La résurrection du mélèze
1.
Cartes qui permettaient de tricher en effaçant des points.
2.
Andreï Bogolioubski (1119-1174) : prince russe, fils de Iouri Dolgorouki, il fit de Vladimir, sa ville natale, la capitale. Il mourut assassiné.
3.
Alphonse Bertillon (1853-1914) : chef du service de l’identité judiciaire à la préfecture de police de Paris (1882), il fut le créateur de l’anthropométrie (ou « bertillonnage ») permettant d’identifier des criminels.
4.
Timochenko, Sémione Konstantinovitch (1895-1970) : officier dans l’armée du tsar, il s’engagea dans l’armée rouge dès la révolution. Ce sont ses troupes du front ukrainien qui entrèrent en Pologne après le pacte germano-soviétique. Il prit également part à la guerre de Finlande. Nommé maréchal en 1940, Timochenko entra au gouvernement juste pour un an, le temps d’arracher à Staline, trois heures avant l’attaque allemande du 22 juin 1941, un ordre de « mise en état d’alerte » qui parvint trop tard aux unités.
5.
En camp, le mot « travailleur » (sous-entendu : celui qui a encore la force de travailler) est opposé à « crevard », en russe rabotiaga et dokhodiaga.
6.
Au milieu des années trente, il y avait de nombreux dirigeants communistes qui vivaient à Moscou, à l’hôtel « Lux » : membres des comités centraux de PC étrangers clandestins dans leur pays, membres du Komintern, de l’Internationale de la jeunesse communiste, de l’Internationale paysanne, syndicale, etc. Il y avait aussi à Moscou de jeunes communistes étrangers venus se former à la lutte clandestine en URSS qui était donc en quelque sorte le quartier général et le centre du communisme mondial. Au cours des années 1937-1938, tous les partis frères furent décimés : on a arrêté les responsables soviétiques des organisations communistes internationales, puis de nombreux communistes étrangers de Moscou. Plusieurs PC furent dissous. (Pour plus de détails, cf, entre autres, Roy Medvédev, Le Stalinisme, Seuil, 1972, Christian Duplan et Vincent Giret, La Vie en rouge, Seuil, 1994, Jean Rossi, Qu’elle était belle, cette Utopie, chroniques du Goulag illustrées par l’auteur, collab. Sophie Benech, le Cherche midi éd., 2000, Margarete Buber-Neumann, Déportée en Sibérie, Seuil, 1986.)
7.
Expression ironique et méprisante à l’égard des intellectuels. Signifiait grosso modo : « n’espère pas décrocher un travail facile dans ton domaine ». Plus tard, on trouvera une expression équivalente : « tu pourras toujours trier les biscuits ».
8.
Littéralement : « Entrée, ma petite entrée » (dans l’isba russe, l’entrée était en fait un vaste vestibule, pratiquement aussi spacieux que la pièce principale) : chanson folklorique à l’air très entraînant aussi connue que Frère Jacques.
9.
Fitil, synonyme de dokhodiaga, mot désignant une flamme qui brille à peine et risque de s’éteindre.
10.
Mikhaïl Ivanovitch Kalinine (1875-1946) : président du Comité central exécutif à partir de 1919, puis président du présidium du Soviet suprême jusqu’à sa mort. Il entra aussi au bureau politique à partir de 1926. Personnage d’apparat, sorte de symbole du caractère populaire de l’État soviétique et rien de plus, il esquiva les combats politiques et se laissa glisser au gré des événements. Il écrivit des ouvrages sur la planification économique et l’éducation communiste. Sa femme passa de nombreuses années dans des camps (voir Lev Razgon, La Vie sans lendemain, éd. Sophie Horay, Paris, 1991).
11.
Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevski (1821-1881) : arrêté en avril 1849 comme membre du cercle Pétrachevski accusé d’un complot contre le tsar Nicolas Ier, Dostoïevski fut condamné à mort ; mais après un simulacre d’exécution, sa peine fut commuée en dix ans d’exil dont quatre de bagne et six de « service militaire » en Sibérie. Après le bagne, il fut donc simple soldat au 7e bataillon de ligne de Sibérie. En 1862, date de publication des Souvenirs de la maison des morts, Dostoïevski dit avoir découvert la bonté humaine parmi les bagnards : « l’or sous l’ordure ».
