18

La lumière de mi-cycle avait viré au fauve doré. Des nuages plats et fins défilaient sous la voûte, projetaient les ombres d’un brun sale qui annonçaient chaque période de sommeil. La lumière déclinante et rouge était tellement diffuse et omniprésente que Jebrassy n’avait presque pas d’ombre au sol. Autour de lui, tout paraissait décrépit, perdu dans un rêve brumeux.

Les Diurnes étaient encastrés dans le mur-rideau et accessibles par une route longue et parfois traîtresse située au-delà de la chaussée de l’apex qui reliait les pointes des trois îles, c’est-à-dire les plateaux qui soutenaient l’empilement des Gradins. Le mur-rideau s’élevait à plus de quatre kilomètres de hauteur, vers la voûte, où – boucle infinie – se succédaient les ténèbres et la lumière, le sommeil et la veillée, depuis des dizaines de milliers de vies.

Jebrassy marchait sur la voie surélevée de la chaussée et embrassait tout ce paysage du regard. Il jetait également des coups d’œil alentour pour s’assurer qu’aucun gardien ou qu’aucun hurleur n’était tapi dans l’ombre à l’affût de marcheurs. Après une intrusion, les gardiens étaient particulièrement vigilants.

Derrière lui, la chaussée se déroulait sur près de deux kilomètres en direction des passerelles qui, dans un passé lointain, accueillaient un trafic intense au-dessus du Tartaros, le plus large des canaux qui séparaient les quartiers. Quatre spires effilées et vrillées flanquaient l’extrémité de la chaussée. Elles culminaient à plus de cent cinquante mètres et étaient traversées par des conduits cannelés qui, disait-on, avaient servi à produire des sons extraordinaires : de la musique. Personne ne savait si les spires étaient d’époque ou si elles avaient été ajoutées aux Diurnes. Il y avait tellement de constructions bringuebalantes et improvisées que la zone tout entière avait été condamnée, bloquée avec des débris et soumise à la surveillance des hurleurs. La plupart de ces derniers étaient tombés en panne ou avaient été oubliés depuis longtemps. Ils n’étaient d’ailleurs plus nécessaires, puisque très rares étaient les créatures à ressentir le besoin de s’aventurer dans le coin. Il y avait suffisamment d’exemples d’une grandeur passée et défraîchie dans les parties habitées des Gradins pour satisfaire tout le monde.

À l’apex, là où le mur-rideau rencontrait le mur humide, se trouvait un amphithéâtre qui aurait pu accueillir trente ou quarante mille créatures. Tout jeune encore, Jebrassy s’y était rendu à deux reprises pour faire la preuve de son courage ou, au moins, de son obstination. Il avait escaladé les débris, échappé aux sentinelles encore actives, s’était frayé un chemin dans les allées encombrées de crasse et les contremarches jusqu’à la galerie, labyrinthe couvert long de plusieurs centaines de mètres, jusqu’à l’avant-scène.

Les Diurnes étaient visibles depuis plusieurs points de la galerie, dont le plafond s’était partiellement écroulé. En se faufilant dans ce dédale de pierre, Jebrassy se dit une fois de plus que cet endroit avait peut-être servi à d’anciens rituels initiatiques, qu’il n’appartenait certainement pas à la construction originelle. Même lors de sa première visite, il n’avait eu aucun mal à se repérer dans ce labyrinthe : un dédale à une solution, doté d’un cul-de-sac distal, rendu encore plus facile à comprendre par sa décrépitude.

La flamme essaie-t-elle de mettre ma détermination à l’épreuve ? Piètre test que celui-ci.

Empruntant un chemin qu’il connaissait bien – toutes les étapes de son exploration, même décevantes, étaient gravées dans sa mémoire –, il atteignit un grand trou dans le toit de la galerie. De là, la vue était parfaite sur le mur résonnant, nom qui ne signifiait rien pour lui – surface grise haute de plusieurs centaines de mètres, uniforme, quoique constellée de trous et d’excroissances rouillées auxquelles devaient être accrochés des objets de grande taille dans un passé lointain.

