La Kalpa

Soixante-quinze années s’étaient écoulées depuis que Ghentun avait parlé à l’angelin dans la Tour brisée : un clignement d’œil pour un grand Eidolon, mais un laps de temps non négligeable pour un simple Soigneur.

Le Conservateur Ghentun traversa, invisible, les ponts qui reliaient les trois îles qui s’élevaient au-dessus des canaux et servaient de fondations aux Gradins. Il emprunta les ascenseurs et les escaliers des blocs de niches hauts de cinquante étages, comme il le faisait presque chaque veillée pour étudier ceux dont il avait la charge : les créatures de l’ancienne lignée. Celles-ci s’affairaient, se promenaient, discutaient, s’inquiétaient – escortaient leurs enfants aux yeux écarquillés tout juste sortis de la crèche –, préparaient la nourriture achetée dans des marchés animés ou récoltée dans des prairies et des champs situés au-delà des deux larges canaux appelés Tartaros et Ténébros.

Dans la Kalpa, seuls les Gradins étaient encore soumis à des saisons différenciées : naissance, mort, enfants créés dans des crèches, vieux soulagés de leurs souffrances par le Gardien glacial, leur masse primordiale recyclée dans des êtres tout neufs, dont quelques-uns – des vagabonds à l’instinct développé – étaient sélectionnés par le Conservateur, puis entraînés, équipés et envoyés dans le Chaos où ils devenaient des marcheurs. Un rythme qui n’intéressait plus que lui, semblait-il. Et peut-être le Bibliothécaire, qui avait planifié tout cela une éternité plus tôt. Les grands Eidolons étaient si prompts à oublier…

La météo chronologique s’était quelque peu calmée, aussi le temps s’écoulait-il joyeusement – les séquences étaient respectées pendant plusieurs jours d’affilée –, ce qui permettait à la mémoire de fonctionner quasi normalement. Certains habitants de la Kalpa avaient le sentiment que tout était redevenu comme avant, mais c’était peu probable. Les générateurs de réalité connaissaient des ratés, il est vrai brefs pour la plupart, mais il leur arrivait aussi d’avoir des défaillances beaucoup plus graves. Les intrusions – terrifiantes taches et traînées laissées par le vide du Typhon dans la Kalpa – étaient de plus en plus fréquentes. Des dizaines de ses créatures – les plus vulnérables, celles qui vivaient dans les étages inférieurs – avaient été détruites ou étaient portées disparues.

Quelque chose, dans le Chaos, était en train de chasser.

Dans les ténèbres qui précédaient la veillée, à une faible distance du pont de Ténébros, des équipes d’arbitres à moitié endormis nettoyaient un champ laissé en jachère et y délimitaient des zones à l’aide de cordes. Ils préparaient le terrain pour les jeux que ses créatures appelaient « petites guerres ». Invisible – mais pas complètement sans effet sur les êtres les plus sensibles –, Ghentun se faufila à travers la foule de plus en plus compacte. Il monta sur une butte idéalement située pour observer la partie et s’assit par terre. Autant en profiter un peu, car il lui faudrait partir bien assez tôt.

Une autre partie se jouait – extrêmement importante et beaucoup plus dangereuse, y compris pour Ghentun lui-même –, mais, à la fin, ils pourraient bien trouver un moyen de défaire le Typhon. En attendant, les habitants des Gradins faisaient de leur mieux pour vivre comme ils avaient toujours vécu : courageusement, de façon insensée ou sage. Ils étaient un peuple brave. Ils savaient s’amuser en toutes circonstances.

 

Dans le champ, l’accrochage se déroulait fort bien. Le combat traditionnel avait commencé alors qu’un tapis de brume recouvrait encore les buttes et l’herbe. Cinq cents créatures réparties dans quatre tribus s’étaient jetées dans la partie au son des cors des juges, barrissements âpres qui se réverbéraient sous la voûte haute et lumineuse.

