20.
Dans les « Espèce de connard ! » qui surgissent malgré moi à la vue d’un beau jeune homme, il n’y a pas qu’une jalousie féroce, mais aussi le refus de ce monde, de ses valeurs. Je rame tellement pour accéder à un peu de paix et pour assumer le quotidien que la réussite apparente de ceux qui répondent mieux aux canons actuels me rend parfois amer. J’oublie assez vite que la joie est un état d’esprit et qu’il ne suffit pas d’être dépourvu de handicap ni d’avoir une silhouette de rêve pour goûter la béatitude. J’y ai songé en pénétrant tout à l’heure dans une librairie, ce qui ne m’a pas empêché d’acheter un livre sur le relooking ! Lorsque la libraire m’a demandé si c’était pour moi, je me suis surpris à répondre : « Bien sûr que non, j’ai un ami qui ne se trouve pas très beau et si je peux l’aider, pourquoi pas ! » Si l’on s’avisait que celui qui donne des conférences sur l’acquiescement à soi se livre à de telles lectures…
Épuisé par tant de courses, j’ai fait le mort dans le métro : aucune tension, tête baissée, les bras vers le sol. Et si c’était cela l’acceptation : faire le mort ? Pour mieux renaître et s’en donner à cœur joie. Devant un groupe d’insouciants jeunes hommes, je repense à l’histoire de l’ours. Oui, je refuse ce monde. Les humiliations, les déceptions m’en détournent ! L’acceptation me semble si loin. Je suis de plus en plus convaincu, pourtant, qu’elle ne réclame pas nécessairement un effort, une lutte. Jamais je ne serai ce beau blond à la silhouette svelte, à l’allure désinvolte, jamais ! Et alors ?
Jamais, dans mes commentaires, je n’adhère à la réalité. Je me compare, je me soumets au règne de l’apparence. Je m’évertue à oublier qu’autrui a aussi ses problèmes.