Quelques minutes supplémentaires à escalader et à se faufiler derrière des barrières, et il se retrouva à la base du mur résonnant de l’amphithéâtre. De là, il lui fallut très peu de temps pour atteindre l’ombre immense et faiblement chatoyante du mur de lumière incurvé.

Jebrassy s’arrêta pour reprendre son souffle. De la base au sommet, le gigantesque écran était strié de crasse et de suie, dépôts laissés non pas par un incendie, mais par les miasmes de milliers de générations de créatures. À l’extrémité la plus éloignée de la structure, une cloison de pierre et de maçonnerie – son point culminant dépassait la galerie de plusieurs dizaines de mètres – avait déversé une pile de gravats sur l’avant-scène et la partie la plus basse de l’amphithéâtre, dont les sièges avaient été retirés depuis longtemps ou avaient pourri sur place. De nombreuses créatures avaient tenté de résoudre le mystère de cet endroit, ou de l’utiliser à leurs propres fins, y ajoutant des constructions plus récentes. La majeure partie de celles-ci était en ruine… en plus mauvais état encore que le bâtiment originel puisque, Jebrassy en était certain, nettoyer l’écran, remplacer les sièges des galeries et restaurer superficiellement l’amphithéâtre aurait été tout à fait possible.

Cependant, aucune créature vivante n’aurait pu égaler l’inventivité et la science des constructeurs du mur de lumière.

Qui étaient-ils ? Les Grands ?

— Je n’en sais rien, murmura-t-il en réponse au résidu de question qui flottait dans sa tête. Tais-toi, maintenant…

Loin au-dessus de l’amphithéâtre et au-delà, le vent soufflait dans les conduits qui traversaient les quatre spires en produisant un concert de gloussements, comme si des centaines de personnes amusées se retenaient de rire.

À gauche de l’écran se trouvaient les Diurnes : trois ellipses imbriquées, larges chacune de plus de cent mètres, et équipées d’affichages fonctionnels qui, pensait-on, mesuraient le temps d’une manière que personne ne comprenait plus, puisque aucune créature n’était en mesure de lire ces lignes brisées et ces symboles.

D’après la théorie communément admise, les Diurnes étaient un genre de grande horloge attachée à un affichage public cérémoniel encore plus énorme, tombé en panne depuis une éternité.

À droite des Diurnes, le mur de lumière – trois cents mètres de large et cent cinquante de hauteur – brillait par intermittence comme s’il tentait de produire une image, se réveillant à intervalles réguliers et affichant des parasites qui ne clignotaient même plus, mais restaient suspendus, noirs et morts.

De mémoire de créature, les Diurnes avaient toujours eu cette apparence.

Jebrassy se pencha en arrière aussi loin qu’il le put pour embrasser du regard la totalité de l’écran, puis se retourna rapidement vers l’amphithéâtre, comme pour surprendre quarante mille fantômes : les citoyens qui, autrefois, se réunissaient en masse dans cet endroit magnifique pour échanger des histoires.

Cette théorie grossit en lui tandis qu’il observait la structure avec des yeux plus âgés et sans doute plus sophistiqués que les siens. Il fut un temps où les informations et les ragots étaient partagés par des milliers de personnes, où les instructions, les mises en garde et les récits des événements qui animaient les Gradins étaient diffusés devant un amphithéâtre plein : gros titres, manchettes, visions aujourd’hui interdites du monde au-delà de la Kalpa.

Juste une théorie, mais qui lui paraissait plausible.

La voix intérieure n’exprima aucune opinion.

Les ruines, avec leur patine et leur saleté – communes à toutes les zones abandonnées situées derrières les Gradins – transmettaient un message propre et spécial. Le temps qui s’écoulait de façon irrégulière, les intrusions, la population déclinante – niches vides et quartiers déserts, décrépitude architecturale –, tout cela tendait à prouver que la Kalpa, quoi qu’elle ait été, n’était plus à son apogée depuis longtemps.