Jebrassy, fort et impétueux dans son armure violette confectionnée à partir d’écales de noix de quille, prit la tête d’un groupe de huit gaillards et tenta de transpercer le flanc gauche de l’adversaire, ce qui donna lieu à une intéressante bagarre générale au milieu d’un brouillard dense.

Pendant qu’il se battait – et donnait beaucoup plus de coups qu’il en recevait –, Jebrassy eut la sensation désagréable d’être observé. Du coin de l’œil, il vit des volutes, des rafales, des trous dans la brume, des mouvements furtifs qui attirèrent son attention. Il ne combattit pas aussi bien qu’il l’aurait voulu, mais c’était peut-être une bonne chose, compte tenu des dégâts qu’il causait.

Jebrassy et ses camarades – Khren et les autres – se battaient avec enthousiasme, frappaient avec tellement de conviction que très peu de leurs adversaires osaient les défier. Certains préféraient protester auprès des arbitres, qui venaient alors s’interposer d’un pas lourd.

Le regard éteint, découragés, les combattants les plus âgés s’accroupirent. Le bon temps était révolu, répétaient-ils en secouant la tête. Certains avaient le sentiment que les parties n’étaient plus assez violentes, d’autres que la pitié et l’honneur avaient été oubliés. Il était rare qu’ils soient d’accord sur quoi que ce soit.

La guerre se poursuivit toute la matinée et tout l’après-midi – cris, jurons, chansons martiales, fanfaronnades, échanges de coups, cheveux tirés, crachats –, et se termina lorsque la voûte s’assombrit et vira au brun, plongeant les combattants épuisés et meurtris dans un crépuscule bienvenu.

Les anciens adoraient assister à ce spectacle, pourvu qu’il n’y ait pas trop de blessés. L’équipe de Jebrassy n’était pas loin de dépasser les bornes. Nombreux furent ceux à rentrer chez eux en claudiquant et en gémissant, et encore plus nombreux furent ceux, mécontents, à rester sur le champ de bataille et aux alentours.

De son propre avis, Jebrassy quitta le terrain de jeu auréolé de gloire, la tête bandée et le bras luxé. Au camp, il fut soigné par un gardien médical indifférent, machine en forme de tonneau dotée d’ailerons courtauds et, pour le moment, repliés. Bien que dépourvus de visages – trois yeux bleus brillaient sur leur tête ovale –, les gardiens semblaient toujours attristés par ces combats, mais accomplissaient leur devoir sans se plaindre ni émettre aucune critique.

Il se racontait que, depuis les ports sombres situés très haut sur les murs ou dans la partie de la voûte qui surplombait le champ de bataille, les Grands, maîtres des Gradins – ainsi que les imaginaient ces créatures naïves –, regardaient ces superbes engagements et émettaient des jugements dont le Gardien glacial tenait compte avant de choisir ceux qu’il conduirait à la crèche. D’aucuns affirmaient même – mais Jebrassy n’était pas de ceux-là – que les Grands accompagnaient leurs combattants favoris pour les envelopper de brume et les mettre à l’abri lorsqu’ils se retrouvaient en mauvaise posture…

Jebrassy avait bien combattu ; il avait cogné, reçu des coups, et n’avait rien à se reprocher. Il n’avait pas peur de ses pensées blasphématoires ; au contraire, elles l’aidaient. Tandis que la machine terminait de le soigner, il regarda par-dessus les yeux bleu scintillant et se perdit dans la contemplation des lumières douces, brunes et vert doré qui parsemaient la voûte. Que pouvaient bien penser les Grands de pareille idiotie ? Il n’avait jamais rien connu d’autre que les Gradins, et cela l’énervait. Son esprit était comme écrasé par le toit gigantesque et arrondi de la voûte. Il était du genre aventureux, plein d’ambition, rêvait de voir plus loin que ceux qui l’entouraient. L’horizon était plat et proche, ce qui n’empêchait pas certains de murmurer des histoires de Sauvages Étendues où la vue se perdait à l’infini.

