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Que de résolutions mort-nées ! Que d’obstacles propres à faire chanceler les plus courageux ! Ce matin, j’ai louché sur mon minuteur, pourtant réglé sur quinze minutes, et l’ai éteint au bout de dix minutes, pour aller embrasser les enfants et leur donner les cadeaux ramenés de mon périple. Pour tout dire, j’ai massacré mon zazen. Déjà que je pratique zazen couché… le gît-zen comme dit mon ami B. Alors, si je commence à bâcler, me voilà mal barré !
Tout doucement, maintenir le cap. Mais comment vivre rechutes, faux pas, petits travers sans tomber dans l’abîme ? Comment persévérer, en somme ? Épicure me met en garde : « Entre autres maux, la sottise comporte aussi celui-ci : elle en est toujours à commencer de vivre1. » L’imperfection devrait donc devenir le moteur même de ma conversion. C’est au moment précis où je sors de mes gonds, et qu’une colère s’annonce, que ma pratique me réclame. Le risque, le voici : multiplier les exercices spirituels, passer de l’un à l’autre, sans me nourrir véritablement.
Donc nécessité de m’attarder sur les trois points de vigilance fixés il y a peu : le repos, le détachement et le service de l’autre, avec comme nouveaux outils ceux que j’ai reçus ce week-end.
Certains combats intérieurs m’ont épuisé. Face à l’impuissance, le découragement et le désespoir peuvent anéantir celui qui livre bataille. Je devine pourtant que l’ascèse peut me recréer. La joie parfois ressentie surpasse l’abattement et me relève, même dans l’échec.
Parmi les mille et une manières de retrouver des forces, de me recréer, je note avec plaisir que l’exercice suppose de la pratique, un art du repos, de la récréation.
Épicure, frg. 494, in Sénèque, Lettres à Lucilius, lettre 13, Paris, Flammarion, 1992, p. 83.