Les Grands faiblissaient. Le long asservissement des créatures touchait peut-être à sa fin. Alors, quiconque le désirait pourrait passer sous le mur arrondi, traverser les stations de pompage à la sortie des canaux, passer sous les arches, les portes, dépasser la frontière du réel, gagner sa liberté, atteindre le Chaos…

Un rêve magnifique.

Les froufrous produits par ses pieds agités pendant que, le menton levé, il fixait les mots vagues et fragmentés… ces petits bruits rebondissaient contre les murs et se réverbéraient d’une manière distordue et sombre.

Un craquement suivi d’un grondement, à gauche de l’écran, annonça un nouvel éboulement. De grosses pierres et des morceaux de métal rouillé roulèrent et tombèrent en soulevant un nuage de poussière à l’autre bout de la galerie. Cela le frustra et le mit en colère : connaissances perdues, communications impossibles, prétendue éducation des masses… Tout comme ces faux livres qui raillaient les créatures qui fouillaient les couloirs déserts des étages supérieurs. Des rayonnages interminables, pleins de titres fascinants. Lorsqu’ils étaient lisibles. Sauf qu’on ne pouvait saisir aucun volume. Il avait essayé des milliers de fois depuis l’enfance. Les livres étaient agglomérés, froids, inutiles.

Si nous sommes des jouets ou des outils, pensa-t-il, personne ne s’intéresse plus à ce que nous faisons ou pensons. Peut-être se moquent-ils même de savoir si nous sommes toujours vivants ou non…

Il exécuta une danse lente, écouta l’écho, puis se toucha le nez, incrédule.

Plutôt la folie que l’ennui et la sécurité.

— Salut !

Le mot se réverbéra très haut, puis retomba en produisant une vibration troublante. Jebrassy se retourna et découvrit une femelle plongée dans l’ombre, perchée sur le bord de l’avant-scène.

Sa silhouette se détachait sur la lumière faible et diffuse de l’écran.

Jebrassy laissa échapper un soupir et un grognement de soulagement.

— Tu as eu peur de quoi ? demanda Tiadba.

— Tu es en retard.

— Jolie danse. Pourquoi es-tu venu ici ? Juste parce que je te l’ai demandé ?

— Je suis venu ici de nombreuses fois. Cela n’a rien d’extraordinaire. Ai-je aussi le droit de poser des questions ?

— Certainement.

— Nos femelles aiment les mâles robustes et normaux, qui se comportent conformément à la tradition. Qu’est-ce qui te rend différente des autres ?

Tiadba longea la base de l’écran et contourna des monceaux de débris.

— Nous n’avons pas toutes le sang lent, rétorqua-t-elle.

Elle regarda quelque chose à ses pieds, sursauta et se figea, les épaules raides.

Jebrassy la rejoignit. Elle avait trouvé un cadavre desséché, une jeune créature, sans doute un mâle. Elle gisait, recroquevillée dans les décombres, couverte de poussière et de flocons de revêtement tombés de l’écran.

Tiadba s’agenouilla pour épousseter les vêtements du mort.

— Quelques-uns d’entre nous ne peuvent s’empêcher de fouiller, d’explorer… quelques dizaines d’individus par génération, des fauteurs de troubles, dit-elle. Le Gardien glacial lui-même n’a pas retrouvé celui-ci. Toi et moi pourrions finir de la même manière. Cela t’effraie-t-il ?

Jebrassy leva deux doigts et décrivit un cercle en tournant dans le sens des aiguilles d’une montre.

Tiadba l’imita : elle était d’accord avec lui.

— Cela nous effraie mais ne nous arrête pas, reprit-elle.

— Tu n’as toujours pas répondu à ma question.

— D’aucuns prétendent que nous sommes des jouets ou des animaux de compagnie, mais, moi, je sais que nous sommes plus que cela. Nous sommes le résultat d’une longue expérience. C’est pour cela que nous errons. C’est ce que souhaitent les Grands.

— Comment peux-tu le savoir ? Comment peux-tu en être certaine ?

