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Toute cette histoire a donc commencé par une jalousie pour les garçons normaux. Tiraillé, honteux devant ce petit travers, j’ai voulu m’en débarrasser. Aujourd’hui je m’aperçois que j’ai fait d’une souris une montagne et que ce livre est né d’une fascination assez naturelle qui, progressivement, s’estompera.
Peu à peu, je désidéalise ces corps d’athlètes pour me replacer dans une optique plus réaliste. J’essaie tout simplement de les voir dans leur intégralité sans que la projection et mes commentaires ne viennent masquer ce qu’ils sont vraiment.
Ma femme ne s’y est d’ailleurs pas trompée. Elle vient de me suggérer que si je posais le même regard sur mon corps que celui que je porte sur les silhouettes qui me fascinent, je souffrirais peut-être moins. Paradoxalement, l’amour de soi, je le devine, réclame que je sorte un tout petit peu de moi, que j’aille, libre et sans préjugés, nu vers les autres. Les petits fantasmes d’un homme qui doute de sa virilité et qui jalouse les autres garçons l’ont embarqué dans un projet immense : inventer un art de vivre.
Je note, en relisant le micro-trottoir, qu’en dehors des loisirs ou de l’amour qui finit bien, la passion n’a pas si bonne presse que cela. Je ris en imaginant ce supporter honteux qui raconte comment, dans les gradins, il se surprend à insulter un inconnu, à regretter ses paroles, puis à recommencer quelques minutes plus tard.