Un morceau de chair
Oui, Goloubiev avait fait ce sacrifice sanglant. Un morceau de sa propre chair coupé et jeté aux pieds du dieu tout-puissant du camp. Pour fléchir ce dieu. Le fléchir ou le tromper ? La vie reprend les sujets de Shakespeare plus souvent qu’on ne croit. Lady Macbeth, Richard III ou le roi Claudius ne sont-ils que lointain passé moyenâgeux ? Et Shylock, qui voulait découper une livre de chair humaine dans le corps du marchand de Venise, ne serait-il qu’une fable ? Bien sûr, l’appendice, un organe rudimentaire, était loin de peser une livre. Certes, le sacrifice sanglant s’était accompli dans toutes les règles de l’asepsie. Et pourtant… Il était apparu que cet organe rudimentaire n’avait rien de rudimentaire, qu’il était nécessaire, actif, synonyme de salut…
La fin de l’année fit croître l’inquiétude chez les détenus. Il s’agit de tous ceux qui ne sont pas vraiment assurés de leur poste – or qui, parmi les détenus, peut en être vraiment assuré ? –, des 58, bien entendu, parvenus, après de longues années passées sur un front de taille dans la faim et le froid, à conquérir de haute lutte un bonheur illusoire et incertain pour quelques mois ou quelques semaines en travaillant dans leur spécialité ou n’importe quelle « planque » comme comptable, aide-médecin, médecin ou laborantin ; en un mot, il s’agit de tous ceux qui ont réussi à obtenir un poste normalement réservé à un libre (parce qu’il n’y en avait pas) ou à un droit commun, mais les droit commun n’apprécient guère ces « places privilégiées », car il leur est toujours possible d’en obtenir une, et c’est la raison pour laquelle ils passent leur temps à boire, ou pire…
Les 58 occupent des postes de titulaires. Ils travaillent bien. Remarquablement bien. En pure perte. Une commission finit toujours par les renvoyer en infligeant, au passage, un blâme au chef. Alors le chef, qui ne veut pas gâcher ses bonnes relations avec cette commission haut placée, renvoie lui-même à l’avance tous ceux qui ne devraient pas occuper des postes privilégiés.
Un bon chef attend la venue de la commission : pour qu’elle fasse elle-même le sale boulot, qu’elle renvoie et embarque qui elle peut. C’est si vite fait d’embarquer quelqu’un. Quant à ceux qu’elle ne renvoie pas, ils restent, et pour un bon moment : pour un an, jusqu’en décembre de l’année suivante. Ou, au minimum, pour six mois. Mais un plus mauvais chef, plus sot, renvoie les détenus de lui-même, sans attendre la venue de la commission : pour pouvoir dire dans son rapport que tout est en ordre. Quant au pire et au moins expérimenté des chefs, il exécute honnêtement tous les ordres des autorités supérieures et ne permet pas aux 58 d’accéder à quelque travail que ce soit en dehors du pic et de la brouette, de la scie et de la hache. Pour ces chefs-là, les affaires vont de plus en plus mal. Et ils sont très vite révoqués.
Ces visites, ces raids de la commission ont toujours lieu à la fin de l’année ; les autorités ont toujours du retard en matière de contrôle, qu’elles essaient de rattraper en fin d’année. Alors elles envoient des commissions. Certains chefs se dérangent en personne. Ils touchent des indemnités de déplacement, et d’un. Les « secteurs » n’échappent pas à leur surveillance, et de deux. Témoin en est leur paraphe sur un document officiel. Enfin, ça leur permet tout simplement de se dégourdir les jambes, de se balader et de montrer leur tempérament, leur force, leur stature.
Tout cela, les détenus le savent aussi bien que les chefs – des chefs les moins importants aux plus haut placés, à ceux qui ont de grosses étoiles sur leurs épaulettes. Ce n’est pas un jeu nouveau, mais un rite bien connu. Qui n’en inspire pas moins d’inquiétude, n’en est pas moins dangereux ni inéluctable.
