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Dans la Venise des Limbes, Kornglow et Léonore parlent de l’Arétin.
— Je me demande s’il l’écrira, sa pièce.
— Peut-être. Mais ce ne sera pas la vraie. Ce sera celle-ci, celle dans laquelle nous mourrons chaque soir pour renaître chaque matin. J’espère que tu n’as pas peur de la mort, mon amour.
— Un petit peu, quand même. Mais demain nous serons à nouveau en vie, n’est-ce pas ?
— Je le crois, en effet. Seulement la mort aura vraiment le goût de la mort lorsqu’elle se présentera.
— Devons-nous mourir maintenant ?
— Tout Venise meurt ce soir.
On entend un claquement de sabots. Des cavaliers ont pénétré dans la ville. Les Mongols !
Kornglow se bat vaillamment, mais est transpercé par une lance. Les Mongols tentent d’enlever Léonore, mais elle est trop rapide pour eux – il n’est pas encore né, le Mongol qui sera plus rapide que la fille d’un elfe. Elle court dans la rue, se jette à l’eau et s’éloigne à la nage. Les vagues sont hautes, les murs s’écroulent, Venise prend feu. Léonore se retourne pour regarder, mais n’arrive plus à flotter. C’est la première fois qu’elle meurt, et même si c’est difficile, elle s’en tire très bien. Lentement, sa tête s’enfonce dans l’eau.