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Zeus ne pouvait se contenter d’un simple déchaînement météorologique. En compagnie de ses enfants, il se mit à travailler sur d’autres projets destinés à faire comprendre à l’humanité que les dieux grecs étaient de retour.

Pour ce faire, il décida d’aller voir par lui-même où en étaient les hommes. Il se rendit d’abord en Grèce. Comme il l’avait craint, la force armée grecque avait pris un sacré coup dans l’aile depuis la grande époque d’Agamemnon.

Il chercha un peu partout pour voir quelles armées étaient disponibles et en activité. En Europe occidentale, elles étaient presque toutes occupées à lutter pour une chose ou une autre. Ce qu’il lui fallait, c’était une force nouvelle, des hommes frais. Il savait exactement où il voulait les envoyer – en Italie. Là-bas, il allait s’installer un nouveau royaume. Son armée s’imposerait sur tous les champs de bataille, ferait en sorte qu’on ne prête allégeance à personne d’autre qu’à lui sous peine d’être mis à mal. En récompense, il offrirait à ses hommes gloire et perfidie. Zeus était de la vieille école, et était convaincu que c’était encore la meilleure, surtout quand le sang coulait.

Mais d’abord, il lui fallait trouver une pythie qui le renseignerait sur la disponibilité des armées existantes. Il consulta l’annuaire des Prophètes et arrêta son choix sur la Pythie de Delphes, qui exerçait présentement la profession de blanchisseuse dans un restaurant de Salonique, incognito, bien sur.

À Salonique, il bourra son nuage de ténèbres dans une grosse gourde qu’il reboucha avec un morceau de liège de façon à toujours l’avoir à disposition. Puis il se rendit sur l’agora centrale et s’arrêta aux Bassins-Principaux pour demander où il pouvait trouver la blanchisseuse. Un marchand de poissons lui montra le chemin à suivre. Zeus longea le Colisée en ruine et l’hippodrome en passe de le devenir, et la trouva enfin. C’était une vieille femme usée par les soucis, avec une carapace de tortue qui lui servait de cuvette.

Elle était contrainte de pratiquer dans une certaine clandestinité car l’Église avait interdit aux pythies d’exercer leur profession. Posséder ne serait-ce qu’un boa constrictor était interdit car « synonyme de pratiques magiques illégales », alors un python, ce n’était même pas la peine d’en parler. Mais elle disait encore l’avenir à ses amis et à certains aristocrates en disgrâce.

Zeus se présenta drapé dans une cape, mais elle le reconnut aussitôt.

— J’ai besoin d’une consultation, dit-il.

— Ce jour est le plus beau jour de ma vie, soupira la pythie. Dire que je suis en face d’un des anciens dieux… Demandez-moi ce que vous voulez.

— Je veux juste que vous me disiez où je peux trouver une armée.

— Avec joie. Mais votre fils Phébus est le dieu des prophéties, non ? Pourquoi ne vous adressez-vous pas à lui ?

— Je ne m’adresserai ni à Phébus, ni à personne d’autre. Je n’ai pas confiance. Il doit bien y avoir d’autres dieux à qui vous donnez des renseignements, non ? Ne me dites pas que nous, les Olympiens, sommes les seuls. Ce monsieur juif qui était en poste en même temps que moi, là, qu’est-ce qu’il devient ?

— Jéhovah ? Il a beaucoup changé. Mais il ne fait pas dans la prophétie pour l’instant. Il a laissé des ordres très stricts, personne ne doit le déranger.

— Il y en a bien d’autres, tout de même ?

— Bien sûr qu’il y en a d’autres, mais je ne sais pas si c’est une très bonne idée de les déranger avec vos questions. Ils ne sont pas comme vous, Zeus. Vous, vous êtes un dieu très ouvert au dialogue, tout le monde peut bavarder avec vous. Eux, ils sont bizarres et méchants.

— Je m’en fiche. Demande-leur. Si un dieu ne peut plus demander un service à un autre dieu, je ne donne pas cher de l’avenir de l’univers.

La pythie l’entraîna dans son antre, fit brûler des feuilles de laurier sacré, y ajouta double dose de chanvre sacré. Puis elle sortit quelques ustensiles, sacrés eux aussi, les disposa çà et là, fit sortir son serpent de son panier en osier, l’enroula autour de ses épaules et entra en transe.

Très vite, ses yeux se révulsèrent et elle dit, d’une voix que Zeus ne reconnut pas mais qui lui donna des frissons dans le dos :

— ô Zeus, va donc voir les Mongols.

— C’est tout ? demanda-t-il.

— Fin du message, répondit la pythie avant de s’évanouir.

Lorsqu’elle reprit connaissance, Zeus était perplexe.

— Dans mon souvenir, les oracles étaient exprimés de façon étrange et ambiguë, et il fallait lire entre les lignes. Mais là, le message était clair, précis. La procédure a changé ?

— Je crois, répondit la pythie, que dans les milieux autorisés, on en avait un peu ras la couronne de laurier de l’ambiguïté. Personne n’arrivait jamais à tirer quoi que ce soit de ces circonlocutions un brin prétentieuses.

Zeus quitta Salonique enveloppé dans son nuage et mit cap au nord-est.

Le démon de la farce
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