rien oublier, d’attendre et de conserver le secret. Les hivers rigoureux et les étés brûlants, les vents et les pluies enlevèrent les cadavres à la pierre en six ans. La terre s’entrouvrit pour montrer ses dépôts souterrains, car les dépôts souterrains de la Kolyma, ce n’est pas seulement de l’or, de l’étain, du tungstène ou de l’uranium, mais aussi des corps humains non décomposés.
Ces corps glissèrent sur le flanc de la montagne, peut-être prêts à ressusciter. J’avais déjà remarqué de loin, de l’autre côté du ruisseau, ces choses qui bougeaient, qui s’accrochaient aux branches et aux pierres : je les avais vues à travers la forêt coupée et clairsemée et je pensais que c’étaient des rondins, des rondins qui n’avaient pas encore été débardés.
Maintenant, la montagne était à nu et son secret révélé. La tombe s’était ouverte et les cadavres glissaient sur la pente rocheuse. On avait creusé et taillé une immense fosse commune toute neuve près de la route à tracteur, mais qui ça, « on » ? Personne de la baraque n’avait été pris pour ce travail. Une fosse très grande. Il y aurait de la place dans cette nouvelle fosse, cette nouvelle demeure pour cadavres, aussi bien pour moi que pour mes camarades, si nous venions à geler et à mourir.
Le bulldozer avait fait un tas de tous ces corps raidis par le froid, de ces milliers de corps, de cadavres semblables à des squelettes. Tout s’était conservé ; les doigts tordus des mains, les doigts de pied purulents, les moignons des membres gelés, la peau sèche grattée jusqu’au sang et l’éclat affamé des yeux.
De tout mon cerveau fatigué, épuisé, j’essayais de comprendre : « D’où peut provenir une aussi grande fosse dans la région ? Il n’y a jamais eu de gisements aurifères ici, si je ne me trompe ; je suis pourtant un ancien de la Kolyma. » Puis, je me dis que je ne connaissais qu’une infime partie de ce monde : la zone délimitée par les barbelés et les miradors qui rappelaient les bulbes de l’ancienne Moscou. Les bâtiments géants de Moscou sont autant de miradors d’où l’on surveille les prisonniers de la ville : c’est ce qu’ils sont. On se demande où est l’original et où est la copie des tours gardiennes du Kremlin ou des miradors des camps qui ont servi de modèle architectural à Moscou. Le mirador de la zone principale d’un camp, c’est là l’idée maîtresse de l’époque, brillamment exprimée par la symbolique architecturale.
Je me dis que je ne connaissais qu’un tout petit bout de ce monde, une part insignifiante, et que, vingt kilomètres plus loin, il pouvait y avoir une cabane de géologues prospecteurs en quête d’uranium ou une mine d’or avec trente mille détenus. On pouvait cacher tant de choses dans les replis de la montagne.
Ensuite, je me rappelai la flamme avide de l’épilobe, la floraison impétueuse de la taïga, l’été qui s’efforce d’enfouir sous l’herbe et le feuillage toutes les réalisations humaines, bonnes ou mauvaises. Combien l’herbe est plus oublieuse que l’homme ! Si moi j’oublie, l’herbe oubliera aussi. Mais le roc et le permafrost, eux, n’oublieront jamais.
Grinka Lébédev, le parricide, était un excellent conducteur de tracteur et il pilotait avec aisance l’engin d’outre-mer bien graissé. Grinka Lébédev faisait consciencieusement son travail : à l’aide de l’excavatrice étincelante du bulldozer, il empilait les corps près du tombeau, les poussait dans la fosse et retournait au débardage.
Les chefs avaient décidé que le premier voyage, la première tâche du bulldozer fourni en prêt-bail ne seraient pas consacrés au travail forestier, mais à une affaire bien plus importante.
Le travail fut terminé. Le bulldozer déversa une masse de pierres et de galets sur la nouvelle fosse et les cadavres furent de nouveau cachés sous la pierre. Mais ils ne disparurent pas.
Le bulldozer se rapprochait de nous. Grinka Lébédev, le droit commun, le parricide, ne nous regardait pas, nous les « siglards », les 58. On avait confié à Grinka Lébédev une tâche gouvernementale et il s’en était acquitté. La fierté, la conscience du devoir accompli se lisaient sur son visage de pierre.
Le bulldozer gronda en passant près de nous : sur sa lame-miroir, il n’y avait pas une égratignure, pas une tache.
1965