9.
Ce soir, suite des premiers résultats du micro-trottoir. Étonnant !
Les définitions abondent. Plus que tout, ce sont les ravages causés par la passion qui remplissent une grande part des réponses : « La passion isole », « Elle prend toute la place et nous plonge hors de la réalité », « Elle renferme sur soi, elle déconnecte du réel ». Un internaute paraphrase même une ligne de Ou bien… ou bien de Kierkegaard : le passionné comme le malheureux est « toujours absent de lui-même, jamais présent en lui-même ».
Les passions ne seraient-elles qu’un exil de soi ? Je ne suis pas, je m’en aperçois bien, le seul à être leur proie. Soudain, je repense au prologue du Zarathoustra, où Nietzsche rappelle qu’« il faut porter encore en soi un chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante1 ». La passion, c’est l’hubris.
Certes, les tiraillements, l’impuissance et la violence qui savent prendre d’assaut un cœur, ont de quoi inquiéter. Mais de là à se doper de folles espérances, à vouloir être un sage… Par peur d’en baver, la tentation est grande de se blinder contre les passions. Pour quels fruits ? Le micro-trottoir révèle un réflexe qui me conditionne parfois : « Je me coupe des passions pour moins souffrir. » Je suis de plus en plus convaincu que j’ai recouru à la philosophie afin de moins souffrir, pour me protéger.
Pour l’heure, dégager une voie du milieu qui se tienne à l’écart de la résignation et du volontarisme. Entre « Je suis comme je suis et après moi, le déluge ! » et « Quand on veut, on peut ! », il y a un chemin de crête possible. Ce soir, les élans, les tristesses, les fascinations que je lis, me rappellent que j’appartiens à la race humaine, que je ne suis pas si différent des autres.
F. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, par. 5, in F. Nietzsche, Œuvres, op. cit., p. 295.