Cette visite de décembre peut « briser la destinée » de nombreux détenus et pousser rapidement au tombeau les chanceux de la veille.
Aucun changement positif n’en découle jamais pour personne et les prisonniers, surtout les 58, n’en attendent rien de bon. Ils en attendent le pire.
Dès la veille au soir, des bruits avaient couru, une de ces rumeurs du camp qui se réalisent toujours. On disait que des gradés étaient arrivés avec un camion plein de soldats et un panier à salade, un corbeau noir, pour transporter leurs proies dans des camps de travaux forcés[79] ; que les autorités locales étaient en pleine effervescence, que les « grands » étaient devenus tout petits face aux maîtres de la vie et de la mort : face à quelques capitaines, commandants et lieutenants-colonels que personne ne connaissait. Les lieutenants-colonels étaient tapis quelque part au fin fond des bureaux, mais le capitaine et les commandants se démenaient dans la cour avec des listes à la main, et sur ces listes, il y avait le nom de Goloubiev, c’était certain. Il le sentait, le savait. Mais on n’avait encore rien dit ni convoqué personne. On n’avait encore renvoyé personne.
Près de six mois auparavant, lors de la tournée traditionnelle du corbeau noir au bourg, lors de la chasse à l’homme habituelle, Goloubiev, dont le nom n’était pas sur les listes, se trouvait près du poste de garde, aux côtés d’un détenu-chirurgien. Le chirurgien travaillait à l’hôpital non seulement en chirurgie, mais aussi comme généraliste.
On était en train de pousser dans le corbeau noir le troupeau habituel de détenus qu’on venait d’attraper, de capturer, de démasquer. Le chirurgien était venu faire ses adieux à un camarade qu’on emmenait.
Goloubiev se tenait près du chirurgien. Et, quand le camion s’était éloigné lentement dans un nuage de poussière pour disparaître dans une gorge de montagne, le chirurgien avait déclaré en fixant Krist droit dans les yeux, au sujet de son ami parti pour la mort :
— C’est de sa faute. Une crise d’appendicite aiguë, et il serait resté là.
Goloubiev avait fort bien retenu ces mots. Non pas leur sens, ni leur logique. Juste une image : le regard ferme du chirurgien et le camion disparu dans un nuage de poussière…
— Le répartiteur te cherche, lui dit quelqu’un en accourant.
Et Goloubiev aperçut le répartiteur :
— Prépare-toi !
Le répartiteur avait un papier à la main – une liste. Cette liste n’était pas longue.
— Tout de suite, répondit Goloubiev.
— Tu viendras au poste de garde.
Mais Goloubiev n’alla pas au poste de garde. Se tenant à deux mains le ventre du côté droit, il se mit à gémir et s’en fut en clopinant vers le département sanitaire.
Le chirurgien sortit sur le seuil, le même chirurgien, et il y eut comme un reflet dans son regard, comme un souvenir lointain. Peut-être celui d’un nuage de poussière masquant le camion qui emportait à jamais un autre chirurgien.
L’examen ne dura pas longtemps :
— À l’hôpital. Et faites venir l’infirmière du bloc opératoire. Convoquez le médecin du bourg libre pour qu’il me serve d’assistant. À opérer d’urgence.
À l’hôpital qui se trouvait à deux kilomètres de la zone, on déshabilla Goloubiev, on le lava et on l’inscrivit comme malade.
Deux aides-soignants l’emmenèrent dans la salle d’opération et l’installèrent sur la table. On l’attacha avec des bandes en toile.
— On va te faire une piqûre, maintenant, annonça le chirurgien. Mais il paraît que tu es un gars courageux.
Goloubiev ne dit rien.
— Réponds ! Infirmière, parlez au malade.
— Ça fait mal ?
— Oui.
— C’est toujours comme ça, avec les anesthésies locales, dit le chirurgien expliquant quelque chose à son assistant. Cela n’a d’anesthésie que le nom. Ça y est…
— Patiente encore un peu !
