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— Nous revoilà dans ce bon vieux cosmos ! s’écria Phébus.

— Si je m écoutais, je m’agenouillerais pour embrasser la terre, dit Héphaïstos.

La première chose qu’ils firent fut d’organiser un grand dîner de fête au cours duquel ils passèrent Zeus au barbecue, chantèrent « Il était grand, il était beau, il sentait bon le sable chaud », et imitèrent pour rire son style emphatique et solennel. Ils sacrifièrent les animaux habituels et mirent du sang partout parce que le sacrifice, c’était un boulot de domestique et que les dieux n’y connaissaient rien. Ils se soûlèrent et racontèrent des histoires graveleuses en riant d’un rire bien gras.

Zeus tapa du poing sur la table pour obtenir leur attention.

— Je voudrais vous remercier tous. C’était très gentil de votre part d’organiser ce dîner pour moi.

— Pour Zeus, hip hip hip hourra !

— Merci, merci. Bien, maintenant, il va falloir passer aux choses sérieuses. J’ai un peu réfléchi à ce que nous pourrions faire, puisque nous ne sommes plus dans le Monde de l’Ombre. Je trouve que nous devrions travailler ensemble.

— Travailler ensemble ? demanda Athéna. Mais on n’a jamais fait ça !

— Cette fois, il le faut, répondit Zeus d’un ton ferme. C’est l’absence de cohésion qui nous a mis dedans, la dernière fois. Alors on ne va pas faire la même erreur deux fois, quand même ! Nous devons absolument trouver un projet auquel nous pourrons tous participer, quelque chose qui servira nos intérêts communs. J’ai ouï dire que la grande nouveauté sur terre, c’est la pièce qu’un jeune démon moderne est en train d’essayer de monter pour l’édification du peuple. Ce démon, Azzie Elbub, envisage de récompenser très largement sept acteurs pour aucune raison en particulier Ça vous dit quelque chose ?

Il se tut un instant, attendit une réponse qui ne vint pas. Les dieux et les déesses, assis sur leurs chaises de camping dorées, l’écoutaient sans rien dire. Il reprit la parole.

— Avant tout, il faut absolument mettre un terme à cette espèce d’interprétation morale vague et sans intérêt dont se gargarisent les puissances spirituelles parvenues comme le démon dont je viens de parler. N’avons-nous pas, nous, dieux anciens, déclaré que la personnalité faisait le destin ? Et cela n’est-il pas aussi vrai aujourd’hui qu’hier ?

— Si nous agissons, dit Hermès, les Puissances du Mal risquent de ne pas beaucoup apprécier nos divins pieds sur leurs plates-bandes.

— Je me fiche bien des humeurs de ces messieurs-dames, répondit Zeus. Si ça ne leur plaît pas, ils savent comment y remédier.

— Mais vous croyez que c’est raisonnable de se lancer à corps perdu dans la bataille, si vite ? Ne serait-il pas préférable d’opter pour l’arbitrage ? Je suis sûr qu’on pourrait trouver quelque chose à arbitrer, insista Hermès. Et en attendant, nous pourrions adopter un profil bas, ou même nous cacher.

— Ça ne changerait rien du tout. Les autres, les Puissances des Ténèbres et de la Lumière, feront tout pour nous renvoyer dans la réserve des Limbes. Et de toute façon, où irions-nous ? Je ne vois pas où nous pourrions nous cacher dans l’Univers. Tôt ou tard, on nous retrouvera. Alors amusons-nous un peu tant que c’est possible, et défendons notre manière d’agir – la ruse divine !

Ils portèrent plusieurs toasts à la ruse divine, sainte doctrine de leur cru. Puis leurs regards se posèrent loin, bien loin au-delà de l’Olympe, et ils aperçurent sir Oliver et ses hommes avançant dans un paysage vallonné.

— De quoi s’agit-il ? demanda Athéna tandis qu’avec ses collègues elle regardait les soldats armés, auxquels visiblement s’étaient jointes des hordes de pèlerins.

— Qu’arrivera-t-il lorsqu’ils atteindront Venise ? demanda Hermès.

— Leur chef obtiendra ce qu’il désire le plus au monde, leur expliqua Zeus. Et peut-être que, par voie de conséquence, les autres aussi.

— On ne va pas laisser faire ça, quand même ? s’indigna Athéna.

Zeus rigola et convoqua sur-le-champ les dieux des vents, dont Zéphyr et Borée, qui partirent balayer l’Europe, l’Asie Mineure et une partie de l’Asie, où ils ramassèrent toutes les brises de production locale, qu’ils fourrèrent dans un grand sac de cuir avant de les offrir à Zeus. Le Dieu des Dieux défit les liens de cuir qui fermaient le sac et regarda à l’intérieur. Un vent d’ouest pointa le nez dehors et demanda :

— Mais qu’est-ce qui se passe, à la fin ? Qui capture les vents comme ça ?

— Nous sommes les dieux grecs et nous capturons les vents quand ça nous chante, répondit Zeus.

— Oups, pardon. Je ne pouvais pas deviner. Qu’est-ce qu’il y a pour votre service ?

— J’aimerais que vous fassiez une énorme tempête.

La requête sembla réjouir le vent d’ouest.

— Ah ! Une tempête ! Ça change tout ! Je pensais que vous alliez encore nous demander une de ces douces et délicates brises dont les gens parlent tout le temps.

— Nous nous fichons de ce que les gens veulent, dit Zeus. Nous sommes des dieux et nous voulons un temps de fin du monde.

— Cette tempête, il vous la faut où ? demanda le vent d’ouest en se frottant les mains, qu’il avait transparentes.

— Arès, dit Zeus, tu veux bien accompagner les vents et leur montrer où nous voulons qu’ils soufflent ? Et pendant que tu y seras, tu pourras peut-être te charger aussi des pluies.

— Avec plaisir, dit Arès. Surtout que, pour moi, bidouiller la météo, c’est jamais qu’une autre façon de faire la guerre.

Le démon de la farce
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