47.
Aujourd’hui, j’ai essayé de changer les couches de mon fils qui fêtera bientôt ses quatre ans. Odeurs à tourner de l’œil… C’est fou comme j’aime ce petit être ! Je l’aime aussi avec ça ! Ce ça fait partie du lot et j’aime tout le lot. Je mesure l’inutilité du merismos. Tant mieux. À quoi bon découper l’être aimé en parties, à quoi bon voir en lui un amas de chair, de viscères et d’os ? Il est tout cela. Je l’aime tout de même.
Devant le sentiment que j’éprouve pour mon garçon, petite intuition lancinante, qui s’insinue dans mon esprit : est-ce cela l’amour inconditionnel ? En tout cas, voilà quelque chose qui s’en rapproche. Ne puis-je pas l’élargir un peu ? J’aime mon garçon, j’aime ma fille, j’aime ma femme et mes amis, mais pourquoi me limiter à ces êtres proches ? J’aime, je sens (au sens propre du terme) l’idée que mon petit amour, aussi fragile soit-il, peut me servir de guide pour aller à la rencontre de l’autre.
Quelle est donc la pitoyable raison de ce malentendu qui voudrait que le philosophe ou le maître spirituel cultivent leur bonheur, leur sérénité loin de la vie, à l’écart des autres, en odeur de sainteté ?
Une telle approche ne vaut rien, voilà le fond de ma pensée ! Tout se partage et se reçoit. Les saveurs du jour, la tendresse recueillie me réconfortent et me permettent de donner à mon tour.
Donc cesser, vraiment, d’assouvir docilement un désir après l’autre, ce qui ne manque pas de laisser une insatisfaction abyssale.