12.
Hebdomadaire littéraire, artistique et humoristique publié entre 1910 et 1917. Certains numéros étaient entièrement consacrés à une personnalité (écrivain, compositeur ou artiste). Publia des suppléments de 1913 à 1915 sous forme d’albums illustrés.
13.
Fusil portant le nom de son constructeur américain, le colonel Berdan, qui servit dans l’armée russe dans les années soixante-dix et quatre-vingt du XIXe siècle. Aux États-Unis, ce fusil conçu selon le « système Berdan » fut appelé « fusil russe ».
14.
Article 58 1/a : la trahison de la patrie, c’est-à-dire les actions commises par des citoyens de l’URSS au détriment de sa puissance militaire, de son indépendance nationale ou de l’intégrité de son territoire – l’espionnage, la divulgation d’un secret militaire ou d’un secret d’État, le passage à l’ennemi, la fuite à l’étranger –, est passible de peine de mort entraînant la confiscation de tous les biens, ou, en cas de circonstances atténuantes, dix ans de détention entraînant la confiscation de tous les biens.
Article 58 1/b : les mêmes actions commises par un militaire sont passibles de peine de mort entraînant la confiscation de tous les biens.
15.
Vingt-cinq ans de camp plus cinq ans de privation des droits civiques et de relégation.
16.
Allusion à un vers de Derjavine : « Je suis un tsar, je suis un esclave, je suis un vermisseau, je suis un dieu. »
17.
Pour une « séance de masturbation collective ».
18.
« Père » en ukrainien.
19.
« Cinq ans de camps lointains » en ukrainien.
20.
Iakov Alexandrovitch Slachtchov (1885-1929) : général « blanc » qui prit part à la Première Guerre mondiale, puis combattit les « Rouges » dans le sud de la Russie. Il participa à la défense de la Crimée mais, début 1920, il entra en conflit avec Wrangel qui le dégrada. À l’automne 1921, il regagna l’URSS en compagnie d’un groupe d’officiers, avec l’autorisation du gouvernement soviétique. Il fut amnistié et appela tous les « Blancs » à suivre son exemple.
21.
Le village natal de Makhno, province de Ekaterinoslav (aujourd’hui Dnepropetrovsk) où s’est formé le noyau de l’armée paysanne.
22.
Le prototype de l’ingénieur Kipreïev est Guéorgui Démidov, d’après Chalamov, une des personnes les plus dignes qu’il lui fut donné de rencontrer à la Kolyma. À la différence de jizn, vie, le mot jitiïé, appartient au registre de l’hagiographie.
23.
C’est-à-dire la torture, qui commença à être appliquée massivement à partir de la seconde moitié de l’année 1937.
24.
Igor Vassiliévitch Kourtchatov (1903-1960) : savant atomiste soviétique qui mit sur pied l’énergie atomique en URSS. À la veille de la guerre, il proposa qu’on entreprenne des travaux pour doter l’URSS d’un armement nucléaire, mais, ainsi que l’admettra le 31 mars 1964 L’étoile rouge, l’organe de l’armée, Staline ne prit pas ses projets au sérieux et mit fin aux recherches de son équipe. Par la suite, il dirigea l’Institut de l’énergie atomique de l’URSS.
25.
James Vincent Forrestal (1892-1949) : jusqu’à l’âge de quarante-huit ans, cet homme d’État américain dirigea un des établissements prospères de Wall Street. En 1944, Roosevelt le nomma secrétaire à la Marine. En 1947, il devint le premier secrétaire à la Défense. Tout le monde ne vit pas d’un bon œil cette promotion d’un banquier : attaqué par les militaires et les civils, il dut démissionner en avril 1949. Ce champion de l’extrême fermeté qui voulait éviter à tout prix la guerre à son pays se suicida finalement le 24 mai 1949.
26.
La convention sur la répression du crime de génocide a été ratifiée par l’Assemblée générale de l’ONU le 9 décembre 1948 à New York. Elle entra en vigueur le 12 janvier 1951, après le dépôt des vingt premières ratifications.
27.