Tout le corps de Goloubiev se cabra sous le coup d’une violente douleur, mais qui perdit presque instantanément de son intensité. Les chirurgiens se mirent à parler tous en même temps, joyeusement, à voix haute.
L’opération touchait à sa fin.
— Bon, on t’a enlevé ton appendice. Infirmière, montrez l’appendice au malade. Tu vois ?
L’infirmière approcha du visage de Goloubiev un morceau de boyau de la taille d’un demi-crayon et semblable à un serpent.
— Les instructions exigent qu’on montre au malade que l’incision n’a pas été pratiquée inutilement, que l’appendice a bien été enlevé, expliqua le médecin à son assistant libre. Et cela vous fait un peu de pratique.
— Je vous suis très reconnaissant pour cette leçon, dit le médecin libre.
— Une leçon de charité, d’humanité, déclara nébuleusement le chirurgien en ôtant ses gants.
— Si vous avez encore quelque chose de ce genre, ne manquez pas de me faire venir, dit le médecin libre.
— S’il se présente quelque chose de ce genre, je n’y manquerai pas, répondit le chirurgien.
Les aides-soignants – des malades convalescents vêtus de blouses blanches rapiécées – emmenèrent Goloubiev dans une salle de l’hôpital. Elle était très petite – c’était la salle postopératoire –, mais il y avait peu d’opérations à l’hôpital et les malades qui s’y trouvaient alors ne relevaient pas de chirurgie.
Goloubiev était étendu sur le dos : il effleura avec précaution son bandage qui ressemblait au vêtement que les fakirs se mettent autour des reins – les fakirs indiens, des yogis. Goloubiev en avait vu des images dans des journaux de son enfance et ensuite, pendant presque toute sa vie, il avait ignoré si ces fakirs ou yogis existaient vraiment. Mais l’idée des yogis traversa son esprit et disparut. Il sentit se relâcher la tension de toute sa volonté et s’effacer le choc nerveux : tout son corps baignait dans la satisfaction du devoir accompli et chacune de ses cellules chantait radieusement, ronronnait comme un chat. Pour l’instant, Goloubiev avait échappé à un envoi vers l’inconnu du bagne. Ce n’était qu’un répit. Combien de temps une plaie mettait-elle à se cicatriser ? Sept à huit jours. Donc le danger reviendrait dans deux semaines. Deux semaines, c’était un délai très lointain, millénaire, suffisant pour se préparer à de nouvelles épreuves. D’ailleurs, le délai de cicatrisation de la plaie était de sept à huit jours d’après les manuels : la cicatrisation théorique, comme disaient les médecins. Et si la plaie s’infectait ? Si le pansement se décollait avant terme ? Goloubiev palpa avec précaution le pansement bien dur qui séchait déjà, la gaze imbibée de gomme arabique. Il le palpa à travers le bandage. Oui… Ce serait un moyen de s’en sortir, une possibilité à garder en réserve pour gagner quelques jours ou quelques mois. Si nécessaire.
Goloubiev se souvint de la grande salle du gisement où il avait été hospitalisé un an auparavant. Là-bas, presque tous les malades défaisaient leurs bandages pour saupoudrer leurs plaies de saletés salvatrices, de véritables saletés ramassées par terre, pour les égratigner et les souiller. À l’époque, ces séances nocturnes au cours desquelles les malades refaisaient leurs pansements avaient suscité l’étonnement, voire le mépris de Goloubiev, le novice. Mais une année s’était écoulée depuis lors et Goloubiev avait commencé à comprendre l’état d’esprit des malades et presque à les envier. Maintenant, il pourrait utiliser s’il le fallait son expérience de l’époque.
Goloubiev s’endormit et se réveilla parce qu’une main soulevait la couverture dont il avait recouvert son visage (Goloubiev dormait toujours à la manière du camp : en se couvrant complètement la tête pour la réchauffer, la protéger). Un inconnu au très beau visage était penché sur lui – un inconnu moustachu avec des cheveux coupés « à la polka » ou « à la boxeur ». En un mot, ce n’était pas un visage de détenu et, en ouvrant les yeux, Goloubiev pensa que c’était un souvenir du genre des yogis ou peut-être un rêve, un cauchemar, ou pas.