Un vieux mâle se tenait devant un stand de fortune sur lequel étaient posés du chafe sucré et du tork, jus enivrant fermenté dans de lourdes cruches. Il semblait attendre que la machine ait terminé d’appliquer un dernier bandage. Jebrassy se raidit. Le gardien se confondit en excuses compatissantes, mais les onguents et les colles n’étaient pour rien dans la réaction de son patient.

Le temps de la séparation était venu. Le vieux, Chaeto, était son deuxième per : son patron mâle. Râblé, pourvu d’une barbe épaisse et hérissée, Chaeto rencontrerait bientôt le Gardien glacial. Neb et lui avaient recueilli Jebrassy après la disparition de ses premiers patrons. Il avait été bien traité, mais leur avait causé beaucoup de chagrin.

Chaeto s’approcha de lui, les yeux gris, reflets d’une agitation interne. Ils se saluèrent en se tapotant le cou du bout des doigts ; d’abord Jebrassy, puis le vieillard, comme il se devait. Le jeune mâle caressa alors la paume tendue de son patron.

Geste peu réconfortant, malheureusement.

— Tu t’es bien débrouillé, commença Chaeto. Comme d’habitude. Tu es un vrai combattant, à n’en pas douter. (Il se racla la gorge et détourna le regard.) Notre temps est compté. Mer et moi pensons que nous n’avons plus grand-chose à t’apprendre. De toute façon, tu ne nous écoutes plus.

Jebrassy caressa de nouveau la paume de son per, manière de lui demander pardon. Ils avaient de l’affection l’un pour l’autre, mais il était trop tard pour reculer.

— Tu es décidé à rester avec cette bande de durs, pas vrai ?

— Avec mes amis, murmura Jebrassy.

— Tu comptes toujours t’en aller et mourir loin des Gradins, loin de l’assistance du Gardien glacial ?

— Toujours, Per.

Chaeto leva les yeux vers les dernières lueurs de la voûte.

— Nous allons en accueillir un jeune. Nous ne pouvons pas te laisser… polluer son esprit. Il est hors de question que tes idées se propagent dans la niche de ta mer. Nous avons fait de notre mieux, mais tu as choisi de suivre une route tortueuse. À partir de maintenant, tu continueras sans nous. (Chaeto retira sa main, laissant les doigts de Jebrassy suspendus dans le vide.) J’ai sorti tes affaires. Mer est très triste, mais le nouveau jeune l’aidera à oublier.

Le vieux toucha une dernière fois le cou de Jebrassy et s’en fut en boitillant. Cela faisait quelques années qu’il avait du mal à marcher. Les gardiens, qui s’étaient figés comme pour écouter, recommencèrent à prodiguer des soins aux blessés. Ceux-ci se détournèrent ; peu nombreux étaient ceux à compatir à la douleur de Jebrassy. Il avait distribué beaucoup trop de coups.

Chaeto avait sans doute parlé au percepteur de leur étage, qui le bannirait du voisinage, même s’il restait des niches inoccupées.

Il était seul. Il ne reverrait plus jamais ses patrons, sauf par accident… peut-être dans un marché. Ils feraient semblant de ne pas le reconnaître. Jebrassy était enfin libre, comme il l’avait toujours souhaité, mais il souffrait, et cela n’avait rien à voir avec ses blessures légères.

Il se leva et regarda autour de lui à la recherche de quelqu’un avec qui partager une bonne cruche.

