64.

Les internautes m’écrivent toujours. Ils me prient de chercher des outils pour mieux vivre les passions. Leur requête m’a trotté dans la tête tout l’après-midi. En me promenant tout à l’heure, j’ai lu dans la vitrine d’une pharmacie : Remèdes homéopathiques.

En grec, homoiopatheia signifie « le mal semblable ». D’ailleurs, les patheiai désignent aussi les passions. Le mot correspond pile. Oui, l’homéopathie pourrait jeter les bases d’une thérapeutique passionnelle : soigner par le semblable. Je n’invente rien. Aristote en traitait déjà, avec la catharsis, cette sorte de purification, de purgation : les tragédies qui suscitent crainte et pitié purgent le spectateur, à qui on instille ces deux affects pour le moins désagréables. En somme, voir sur scène se déchaîner les passions aide à les reconnaître, à les identifier et, in fine, à prendre du recul à leur égard.

Les vaccins n’agissent pas autrement : les doses de poison que l’on injecte dans le corps du malade sont si minimes qu’elles déclenchent une saine réaction de défense sans nuire à l’organisme. De même, le théâtre diffuse un peu de pathos, pour que le spectateur éprouve la passion à distance et s’en purge du même coup. C’est comme si on se défoulait gentiment. Le mot « purger » me plaît : il convie à se délester, à quitter l’excès. Certaines de mes propres passions pourraient-elles m’aider à me libérer de celles qui sont nocivement plus fortes que moi ? Je sais que la soif de reconnaissance, en infime quantité, peut permettre de réfréner la colère. Il est très rare que je m’emporte en public, car mon petit ego risquerait trop d’en prendre pour son grade ! De même, la peur m’empêche bien souvent de me jeter dans des mésaventures qui me coûteraient cher. La joie, en me comblant, m’éloigne au contraire de l’insatisfaction. Pourtant, ma fascination pour les Adonis demeure. Comment me purger de cette jalousie ? Où découvrirai-je l’antidote ? À ce stade, il serait bon d’épanouir des passions joyeuses comme l’amour, la générosité, la douceur… Je me braque trop sur ce qui ne tourne pas rond et me considère comme un malade plus que comme un convalescent. Me voilà de retour sur le chaos si fécond que je rejette, obstinément.

Allons voir ce chaos !

 

Mais à présent, vingt minutes de zazen !

Le Philosophe nu
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