Le sujet de ce récit a été emprunté à une nouvelle autobiographique de Iouri Dombrovski. [Note de l’éditeur russe.]
28.
Citation de Tiouttchev.
29.
Le musée de la Littérature (Literatourny Mouzeï), 38, rue Dimitrov à Moscou, a des ouvrages sur la littérature russe en général et organise des expositions temporaires d’écrivains.
30.
Ce canon iconographique, attesté en Grèce et en Serbie dès les premiers siècles de notre ère, apparaît en Russie au XVIIIe siècle ; ce sujet est lié à une légende sur la vie de Saint Jean Damascène. Le troisième bras serait représenté par le saint lui-même à la suite d’une guérison miraculeuse.
31.
Nom d’un médicament utilisé dans les cures de désintoxication.
32.
Une sorte de crêpe faite avec de la pâte épaisse qu’on déchire en morceaux irréguliers jetés dans de l’eau bouillante.
33.
C’est-à-dire l’examen de fin d’études.
34.
Le nom du radeau sur lequel l’ethnologue norvégien Thor Heyerdahl et ses cinq compagnons traversèrent le Pacifique, du Pérou à la Polynésie, en 101 jours, en 1947.
35.
Probablement, allusion à la fin des Voyages de Gulliver de Jonathan Swift.
36.
Article 58/6 : « L’espionnage, c’est-à-dire la transmission, le vol ou la collecte, dans le but de les transmettre, de renseignements dont le contenu représente un secret d’État particulièrement protégé, à des États étrangers, à des organisations contre-révolutionnaires ou à des personnes privées, entraîne une peine de privation de liberté avec réclusion sévère de trois ans minimum, avec confiscation totale ou partielle des biens ; et, dans le cas où l’espionnage a entraîné ou aurait pu entraîner des conséquences particulièrement graves pour les intérêts de l’URSS, la mesure suprême de protection sociale, peine de mort, ou condamnation comme ennemi des travailleurs avec déchéance de la citoyenneté de la République de l’Union et, par conséquent, de la citoyenneté de l’URSS et avec expulsion pour toujours hors des frontières de l’URSS et confiscation des biens. »
37.
Sémione Pétrovitch Babaïevski (né en 1909) : écrivain soviétique d’origine paysanne, auteur de romans de propagande sur la campagne des kolkhozes vue sous l’angle positif du « bon héros socialiste » et publiés à des millions d’exemplaires.
38.
Mikhaïl Stepanovitch Kedrov (1878-1941) : révolutionnaire et bolchevik russe, membre du parti depuis 1901, il devint, en mai 1917, membre de l’organisation militaire du Comité central du parti et du bureau panrusse des organisations militaires bolcheviques, ainsi que rédacteur en chef du journal Le Travailleur et le Soldat. En 1919, il fut nommé président du département spécial de la Vetchéka. Dès lors, il a successivement occupé diverses fonctions de « délégué politique de haut niveau » d’une part, et de médecin chargé d’affaires sanitaires d’autre part.
39.
Personnage du roman de Dostoïevski Les Démons (ou Les Possédés) (« Bessy »), 1871-1872, héros nihiliste et terroriste, partisan d’un despotisme illimité d’un dixième de l’humanité sur les neuf dixièmes restants, lesquels doivent docilement se laisser conduire vers un bonheur obligatoire.
40.
D’après Roy Medvédev (Le Stalinisme, Paris, Seuil, 1972, p. 296), cette lettre fut envoyée au secrétaire du Comité central, Andreïev.
41.
Dans les foires, c’était un perroquet qui se chargeait de « tirer au sort » de son bec l’horoscope du client parmi une pile de prédictions.
42.
Conducteur d’attelage de rennes (ou de chiens).
43.
Le 22 mars 1952, Chalamov, qui travaillait alors à l’hôpital Central de Débine, avait expédié à Pasternak deux cahiers de poésies. Pasternak avait répondu le 9 juillet par une longue lettre « chaleureuse, pleine de bonté et de délicatesse », comme le dira Chalamov plus tard. Ce dernier fit 1500 kilomètres pour retirer cette lettre.
44.