— Un cave, dit l’homme, déçu, d’une voix enrouée en remettant la couverture sur le visage de Goloubiev. Un cave. Il n’y a pas de mecs, ici.
Mais Goloubiev rabattit la couverture de ses doigts faibles pour regarder l’homme en question. Cet homme le connaissait, et lui le connaissait aussi. Sans aucun doute. Cependant, il ne fallait surtout pas se dépêcher, se hâter de le reconnaître. Il fallait d’abord bien se souvenir. Se souvenir de tout. Et Goloubiev se souvint. L’homme aux cheveux coupés « à la boxeur », c’était… Tiens, il était en train d’enlever sa chemise près de la fenêtre et Goloubiev n’allait pas tarder à apercevoir sur sa poitrine un écheveau de serpents entrelacés… L’homme se retourna et l’écheveau de serpents entrelacés se retrouva sous les yeux de Goloubiev. C’était Kononenko, un truand que Goloubiev avait croisé dans un camp de transit quelques mois auparavant, un assassin aux condamnations multiples, un truand renommé qui « s’incrustait » depuis quelques années dans des hôpitaux ou des prisons d’instruction. Dès que sonnait l’heure de son départ, Kononenko tuait quelqu’un au camp de transit, n’importe qui, il s’en moquait, n’importe quel cave : il l’étranglait avec une serviette de toilette. Cette serviette, une serviette du camp, c’était son arme de mort favorite, sa signature. On l’arrêtait, on ouvrait une nouvelle affaire, on le jugeait de nouveau et on lui redonnait une peine de vingt ans qui venaient s’ajouter aux centaines d’années qu’il avait déjà à son compte. Après le jugement, Kononenko s’efforçait d’aller à l’hôpital, de « se reposer », puis il tuait de nouveau et tout recommençait. On avait alors aboli les exécutions pour les truands. On ne pouvait fusiller que des « ennemis du peuple », qui tombaient sous le coup de l’article 58.
Maintenant, Kononenko est à l’hôpital, songea tranquillement Goloubiev ; toutes les cellules de son corps chantaient radieusement, elles ne craignaient rien, sûres de leur chance. Maintenant, Kononenko est à l’hôpital. Il en est au « cycle » hospitalier de ses sinistres métamorphoses. Demain, ou après-demain peut-être, sonnera l’heure de l’assassinat suivant, selon son programme. Tous les efforts de Goloubiev, n’étaient-ils pas inutiles : l’opération, cette tension passionnée de toute sa volonté ? Car Kononenko allait l’étrangler, lui : il serait sa prochaine victime. Peut-être n’aurait-il pas fallu éviter le camp de travaux forcés où on vous mettait un « as de carreau[80] » – un numéro à six chiffres sur le dos – et où on vous imposait la tenue rayée des bagnards ? Mais au moins, là-bas, on ne vous tabassait pas, on ne vous volait pas vos « rations de graisse ». Là-bas, il n’y avait pas d’innombrables Kononenko.
La couchette de Goloubiev se trouvait près de la fenêtre. En face de lui, il avait Kononenko. Et près de la porte, tête-bêche par rapport à Kononenko, un troisième homme était couché dont Goloubiev voyait très bien le visage sans avoir à se tourner. Goloubiev connaissait ce malade. C’était Podossénov, un habitué de l’hôpital.
La porte s’ouvrit et un aide-soignant entra avec des médicaments.
— Kazakov ! cria-t-il.
— Oui, répondit Kononenko en se levant.
— Un brifton pour toi.
Il lui donna une feuille de papier bien pliée.
Kazakov ? Ce nom se mit à marteler le cerveau de Goloubiev : mais ce n’est pas Kazakov, c’est Kononenko ! Puis Goloubiev comprit et tout son corps se couvrit de sueurs froides.
