5

Après avoir renvoyé Kornglow, sir Oliver resta assis un long moment sur le bord de son lit, réfléchissant à l’audacieuse décision qu’il venait de prendre. Il avait peur, évidemment. Comment pouvait-il en être autrement après une conversation avec un démon ? Et pourtant, l’offre de sir Antonio était tout bonnement trop alléchante pour la laisser passer. Même si les hommes d’Église se plaignaient du fait que les Forces Obscures tentaient sans relâche de séduire les hommes, cela se produisait en réalité assez rarement. Ce n’était en tout cas jamais arrivé à personne de sa connaissance, et encore moins à lui.

Cette idée plaisait à Oliver. Un fort désir brûlait en lui depuis son enfance – obtenir quelque chose de grand, de précieux et d’important au prix d’efforts aussi minimes que possible. Ce genre d’aspiration était difficile à confier à quelqu’un. Les gens avaient du mal à comprendre.

Bien qu’il fût très tard, il n’avait pas sommeil. Il se servit un verre de vin et tirait de sa poche les quelques biscuits qu’il avait mis de côté au dîner en prévision d’un petit casse-croûte nocturne, lorsque son regard s’arrêta sur le mur, à sa droite.

Il avala précipitamment, renversa du vin sur son pourpoint. Il y avait une porte dans ce mur. Une porte normale, tout ce qu’il y avait d’ordinaire. Mais une porte qui ne se trouvait pas là auparavant, il en était presque certain.

Sir Oliver se leva, s’en approcha, l’examina. Était-il possible qu’il ne l’eût pas remarquée en entrant ? Il en tourna la poignée, essaya de l’ouvrir. Elle était verrouillée.

Bon, eh bien, très bien, alors. Il retourna s’asseoir. Et puis il lui vint une idée. Il sortit de sa poche le charme Cretinia que lui avait confié Azzie et retourna vers la porte.

Doucement, il introduisit la clé d’argent dans la serrure, elle s’y logea avec un onctueux clic. D’un très léger mouvement, il amorça un tour vers la gauche, juste pour voir ce qui allait se produire. La clé tourna pratiquement toute seule, et le verrou se libéra.

Oliver tourna la poignée, la porte s’ouvrit. Il reprit la clé et la remit dans sa poche. Puis il jeta un œil dans l’entrebâillement. Derrière la porte s’ouvrait un long couloir mal éclairé, et dont on ne voyait pas le bout. Oliver était certain que ce passage ne menait nulle part dans l’auberge, ni dans la forêt. Il menait Dieu savait où, et on attendait du chevalier qu’il s’y engage.

Brrrr…

Mais au bout, il y avait la récompense !

Il eut une éphémère vision. Lui, en armure rouge, sur un puissant cheval de bataille, à la tête d’une compagnie de héros, pénétrant dans une cité, acclamé par tous.

— Diantre, voilà qui serait vraiment revigorant ! dit-il tout haut.

Il s’engagea dans le couloir, pas encore tout à fait prêt à s’impliquer, mais plutôt dans l’esprit d’un gamin trempant un orteil dans de l’eau qui pouvait s’avérer très froide. Derrière lui, la porte se referma aussitôt.

Il avala sa salive, mais n’essaya pas de battre en retraite. Un léger pressentiment lui avait dit que, de toute façon, ce genre de chose risquait d’arriver. C’était comme ça que ça commençait, les aventures. Un truc vous poussait, et hop, vous étiez pris dans l’engrenage. Forcé d’aller jusqu’au bout.

Il avança dans le passage, très prudemment d’abord, puis avec de plus en plus d’entrain.

Le démon de la farce
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