Piotr Stolypine (1862-1911), gouverneur de Grodno, puis de Saratov, ministre de l’Intérieur puis président du Conseil (1906), fut l’objet de plusieurs attentats avant de mourir assassiné par M. Bojrov.
45.
Dernières émeutes sanglantes de la révolution de 1905.
46.
Sémion Frank (1877-1950), philosophe religieux ; sa position fut proche de celle de l’existentialisme et de la phénoménologie occidentales. Il fut expulsé d’URSS en 1922.
47.
Evno Azef, informateur de la police secrète, infiltré dans les groupes terroristes, jouait un rôle de provocateur.
48.
Une rue du quartier de l’Arbat à Moscou. Le nom d’un roman d’Ossorguine.
49.
C’est-à-dire où les anciens détenus libérés n’avaient pas le droit de vivre.
50.
Article 109 : « L’abus de pouvoir ou de sa position dans un service, entraîne une peine de privation de liberté avec réclusion sévère de six mois minimum. »
51.
Article 58/7 : « L’atteinte à l’industrie de l’État, au transport, au commerce, à la circulation fiduciaire ou au système du crédit, ainsi qu’au système coopératif, perpétrée dans des buts contre-révolutionnaires […] entraînant les mesures de protection sociale édictées à l’article 58, alinéa 2 du présent code. » (Peine de mort, ou condamnation comme ennemi des travailleurs avec confiscation des biens, déchéance pour toujours de la citoyenneté et expulsion hors des frontières du pays. Code pénal de la RSFSR, 1926.)
52.
Récit datant de 1886 : un passager de première classe philosophe avec un voisin sur ce qu’est la célébrité. Ingénieur de profession, ayant réalisé de nombreux ouvrages de travaux publics et fait des conférences, assoiffé de gloire, il se plaint de n’être pas connu, alors qu’on connaît partout des actrices et des escrocs.
53.
Le général Leslie Groves (1897-1970) fut appelé dès 1942 par le président Roosevelt pour diriger le projet Manhattan. C’est lui qui dirigea l’essai d’Alamogordo et le largage des deux premières bombes opérationnelles sur Hiroshima et Nagasaki (les 6 et 9 août 1945).
54.
Julius Robert Oppenheimer (1904-1967) : physicien américain, auteur de travaux sur la théorie quantique de l’atome. En 1943, il fut nommé directeur du Centre de recherches sur l’énergie nucléaire de Los Alamos et prit la direction scientifique du projet Manhattan. En 1954, il était président de la commission consultative de l’énergie atomique, mais le gouvernement fédéral le releva de ses fonctions pour son refus de travailler à la bombe H et il fut accusé d’avoir des relations avec les communistes. Il fut ensuite réhabilité.
55.
Article 110 : « L’abus de pouvoirs ou de position professionnelle […] entraîne une peine de privation de liberté pour six mois minimum. »
56.
Le Don paisible, roman de Cholokhov (prix Nobel 1965), commencé en 1925 et achevé en 1940, une grande fresque sur la guerre civile. Les bruits couraient, dans les milieux littéraires, que Cholokhov n’était pas le véritable auteur de ce texte. Cette opinion (jamais infirmée complètement) se basait sur la médiocrité de l’œuvre ultérieure de Cholokhov et les défaillances de l’homme, suppôt du régime.
57.
Alexeï Alexeïevitch Broussilov (1853-1926) : général russe. Après l’abdication de Nicolas II, il fut généralissime du 4 juin au 1er août 1917, mais, n’ayant pas réussi à reprendre les troupes en main, fut remplacé par Kornilov après l’échec de l’offensive de juin 1917 et nommé conseiller spécial du gouvernement provisoire. Le 2 mai 1920, il fut nommé président du Conseil consultatif militaire de l’URSS et, le 30 mai, lança un appel aux anciens officiers leur demandant de venir « défendre la Russie soviétique contre l’agression de la Pologne des bourgeois et des grands propriétaires ».
58.
De l’ouzbek basma, « razzia », ce mot désigne les membres d’un mouvement insurrectionnel mené par des populations musulmanes d’origine turque et iranienne contre le pouvoir soviétique. Il débuta en 1918 avec l’attaque armée des bolcheviks contre le gouvernement autonome du Turkestan et se poursuivit jusqu’en 1928 et même plus tard dans certaines régions, sous la forme d’une guérilla rurale. Le mouvement prônait l’indépendance de l’Asie centrale et la défense de l’islam.
