87.
Je glane quelques minutes dans ces harassantes journées pour prendre ces notes. Sept assises par jour, quatre heures d’étude des écrits zen me laissent peu de temps pour ce journal. Soyons bref et notons l’essentiel. Ce matin, nous avons ouvert la journée par le chant du Aum. Tout le monde prononçait cette syllabe. J’ai cru percevoir que tout était à sa place. Même ma voix chaotique et hésitante prenait part à cette symphonie de l’universel. Chaque chose, chaque personne, chaque rencontre, chaque expérience fait partie de la symphonie du Dharma. Aujourd’hui, j’accueille les spasmes comme un ingrédient de la méditation, une occasion d’être là, de vivre le réel tel qu’il se propose.
Le premier entretien avec le père m’apprend ou me rappelle le danger du volontarisme. À un garçon qui veut le satori, quitter une bonne fois pour toutes le tiraillement des passions, il invite simplement à la détente. Oser me détendre et trouver en moi un lieu de tranquillité dans toute cette agitation. Le zen revient à l’abandon de soi, à l’acceptation complète du réel. C’est le moi qui refuse la réalité et qui ressent le manque. C’est lui encore qui se braque sur l’écran de mon portable. Il intervient sans cesse et me détourne d’une saine appréhension des choses telles qu’elles sont. Dans ma cellule, j’essaie déjà de me laver sans que l’ego vienne commenter mes ablutions.