Tout se révélait bien pire que prévu. Aucun des trois ne se trompait. C’était bien Kononenko, une « biscotte » comme disaient les truands pour désigner quelqu’un qui usurpait l’identité d’un autre. Et c’était donc sous un autre nom, celui de Kazakov, avec les articles de Kazakov, en guise de « remplaçant », que Kononenko était hospitalisé là. C’était encore pire, encore plus dangereux. Si Kononenko n’était que Kononenko, il pouvait tout aussi bien prendre pour victime Goloubiev ou un autre. Il y avait encore un choix, un hasard, une chance de salut. Mais, si Kononenko était Kazakov, il n’y avait plus de salut possible pour Goloubiev. Si Kononenko avait le moindre soupçon, Goloubiev allait mourir.
— Eh bien quoi, tu m’as déjà vu avant ? Qu’est-ce que tu as à me regarder comme un serpent fixe sa proie ? Ou comme la proie fixe le serpent ? Comment que vous le dites, vous autres, les gens instruits ?
Assis sur un tabouret devant la couchette de Goloubiev, Kononenko était en train de réduire en charpie son papier-message de ses gros doigts rêches et de répandre les miettes de papier sur la couverture de Goloubiev.
— Non, je ne t’ai jamais vu, répondit Goloubiev d’une voix enrouée, en blêmissant.
— Eh bien, c’est parfait, si tu ne m’as jamais vu, dit Kononenko en décrochant sa serviette d’un clou planté dans le mur juste au-dessus de sa couchette et en secouant la serviette devant les yeux de Goloubiev. Hier j’avais décidé d’étrangler ce « docteur », ajouta-t-il en faisant un signe de tête en direction de Podossénov sur le visage duquel se peignit un effroi sans nom. Tu sais ce qu’il fait ce salaud ? dit gaiement Kononenko en montrant Podossénov avec sa serviette. Il ajoute de son propre sang dans son urine : tu vois, il y a un bocal sous sa couchette… Il s’égratigne le doigt et met une goutte de sang dans son urine. Il s’y connaît. Autant qu’un docteur. Conclusion de l’analyse de laboratoire : du sang dans les urines. Et notre « docteur » reste là. Alors, dis-moi un peu, est-ce qu’un homme comme ça mérite de vivre ?
— Je ne sais pas.
— Tu ne sais pas ? Tu le sais très bien. Et puis, hier, on t’a amené, toi. Tu as été avec moi en transit, non ? Jusqu’à mon jugement de l’époque. J’avais alors le nom de Kononenko.
— Je ne t’ai jamais vu de ma vie, dit Goloubiev.
— Si, tu m’as vu. Alors, je me suis décidé. C’est toi que j’allais rectifier à la place du « docteur ». Il n’a rien fait, après tout. Et Kononenko fit un geste en direction du visage blême de Podossénov qui était en train de reprendre un peu de couleur, lentement, très lentement. Il n’a rien fait. Il cherche à sauver sa peau. Comme toi ou comme moi, par exemple.
Tout en parlant, Kononenko arpentait la salle en mettant tantôt dans une main, tantôt dans l’autre, les lambeaux de papier du message qu’il avait reçu.
— Et je t’aurais « rectifié », je t’aurais expédié, sans hésiter. Seulement voilà, l’aide-médecin m’a apporté un billet, tu comprends… Il faut que je me tire d’ici vite fait. Les « chiennes » assassinent les nôtres au gisement. On a appelé « à l’aide » tous les truands qui sont à l’hôpital. Tu ne sais pas ce que c’est, toi, ce genre de vie… Espèce de cave !
Goloubiev ne dit rien. Il savait ce qu’était ce genre de vie. En tant que « cave », bien entendu, vu du dehors.
Après le déjeuner, on fit sortir Kononenko de l’hôpital et il disparut à jamais de la vie de Goloubiev.
Le temps que la troisième couchette resta vide, Podossénov réussit à se traîner jusqu’au bout du lit de Goloubiev, il s’assit à ses pieds et murmura :
— Kazakov va sûrement nous étrangler tous les deux. Il faut prévenir les autorités.
— Va te faire voir, répondit Goloubiev.
1964