— Si je te montre, tu devras me faire trois promesses.

— Tu aimes les choses qui vont par trois, pas vrai ?

— Les triangles sont stables. Les femelles cherchent la stabilité. Tu l’as dit toi-même.

Jebrassy fronça les sourcils.

— Tu dois me promettre de ne rien dire à personne.

— Et ?

— Tu dois me promettre d’utiliser ce que tu vas apprendre pour mener toutes nos explorations futures. Et pas uniquement les tiennes. Tu ne chercheras pas à te couvrir de gloire tout seul.

Cela le piqua au vif ; c’était justement ce qu’il avait prévu de faire.

— Et ?

— Tu ne devras pas partir seul ou avec quelqu’un d’autre. Pas tout de suite. Tu attendras d’être choisi ou tu resteras dans les Gradins.

— Pour rien au monde. Je… (Il haussa les épaules.) Je deviendrais fou si on m’obligeait à rester ici.

L’air désespéré et les yeux mi-clos de Tiadba lui confirmèrent qu’il avait commis une grave erreur.

— Comme tu voudras. Tu peux partir, maintenant. Je descendrai un peu plus tard. Il ne faut pas qu’on nous voie ensemble. Je parlerai aux gardiens de ce pauvre explorateur.

Jebrassy se retourna et s’assit sur le rebord de l’avant-scène. Qu’avait-elle à lui offrir qui soit à la hauteur de ce sacrifice, de cet esclavage ?

— Il y aura bientôt une marche, lui dit-elle d’une voix étrangement chevrotante. Elle est organisée avec beaucoup de soin, mais cela prend du temps. Nous sommes tous impatients. Les préparatifs sont longs, mais, bientôt, nous partirons

Jebrassy avait entendu des rumeurs concernant des groupes constitués de jeunes triés sur le volet, entraînés, envoyés dans les canaux. Mais ce n’étaient que des rumeurs…

— Nous avons un plan, un chef, expliqua Tiadba. Quelqu’un en qui nous avons confiance.

Elle paraissait sincère. Il s’était toujours demandé comment il était possible de survivre dans l’inconnu, hors de la Kalpa, sans être entraîné, sans provisions et sans équipement.

Tiadba le surprit une fois de plus en s’asseyant à côté de lui ; elle se déplaçait en silence et avec grâce. Elle regarda sur sa gauche, les yeux mi-clos, somnolents, paisibles. Elle frissonna, se rapprocha de lui et appuya la tête sur son épaule. Son contact fut électrique. Le cœur de Jebrassy battait la chamade et ses mains étaient brûlantes.

— Tu ne mentiras pas, et tu ne nous laisseras jamais tomber.

— D’où te viennent toutes ces certitudes ? demanda-t-il d’un ton délibérément brusque.

— Je te connais. Nous nous sommes déjà rencontrés. Ne le ressens-tu pas ?

Il se leva, secoua ses bras et s’éloigna.

— Trop de promesses et pas grand-chose en retour.

Tiadba le rattrapa, complètement réveillée, le prit par la main et tira fort sur ses doigts.

— Promets-moi ! exigea-t-elle. Il le faut et tu le sais.

— Lâche-moi !

Il essaya de se dégager, mais elle lui agrippa l’épaule avec un cri. Ils s’empoignèrent et luttèrent sur la scène poussiéreuse. Elle était plus forte : les femelles pouvaient être comme cela, nerveuses, délicieusement parfumées. Cette odeur sucrée était leur arme la plus puissante. Elle retirait aux mâles toute volonté de se battre.

— Arrête ! lâcha-t-il, tandis qu’elle le plaquait contre le sol.

Le visage de la flamme était tout proche du sien, son regard intense. Leurs vêtements étaient couverts de poussière.

Elle avait l’air tellement sévère qu’il se sentit honteux et eut envie de détourner les yeux.

— Ne sois pas bête. Promets-moi ! Tu sais que tu finiras par le faire. (Alors, les lèvres toutes proches des siennes, elle murmura d’une voix rauque :) Promets-moi !