59.
Enver-Pacha (1881-1922) : général et homme politique turc. Ministre de la Guerre en 1914, il entraîna la Turquie dans la Première Guerre mondiale aux côtés de l’Allemagne, fit bombarder Odessa et Sébastopol et dirigea personnellement un corps d’armée sur le front du Caucase. Vaincu sur le front russe, dut se réfugier à Berlin en 1918. En 1921, il offrit ses services à l’URSS et fut envoyé en Asie centrale avec pour mission de gagner les basmatchis à la cause soviétique. Il s’allia au contraire avec ces derniers contre le régime, rêvant de panturquisme et de panislamisme.
60.
En 1906, Stolypine promulgua une série d’oukazes visant à améliorer la situation des paysans : comme les autres catégories sociales, les paysans purent choisir leur lieu de résidence et leur métier indépendamment du mir (la commune rurale) auquel ils appartenaient ; ils furent également autorisés à sortir du mir en devenant propriétaires des lots de terre qui leur avaient été alloués et reçurent le droit d’acheter et de revendre ces lots. Stolypine organisa également l’émigration des paysans dans les régions reculées du pays, notamment en Sibérie.
61.
Alexandre Alexandrovitch Souvorov (1729/30-1800), comte, puis prince, général et feld-maréchal russe, au service de Catherine II, puis de Paul Ier, grand stratège, auteur de La Science de la victoire. Il remporta plusieurs victoires sur les Turcs, réprima la révolte polonaise. En 1799, à la tête des armées russo-autrichiennes, il infligea une défaite aux troupes françaises en Italie.
62.
Pont datant du XIIIe siècle, construit au-dessus des gorges de la Reusse (Suisse) pour permettre un meilleur accès au col du Saint-Gothard, sur un axe transalpin nord-sud. Allusion, ici, à un Souvorov en pleine gloire, se lançant contre les Français en Suisse après une marche difficile destinée à les prendre à revers.
63.
Exil temporaire de Souvorov sur ses terres, sur l’ordre de Paul Ier.
64.
James II Hamilton (1515-75), nommé régent à la mort de Jacques V d’Écosse (1542) pendant la minorité de Marie Stuart. D’abord du côté des protestants, il passa du côté des catholiques en compagnie de son frère Jones, évêque de Saint-André, pour faire face à une partie de la noblesse, qui lui était hostile.
65.
Konrad von Wallenrod : nommé grand maître de l’ordre des Chevaliers teutoniques en 1391, après le siège malheureux de Vilna. Dans la lutte entre chevalerie et clergé interne à l’ordre, il prit le parti de la chevalerie, ce qui lui valut d’être proclamé hérétique. Il mourut en juillet 1393 dans une crise de démence. La légende, parfaitement erronée, qui en fait un Lituanien entré dans l’ordre pour venger son pays dévasté, repose sur le poème romantique d’Adam Mickiewicz, Konrad Wallenrod (1828).
66.
Ivan Vladimirovitch Mitchourine (1855-1935) : agronome russe, il créa une pépinière et se lança dans la sélection des plantes sur la base d’une théorie néo-lamarckienne affirmant l’hérédité générale des caractères acquis. Ses idées furent reprises par Lyssenko et officialisées dans tout le pays par Staline, au détriment des théories de Weismann et Mendel (cf. le récit « Un weismanniste »).
67.
Article 58/11 : « Toute activité organisée destinée à préparer ou à commettre les crimes prévus au présent chapitre. » Chapitre 1, les crimes contre l’État.
68.
En russe, le verbe vredit veut à la fois dire « saboter » et « nuire » au sens d’« empêcher », « rendre impossible ». On comprend pourquoi le verbe fait peur à Findikaki, condamné pour sabotage.
69.
Boris Sémionovitch Ioujanine, fondateur et directeur de La Blouse bleue (de 1923 au début des années 1930), groupe qui mettait en scène des spectacles légers, polémiques, basés sur l’actualité politique ; il comprenait Maïakovski, V. Ardo, M. Blanter, V. Lebede-Koumatch, L. Mirov, B. Ténine, B. Erdman et d’autres poètes, compositeurs, artistes. [Note de l’éditeur russe.]
