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Demain, c’est déjà la fin de la session. Ma nuque me met à la torture et je me gave d’antidouleurs. Aucune méditation ne se ressemble. Ce matin, j’ai éprouvé une paix totale, j’ai vu mille pensées qui s’enchaînaient en mon esprit sans m’attacher à aucune. La lecture d’un extrait de Houei-neng m’indique la voie : « Les pensées se suivent sans cesse ; l’une est passée, l’autre passe, une autre arrive encore : elles s’enchaînent sans jamais s’arrêter, mais si, un seul instant, cette chaîne se brise, votre corps absolu s’éloigne immédiatement de votre corps de chair et, dans la succession des instants ultérieurs, aucune pensée ne peut plus se fixer sur le moindre phénomène. Car, si l’on arrête sa pensée un seul instant, toutes les pensées s’arrêtent, et l’on parle d’enchaînement1. »
Assurément, le principe de Houei-neng, comme je l’appelle, m’aide à mieux vivre mon obsession. Le flux continu de pensées m’invite au détachement. Naturellement, mon esprit suit le cours de la vie, il saute d’une idée à l’autre, mais la peur, la convoitise et mon ego m’obligent à me raidir et à me fixer sur Z. Alors, je me braque. Houei-neng me livre un remède. Profiter du torrent des pensées pour tenter l’abandon ou, pour le dire dans ses mots, la non-fixation. Dès que je songe à Z, je peux oser le grand saut dans le flux de la conscience.
Fa-hai, Le Soûtra de l’Estrade du Sixième Patriarche Houei-neng, op. cit., p. 37.