— Donne-moi quelque chose en échange, donne-moi de l’espoir, rétorqua-t-il d’un ton amer, âpre. Promets-moi que je participerai à cette marche !

Elle roula sur le côté, se releva et s’épousseta.

— Ce n’est pas moi qui choisis.

— Tu as dit que nous nous connaissions. Manifestement, tu ne me connais pas du tout…

Tiadba joignit ses mains et, les yeux fermés, se tapota le front du bout des doigts.

— Tu profites des gens, continua-t-il. Tu te joues des marginaux comme moi… Tu es comme un fagot de pousses de chafe dont on se sert pour attirer les podes dans les champs.

Il la força à baisser les mains et la regarda droit dans les yeux. Il y avait effectivement une connexion entre eux. Il ne se l’expliquait pas, ce qui le mettait encore plus en colère. Il la lâcha.

— Toi qui es si hardi, pourquoi n’es-tu pas parti tout seul ? demanda-t-elle. Qu’est-ce qui te retient ?

— J’aurais besoin que quelqu’un guette les gardiens pour moi ! tonna-t-il. Je suis d’accord sur un point : cela demande de la préparation.

— Et si je te parlais des difficultés de l’entreprise, de ce qu’elle implique…

— Trahirais-tu les tiens en me révélant ces informations ?

— J’ai confiance en toi.

— Tu ne devrais pas. Je ne suis pas digne de confiance.

— C’est ce que tes patrons te disent ?

— Ma mer et mon per ne sont plus.

Elle se rapprocha de nouveau – elle était pour le moins obstinée.

— Je sais, dit-elle.

— Une intrusion les a pris.

— Je sais.

— Comment le sais-tu ?

— Parce que tu as parlé à notre chef, au marché. Avant cela, je lui avais parlé de toi. C’est elle qui m’a donné l’autorisation de te donner rendez-vous ici.

Jebrassy en resta bouche bée. Qu’une sama – dont le rôle était de soigner et d’écouter – puisse trahir sa confiance aussi facilement que Khren était quasi incroyable.

Quasi… Le temps lui-même changeait et il y avait tellement d’intrusions. Et puis, les gardiens ne se comportaient plus comme avant. Il était presque capable de voir les Grands qui marchaient parmi eux. Plus rien, plus personne n’était digne de confiance.

Tiadba sentit sa détresse et lui serra doucement l’épaule.

— Je te dirai tout ce que je sais. Tu n’as pas besoin de promettre quoi que ce soit. C’est très important, tu comprends ?

— C’est elle qui t’a demandé de me dire cela ?

— Non. Je prends le risque.

Jebrassy rejeta sa tête en arrière, désemparé.

— Je ne sais ni qui je suis ni où je finirai. C’est pour cela que je suis allé voir cette sama, expliqua-t-il dans un haussement d’épaules.

Tiadba chercha ses mots.

— Deux noms. Je veux savoir ce qu’ils signifient. Je te donnerai le premier, tu me diras le second.

— Des noms ?

— Ginny…

Jebrassy eut un mouvement de recul.

— Jack, dit-il sans même y penser.

Elle le fixa d’un air triomphant et effrayé en même temps.

— Deux noms drôles et laids, reprit-elle. Des noms pas de chez nous. Nous nous connaissons, Jebrassy. Nous nous connaissons parce que nous nous sommes rencontrés ailleurs. J’ai le sentiment que nous nous sommes toujours connus. Je n’ai jamais ressenti cela pour quelqu’un d’autre. (Son émotion était si intense qu’elle loucha.) Une veillée ou l’autre, l’un de nous aura de très gros ennuis. À mon avis, cette veillée-là, j’aurai besoin de ton aide. Et tu viendras à moi.

Jebrassy lâcha un grognement, se sentit soudain très faible et tomba à genoux. C’était vrai. Il ressentait déjà une tristesse indicible : elle serait sienne, il lui serait attaché et fidèle, mais il la perdrait beaucoup trop vite.

Hors séquence.

Hors de contrôle.

