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Sans-Nom agita ce qui était peut-être un bras. Aussitôt, Azzie se trouva transporté à une terrasse de café, dans une ville dont l’architecture faisait très nettement penser à Rome.

La transition, effectuée sans équipement visible, épata le démon, qui se garda néanmoins de montrer le moindre signe d’admiration. Sans-Nom semblait avoir la grosse tête, de toute façon. Il était là, avec lui, porteur d’un corps humain à très nette surcharge pondérale et coiffé d’un chapeau tyrolien. Un serveur en veste blanche approcha. Azzie commanda un Cinzano puis se tourna vers Sans-Nom.

— Bon, alors, à propos de ce combat : y aura-t-il des règles, ou est-ce que ça sera la pagaille totale, chacun pour soi et débrouillez-vous ?

Il savait qu’il n’avait aucune chance contre Sans-Nom, qu’il soupçonnait d’être une super divinité tout juste née. Mais il avait décidé de faire bonne figure, et d’essayer de bluffer jusqu’au bout.

— À quel genre de combat es-tu le meilleur ? demanda Sans-Nom.

— Je suis connu pour être un maître ès combats sans règles.

— Tiens donc ! Alors je pense que nous en aurons. Des règles.

Les règles, Azzie savait qu’il pouvait s’en débrouiller. Depuis sa naissance, il avait passé son temps à les contourner, donc il avait déjà un avantage. Mais il se garda de manifester le moindre contentement.

— Selon quelles règles veux-tu combattre ? demanda Sans-Nom.

Azzie regarda autour de lui.

— Nous sommes à Rome, n’est-ce pas ?

— En effet.

— Alors prenons les règles des gladiateurs.

À peine avait-il prononcé ces mots qu’il se sentit pris d’un léger vertige. Lorsqu’il eut à nouveau les idées claires, il se trouvait au centre d’un amphithéâtre immense et désert. En dehors d’un pagne, il était nu. Apparemment, la nouvelle divinité était un peu prude. C’était toujours bon à savoir.

Il réalisa alors qu’il portait un bouclier assez ancien et, dans l’autre main, un glaive romain.

— Eh ben, vous perdez pas de temps, dit-il.

— Je comprends vite, répondit la voix de Sans-Nom, qui venait de nulle part en particulier.

— Et maintenant ?

— Combat à mains nues. Toi et moi. Me voici !

Une porte de l’arène s’ouvrit. Il y eut un grondement, et un gros véhicule en métal apparut, avec de drôles de roues. Azzie en avait déjà vu de tels, lors de ses visites sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale, en France. C’était un char militaire, blindé et équipé d’un canon.

— Vous êtes dans ce char ? demanda-t-il.

— Je suis le char, répondit Sans-Nom.

— C’est pas très équitable, dites-moi.

— Ne sois pas mauvais perdant, allons.

Le char avançait, crachant en même temps que des gaz d’échappement bleutés un chant guerrier. Des tentacules jaillirent sur ses côtés, à l’extrémité desquels il y avait une scie électrique. Azzie recula jusqu’à ce que son dos rencontre le mur.

— Attendez ! hurla-t-il. Où est le public ?

— Quoi ? demanda le char en s arrêtant.

— On ne peut pas avoir un vrai combat de gladiateurs sans public.

Dans les gradins, des portes s’ouvrirent, et des gens entrèrent. Azzie les connaissait tous. Il y avait les dieux grecs, sculpturaux dans leurs draps blancs, et puis Ylith, et Babriel, suivis de Michel. Ce qu’il vit ne plut pas à Sans-Nom.

— Attends une minute, dit-il. Temps mort, O.K.? Et Azzie se retrouva dans un salon tout ce qu’il y avait de plus XIXe. Avec Sans-Nom.

Le démon de la farce
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