43.
Ce matin, lors d’un petit tour à pied, j’ai aperçu un corbillard. J’ai, dès lors, pensé à la quête du Bouddha : faire cesser la souffrance. Sur le chemin de Siddharta Sakyamuni, un vieillard, un malade, un mort et un religieux errant dépourvus de toute inquiétude retournèrent l’esprit d’un prince habitué au confort palatial et le jetèrent sur les routes de l’ascèse et du détachement. Le convoi funèbre a démarré brusquement, et j’ai bien été contraint de relativiser mes obsessions, la peur de perdre Z et la difficulté de vivre ce corps qui, lui aussi, un jour, partira en un tel fourgon.
Devant ce triste spectacle, je suis revenu sur terre, pour regarder la réalité bien en face : que pèsent mes velléités en regard de l’échéance ultime ? À quoi bon m’agiter ? En somme, j’ai stoppé net ma macabre rêverie pour puiser en cet instant une nouvelle invitation à savourer l’existence. Je me suis alors presque précipité vers la maison, plein du désir d’embrasser mes enfants et ma femme. Que de temps et d’énergie gaspillés en de vains regrets et de folles espérances, que d’obstacles à la joie !
La rencontre de la mort me ramène à la vie. Singulier détour ! En marchant en ce froid après-midi, je ressens malgré mes tiraillements, mes manques, une gratitude extrême.