70.
Déchus de leur citoyenneté et de tous leurs droits après confiscation des biens.
71.
Sergueï Mikhaïlovitch Trétiakov (1892-1939) : poète et auteur dramatique futuriste, premier traducteur de Brecht en Russie, il fut un des théoriciens du LEF et se déclara partisan d’une « littérature factuelle ».
72.
Nikolaï Mikhaïlovitch Greïfensturn, dit Foregguer (1892-1939) : metteur en scène et chorégraphe dont les spectacles, caractérisés par la recherche et l’expérimentation, étaient gais et piquants avec l’utilisation de clowneries, acrobaties, jazz-band, chant, danses, parodies et pamphlets.
73.
Sergueï Iossifovitch Ioutkévitch (1904-1985) : cinéaste, décorateur et metteur en scène de théâtre, il fonda avec Kozintsev et Trauberg la Fabrique de l’acteur excentrique. Il fit des films sur Lénine : Récits sur Lénine (1958), Lénine en Pologne (1966) et Lénine à Paris (1981). Et sur Maïakovski : Maïakovski rit (1976) en collaboration avec Karanovitch, etc.
74.
Boris Mikhaïlovitch Ténine, né en 1905, acteur, joua à l’atelier de Moscou de Meyerhold. En 1923, il rejoignit une troupe d’avant-garde : « Les comédiens ». Et, en 1924, il travailla pour « La Blouse bleue », avant de rejoindre le théâtre Meyerhold en 1925.
75.
Sémione Issaakovitch Kirsanov (1906-1972) : poète, collabora à la revue LEF de Maïakovski. Avant-guerre, il publia des poèmes comme Quinquennat (1931), Ton poème (1935) et le recueil Mes désirs (1938).
76.
Vsevolod Emiliévitch Meyerhold (1874-1940). Metteur en scène, il fit ses débuts auprès de Stanislavski, au Théâtre d’art de Moscou mais, dès 1904, il dirigea son propre théâtre pour devenir metteur en scène des théâtres impériaux. En 1917, il rallia le nouveau régime, proclama « l’Octobre théâtral » et s’employa à incarner le théâtre révolutionnaire. Son théâtre fut fermé en 1938, lui-même arrêté en 1939 ; il mourut en prison ou dans un camp. Il présenta certains de ses spectacles à Paris.
77.
Abram Markovitch Goldenberg, dit Argo : poète et auteur dramatique, il écrivit des vers lyriques et humoristiques dans des revues théâtrales. En 1917, il travailla en collaboration avec le poète Nikolaï Alfredovitch Adouïev et récrivit avec lui des textes d’opérettes montées dans divers théâtres de la capitale : La Belle Hélène (au Bolchoï en 1924) et Orphée aux enfers d’Offenbach (en 1925)… Dans les années vingt, il travailla également pour les collectifs théâtraux de La Blouse bleue et de l’Alliance.
78.
Nikolaï Nikolaïevitch Asseïev (1889-1963) : poète symboliste à l’origine, il publia un recueil de vers révolutionnaires (La Bombe, 1921). En 1923, fut l’un des organisateurs du groupe littéraire LEF.
79.
Le Théâtre d’Art de Moscou, fondé en 1898 par Stanislavski et Némirovitch-Dantchenko : sa vocation était d’être un théâtre accessible à tous. Entre 1898 et 1904, on put y voir les grandes œuvres de Tchekhov. En 1920, il fut nommé « théâtre académique ». À l’époque de Ioujanine, le théâtre d’Art avait cessé de représenter l’art d’avant-garde.
80.
Klavdia Pétrovna Koréniéva (née en 1902) : actrice, collabora à La Blouse bleue. À partir de 1926, travailla au Théâtre pour enfants de Moscou.
81.
Le LEF : Levy Front Iskousstva = Front gauche artistique. Nom d’une revue éditée par Maïakovski et autour de laquelle il tenta de réunir l’ensemble de l’avant-garde artistique. Le Nouveau LEF fut également une revue du même mouvement littéraire. Ces revues regroupèrent des futuristes et des constructivistes autour de Maïakovski, puis de Trétiakov.