Nos vies ne nous appartiennent plus.

— C’est insensé, chuchota-t-il.

Elle s’agenouilla devant lui et appuya son front contre le sien. Ils se posèrent mutuellement les mains sur les tempes.

— Promets-moi, et je partagerai avec toi tout ce que je sais – je te montrerai.

Le visiteur – un résidu inutile à l’intérieur de lui – s’agitait dans sa tête, essayait de le forcer à prendre une décision.

Il lui caressa la joue.

Ils jurèrent tous les deux comme ils l’avaient appris lorsqu’ils étaient enfants, répétant les mots encore et encore jusqu’à les connaître par cœur.

Quand la cérémonie fut terminée, Tiadba siffla un air pour sceller leur pacte.

Voilà qui était fait. Jebrassy n’avait aucune idée de ce qui s’était passé. Sa vue redevint nette. Tiadba s’était éloignée et regardait vers le haut. Elle désignait du doigt une sorte de coupe située à la droite de l’écran. La chose était minuscule à côté de l’immense surface et ressemblait à une loge dotée de la plus mauvaise vue.

— Tu vois cela ?

— Une bosse. Elle a toujours été là. Qu’est-ce qu’il y a ?

— Ils l’appelaient « la Valéria », expliqua Tiadba. C’est de là qu’ils organisaient et contrôlaient les spectacles. J’ai trouvé une façon de grimper là-haut en passant derrière le mur de lumière. Tu aimerais essayer ?

— Cela doit être plein de saletés.

— Je l’ai nettoyée.

Il s’efforça de reprendre le contrôle de sa voix et de son corps.

— Cela pourrait être intéressant…, mais pourquoi est-ce si important ?

— Le grand écran est cassé, mais il y en a un petit, là-haut. On peut l’utiliser pour se connecter au catalogue des spectacles qu’ils diffusaient dans les Diurnes. J’en ai regardé quelques-uns. Je crois qu’ils racontent une histoire, mais pas la nôtre. L’histoire de ceux qui ont vécu ici avant nous.

— Je ne vois toujours pas en quoi cela pourrait aider les marcheurs.

— N’es-tu pas un peu curieux ? N’as-tu pas envie de voir des choses qu’aucune créature n’a vues depuis des millions de veillées, d’apprendre comment nous nous sommes retrouvés ici et… peut-être… pour quelle raison ? Nous sommes tellement ignorants. (Elle soupira.) Et ceci…

— Cela nous fait trois points communs, la coupa-t-il. Tu devrais aussi savoir que je suis impulsif. D’aucuns prétendent que je suis stupide, mais je suis juste un peu entêté. Et je prends tout trop à cœur.

— Quatre, cinq et…

— Six points communs ? terminat-il.

Elle se redressa. Elle était un peu plus grande que lui, ce qui était fréquent chez les créatures.

— Si les gardiens nous surprenaient, s’ils apprenaient que nous savons… Je crois que ce serait notre fin. Ils nous dénonceraient aux Grands. Compris ?

Il hocha la tête.

— Dans ce cas, viens avec moi. Une partie de l’ancienne galerie s’est effondrée depuis longtemps, juste à côté de l’avant-scène.

Jebrassy la suivit sur cinquante mètres puis, ensemble, ils descendirent dans un genre de fosse sombre formée par une salle dont le toit s’était écroulé. Une trappe était ouverte à la base du proscenium, mais le passage était en partie obstrué.

— As-tu peur des endroits exigus ? lui demanda-t-elle en dégageant quelques briques et quelques pierres.

— Je ne crois pas. À condition qu’il y ait une sortie.

— C’est un tunnel. Il passe sous l’écran et est assez long. À son extrémité, il y a un puits vertical. Il y avait un ascenseur, avant, mais il ne fonctionne plus. Pour grimper, nous allons devoir escalader un escalier en colimaçon avec beaucoup de marches très étroites.

— Montre-moi.

Satisfaite, Tiadba le prit par la main et l’entraîna à sa suite.

La cité à la fin des temps
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