63.
L’étoile de Nietzsche n’a pas fini de briller dans ma tête. Je crois que j’ai besoin du zen pour revenir au présent, me détacher de moi, trouver la joie et goûter, enfin, un peu de repos. Déjà, je m’apaise à l’idée qu’il existe une méthode.
Pourtant, jusqu’à maintenant, mes résolutions peinent à s’enraciner dans mon quotidien. Hier, je décidais de mourir à moi-même à chaque fois que je franchirais le seuil d’une porte… Il y a peu, je m’étais résolu à pratiquer la non-dualité… Au fond, je ne parviens que difficilement à persévérer, j’oublie et me détourne des exercices. Un garçon bien bâti, un policier, la routine, tout semble concourir à fléchir ma détermination. J’envie ces moines qui quittent tout pour entrer au monastère et laissent tout lien, tout attachement derrière eux. Comment, dans le quotidien, sans forcer, avec douceur, tenter plus de constance, oser ce paradoxe : persévérer dans l’abandon ?
À ce propos, j’ai récemment entendu cette petite histoire. Deux disciples interrogent tour à tour leur maître. Le premier lui demande : « Quand serai-je libéré ? » Le gourou, pointant de son doigt un figuier, dit : « Tu vois le nombre de feuilles sur cet arbre ? Il te faudra autant d’années pour te libérer ! » Dépité, l’adepte part, l’âme en peine. Vient le deuxième garçon qui s’enquiert : « Serai-je un jour libre ? » Et le saint homme de répondre : « Oui ! » De belle humeur, l’élève s’éloigne, d’un pas gai et déterminé. Ultimement, le temps que cela prendra compte peu ; la libération est possible, donc patience et détermination.
Peu importent les blessures, les faux pas, le chaos. Tant pis si je ne suis pas à la hauteur de mes rêves, pourvu que je garde le cap, dans la joie.
Souvent, j’en ai marre de mes quintes passionnelles et j’aimerais bien passer la quatrième vitesse, accélérer, aller droit au but et accéder, enfin, à l’abandon. Qu’on me montre une marche à suivre et je l’exécuterai, minutieusement… Au fond, je veux faire pour me défaire.
Moi qui m’évertue à trouver un maître, le quotidien m’en donne au moins deux : mes quintes passionnelles et mon infirmité. À y regarder d’un peu plus près, ce qui est plus fort que moi pourrait devenir un instrument vital.