82.
Konstantin Iakovlévitch Listov (né en 1900) : compositeur et chef d’orchestre. Il travailla comme pianiste et chef d’orchestre, écrivit onze opérettes (dont La Reine s’est trompée, 1928, théâtre de La Blouse bleue, et la célèbre Valse de Sébastopol).
83.
Maria Fiodorovna Andreïeva : actrice, secrétaire et compagne de Gorki, elle fut à l’initiative de la fondation du Grand Théâtre dramatique de Petrograd en 1919 où elle travailla jusqu’en 1926. De 1931 à 1948, elle fut directrice de la Maison des scientifiques de Moscou.
84.
Après la révolution, on nomma souvent les directeurs des entreprises en fonction de leur origine de classe. C’est eux qu’on a appelé les « directeurs rouges ».
85.
Section électrothermique.
86.
L’autosurveillance est un système qui fut utilisé par l’Oguépéou lors de la construction du Biélomorkanal pour surveiller cent mille détenus. Dans Le Monde concentrationnaire et la littérature soviétique (L’âge d’homme, 1974), Michel Heller écrit qu’il n’y avait que trente-sept fonctionnaires de l’Oguépéou dans ce camp de concentration, car l’énorme appareil de direction et de garde était composé de détenus « socialement nuisibles » (les droit commun) qui surveillaient leurs camarades « socialement dangereux », c’est-à-dire les prisonniers politiques ou « contre-révolutionnaires » (y compris les « saboteurs ») qui remplirent les grands chantiers du premier plan quinquennal.
87.
Vladimir Iefgrafovitch Tatline (1885-1953) : peintre et sculpteur, il illustra des recueils futuristes, fit des projets pour le théâtre et composa ses premiers « reliefs picturaux » ou « contre-reliefs », sorte de tableaux-sculptures faits de bois, de verre, de métal, de carton, de stuc, etc. Il réalisa, en 1918, la maquette du Monument à la IIIe Internationale. Et, au début des années trente, il fit le modèle d’une machine volante, le « Letatline », avec un jeu de mots sur son propre nom, puisque letat signifie « voler ».
88.
Otto Lilienthal (1848-1896) : ingénieur allemand, auteur de nombreuses inventions, il est considéré comme le père du vol à voile (dès 1891) dont il eut l’idée en observant le vol des oiseaux. Il se tua à son millième vol.
89.
Dans le texte paru dans le volume La Résurrection du mélèze, Moscou, 1989, on trouvait, après cette phrase, le passage suivant :
« Mon enfance avait pris fin depuis longtemps et, en tant que détenu, j’arrivais au bout de ma peine dans une équipe de prospection géologique de l’Oural. L’entrepôt de l’expédition avait pris feu et, bien qu’il fût proche de la rivière, il n’y avait pas de pompe à incendie et il était trop tard pour arroser les flammes avec des seaux, une chaîne de seaux.
On mettait beaucoup de matériel dans l’entrepôt et le chef de l’expédition comprenait que s’ensuivrait irrémédiablement une sanction avec, qui plus est, une connotation de sabotage politique. Le chef appelait à l’aide, mais aucun détenu n’entrait dans le brasier. Le chef promettait toutes sortes de récompenses : la liberté, un décompte des journées de travail à raison de cent jours pour une journée, une heure dans l’incendie. Moi, j’avais beau ne pas croire un mot de ces vaines promesses, je n’en pénétrai pas moins dans le brasier : je n’avais pas peur. En voyant que nous ne périssions ni ne brûlions, un des chefs franchit aussi le seuil des portes grandes ouvertes sur l’entrepôt en flammes.
Il faisait nuit. À l’intérieur de l’entrepôt, il faisait noir et nous ne serions jamais arrivés jusqu’aux niveaux à lunette, jusqu’aux théodolites, n’aurions jamais pu déterrer les sacs de poudre – et il y en avait beaucoup – s’il n’y avait pas eu le feu. L’incendie illuminait les murs et tout l’entrepôt comme on illumine une scène. Il faisait sec, chaud et clair. Nous réussîmes à traîner presque tout jusqu’au bord de la rivière. Seul un tas de vêtements qui se trouvait dans un coin fut brûlé : des bleus, des complets, des touloupes et des bottes de feutre.