Après que le champ de bataille eut été nettoyé – il n’y avait que sept blessés, nombre jugé décevant par certains –, les murs de la nauvarchie s’élevèrent dans Ténébros, entre les prairies internes et la première île, et le flot s’engouffra dans le canal sinueux. On mit à l’eau des canots et des bateaux ornés de couleurs vives, et un nouveau groupe de créatures commença une impitoyable bataille navale. Ceux qui avaient combattu plus tôt – et qui étaient capables de marcher – s’amassèrent le long du mur où ils mangèrent, burent, applaudirent et se plaignirent, jusqu’à n’être plus capables de bouger. La lumière de la veillée vira au gris foncé. Les murs s’abaissèrent et l’eau s’écoula. On releva et emporta les embarcations abîmées, et ceux des spectateurs qui avaient trop bu et ne pouvaient pas bouger furent transportés dans des tentes par leurs amis. Les autres s’en furent en claudiquant dans les prairies et les champs, ce qui leur valut d’être chassés par des cultivateurs en colère. Les plus robustes rentrèrent chez eux sur les trois îles en chantant et en dansant, brûlant ce qui leur restait d’énergie, convaincus que les petites guerres étaient de bonnes choses, qu’elles aidaient l’ancienne lignée à garder le moral et la santé.

 

Jebrassy descendit du mur jonché d’ordures avec une grimace. Il prit le temps de se stabiliser – il avait avalé une belle quantité de tork – et se rendit compte que quelqu’un l’observait. Quelqu’un qu’il pouvait voir.

Il se retourna avec grâce et dignité – du moins l’espérait-il – et croisa le regard aiguisé, critique et sévère d’une flamme : une jeune et jolie femelle. Elle était vêtue d’une veste ouverte et d’un pantalon ample dont les couleurs révélaient qu’elle résidait dans le bloc central de la deuxième île, tout comme lui jusqu’à aujourd’hui.

La flamme approcha. Elle avait les cheveux courts et brillants dans la lumière déclinante, le regard fixe, pénétrant et si plein d’une intention à peine voilée qu’il se demanda si sa mer et son per n’allaient pas émerger de la foule pour l’emmener de force ou exiger un certificat des patrons qu’il n’avait pourtant plus.

Ce serait maladroit.

Jebrassy soutint son regard avec une dignité étonnée pendant qu’elle approchait. Elle s’arrêta à quelques centimètres de lui, le renifla et sourit.

— Tu es Jebrassy… n’est-ce pas ?

— Nous n’avons pas été présentés, répondit-il en tentant de reprendre ses esprits.

— Ils disent que tu aimes te battre. La guerre est une perte de temps, à mon avis.

Il faillit trébucher sur une cruche renversée.

— Y a-t-il autre chose qui vaille la peine qu’on se fatigue ? rétorqua-t-il en se rattrapant.

— Nous avons trois points communs. Pour commencer, nous voyageons en rêve…

Elle n’aurait pas pu le choquer davantage ni être plus près de lui faire mal. Jebrassy n’avait parlé de ses voyages qu’à Khren, son meilleur ami. Sa surprise céda la place à l’incrédulité, puis à la détresse et à l’embarras. Il regarda par-dessus son épaule et considéra en clignant des yeux la foule des spectateurs qui s’éloignait du champ et empruntait les passerelles en discutant.

— Je suis ivre, marmonna-t-il. Nous ne devrions même pas être en train de parler.

Il voulut s’en aller, mais elle lui agrippa le bras et le retint.

— Je n’ai pas terminé. Je veux quitter la Kalpa. Comme toi.

Il la fixa d’un regard stupéfait et alcoolisé.

— Qui t’a dit tout cela ?

— Quelle importance ?

Il sourit et l’examina d’un air quasi concupiscent. Finalement, cela pourrait se révéler amusant : deux jeunes gens téméraires décidés à n’en faire qu’à leur tête… L’expression de la flamme ne changea pas ; tout juste cligna-t-elle des yeux avec lassitude.

Pris de court, il demanda :

— Et le troisième point commun ?

— Si tu veux savoir, rejoins-moi près des Diurnes juste avant le prochain sommeil, répondit-elle, le regard brillant. Je m’appelle Tiadba.

Elle se retourna et s’en fut en courant vers les rampes et le pont. Saoul comme il était, il n’aurait jamais pu la rattraper.

La cité à la fin des temps
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