5

— Gentil, le chien. Couché, maintenant. Là-bas, dans le coin, dit Westfall.

Le jeune chien de berger le regarda et aboya.

— Il n’est pas très bien dressé, remarqua Westfall.

— Dites donc, vous n’avez jamais demandé qu’il le soit, répliqua Hermès. Il a un pedigree long comme le bras.

— Et il est beau, reconnut le marchand. Et puis les pièces d’or sont tout à fait satisfaisantes.

À ses pieds était posé un petit sac de cuir plein d’écus.

— Je suis heureux de vous savoir satisfait, dit Hermès. Bien, maintenant, si vous pouviez juste dire au talisman que vous me relâchez et que je ne suis plus en votre pouvoir, de façon que nous reprenions chacun nos activités…

— Pas si vite ! J’ai encore un certain nombre de vœux à vous demander d’exaucer.

— Mais j’ai du travail, moi !

— Soyez patient. J’ai besoin de vous avoir sous la main encore un moment, mon cher Trismégiste. Si vous faites ce que je vous demande, j’envisagerai de vous relâcher.

— Ce n’est pas juste ! Je veux bien vous accorder un vœu ou deux, par respect pour un talisman que je vous soupçonne d’avoir bien mal acquis, mais vous êtes en train de profiter de la situation !

— La magie est là pour que les gens en profitent.

— Ne tirez pas trop sur la corde, tout de même. Vous n’avez aucune idée de ce avec quoi vous êtes en train de jouer.

— Ça suffit, les bavardages. Écoutez-moi bien, Hermès : un peu avant vous, le talisman m’a donné quelqu’un d’autre. Une femme. Très belle. Savez-vous de qui je veux parler ?

Hermès Trismégiste ferma les yeux pour se concentrer.

— Mon sens postmonitoire, dit-il en les rouvrant, me dit qu’il s’agissait d’un des anges de Dieu, une ancienne sorcière nommée Ylith.

— Ça alors ! Mais comment vous faites ? s’étonna Westfall.

— La postmonition fait partie de mes attributions. Si vous me relâchez, je vous apprendrai.

— Peu importe. Ce que je veux, c’est que vous me trouviez cette dame – Ylith, c’est ça ? Je veux que vous l’ameniez ici.

Hermès regarda le marchand. Il n’avait pas prévu ça.

— Je doute qu’elle veuille me suivre.

— Je me fiche de ce qu’elle veut. Mon imagination est en proie aux plus délirantes évocations, depuis que je l’ai vue. Je la veux.

— Je sens qu’Ylith va adorer ça, remarqua Hermès à voix basse.

Il connaissait la forte personnalité de cet ange qui avait lutté pour l’égalité spirituelle des sexes dans le cosmos bien avant même que l’ébauche de ce concept apparaisse sur Terre.

— Il faudra qu’elle s’habitue à moi, dit Westfall. J’ai l’intention de posséder cette dame à la façon dont un homme possède une bonne.

— Je ne peux pas la forcer à accepter ça, le prévint Hermès. Mes pouvoirs ont une limite : ils s’arrêtent là où il s’agit d’influencer le psychisme féminin.

— Vous n’aurez pas à la forcer à quoi que ce soit, je m’en charge. Contentez-vous de la mettre en mon pouvoir.

Hermès réfléchit un instant.

— Écoutez, Westfall, dit-il enfin, je vais être franc avec vous. La possession de pouvoirs magiques vous a tourné la tête. Cette histoire avec Ylith, ce n’est pas une bonne idée. Vous vous mêlez de quelque chose que la raison devrait vous faire fuir comme la peste.

— Silence ! Faites ce que je vous dis ! s’emporta Westfall, les yeux écarquillés, brillants.

— Bon, comme vous voudrez, soupira Hermès avant de disparaître, épaté par la détermination avec laquelle les humains se mettaient dans des situations impossibles.

Il venait d’entrevoir l’esquisse d’un plan qui pourrait peut-être lui profiter, à lui et aux autres Olympiens désormais cantonnés dans le monde irréel connu sous le nom de Monde de l’Ombre. Mais d’abord, il allait devoir amener Ylith à Westfall, et ça, ça n’était pas dans la poche.

Le démon de la farce
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