Le chef était plus furieux que satisfait : il était toujours menacé d’ennuis, car il faudrait certainement payer pour les vêtements brûlés. Je ne reçus même pas un jour supplémentaire dans le décompte de mes journées travaillées. Personne ne me dit même tout simplement merci pour avoir combattu l’incendie, le feu. Mais mon sentiment d’intrépidité face au feu, le sentiment de mon enfance, s’en trouva renforcé. »
90.
Dans l’édition de 1989, on trouve ici une variante :
« Le temps d’en emplir des paniers et de les trier, et oncle Sacha, le cuisinier de l’hôpital, s’emparait des champignons pour les saler, les faire sécher ou les mariner ; au moins, en jouant au magicien avec des champignons, il se rappelait sa célébrité culinaire passée au restaurant Praga et ses études de maître queux à Genève. Oncle Sacha était chargé des repas des dirigeants et, un jour, au temps jadis, on lui avait confié la responsabilité du repas servi en l’honneur de Bullitt. Un repas à la russe. Du borchtch, de la soupe aux choux, un cochon de lait avec de la bouillie de sarrasin. Les assistants d’oncle Sacha avaient rapporté cinq cents petits pots en terre de Kostroma, une portion de bouillie par pot. Cette idée eut du succès.
Bullitt fit des compliments sur la bouillie. Mais le cochon de lait ! Bullitt le repoussa, mais il mangea de la bouillie et en redemanda. Oncle Sacha fut décoré de l’ordre de Lénine.
Puis il fut rapidement arrêté. On avait noté dans son dossier que Filippov, le directeur du restaurant moscovite Praga, avait proposé à oncle Sacha un travail de chef cuisinier, qu’il lui avait promis un appartement, un salaire important et des voyages à l’étranger. « Après que j’ai refusé de passer au Praga, Filippov me proposa d’empoisonner les dirigeants. Alors j’ai accepté. »
Oncle Sacha dirigeait notre travail. La cueillette des “pousses sauvages”, les baies et les champignons, c’est une des psychoses de la Kolyma. »
91.
On trouvait ici le paragraphe suivant, supprimé par la suite : « Il fallait y aller. À l’hôpital pour détenus, le malade ne se sent pas vraiment sur un terrain solide s’il ne fait pas quelque chose pour le médecin ou l’hôpital : les femmes font des broderies, un menuisier fabrique une table, un ingénieur conçoit à l’avance un tas de formulaires avec tableaux et un simple travailleur rapporte un panier de champignons ou un seau de baies. »
92.
Un passage supprimé : « J’avais faim, mais on ne demande pas de pain aux gens croisés par hasard dans la taïga de la Kolyma. C’étaient des détenus de l’hôpital chargés de couper du foin, des détenus de ce même hôpital pour lequel j’avais cueilli mes champignons. Il n’était pas possible de demander du pain, mais je pouvais demander une boîte de conserve vide et je réclamai une gamelle noire et cabossée, la remplis d’eau et y fis cuire un de mes champignons géants. »
93.
Tchornaïa (noire) est le nom de la rivière près de laquelle fut tué Pouchkine.
94.
Il s’agit d’Ossip Mandelstam. La maîtresse de maison est sa veuve, Nadejda Iakovlevna, que Chalamov fréquenta entre 1965 et 1968.
95.
Natalia Chérémétieva-Dolgoroukaïa (1714-1771) : fille du comte Boris Pétrovitch Chérémétiev et femme d’Ivan Alexeïevitch Dolgorouki (1708-1739), l’ami de Pierre II. Elle suivit son mari en exil, puis elle entra au couvent à Kiev où elle écrivit ses Mémoires (1767, édités en 1810).
96.
Il s’agit probablement de Evguénia Guinzbourg, qui passa dix-sept ans à la Kolyma à la même époque que Chalamov et adopta, avec son deuxième mari, une petite fille de l’orphelinat de Magadane. (Voir notamment Le Vertige, Paris, Seuil, 1981, et Le Ciel de la Kolyma, Paris, Gallimard, 1989.)