2
Lorsqu’ Azzie regagna Venise, six jours avaient passé sur la Terre. Il faisait plus doux, le temps était splendide, et les jardins étaient en fleur. Le jaune et le blanc prédominaient, éclatants sous la caresse du soleil. Les Vénitiennes de bonne famille en profitaient pour se promener, accompagnées de leurs époux, jasant des histoires des nobles et de leurs dames. La marée baissait, emportant vers la mer ordures et déchets divers. Un petit vent d’est vigoureux emportait quant à lui les remugles qui faisaient de Venise un point de départ potentiel de la peste vers le reste de l’Europe. L’un dans l’autre, la vie était belle.
Azzie avait prévu de se rendre à l’Arsenal, le chantier naval le plus connu d’Europe, mais à peine avait-il apparu dans la ruelle pavée qui y menait qu’il tomba nez à nez avec un type assez costaud aux yeux bleus, qui lui tapa presque aussitôt dans le dos, mais gentiment, quand même.
— Azzie ! Ma parole, c’est toi ?
C’était l’ange Babriel, vieille connaissance croisée au cours d’aventures anciennes. Bien qu’ayant servi des camps opposés pendant la grande bataille de la Lumière et des Ténèbres, ils étaient devenus amis dans le feu de l’action – enfin, pas tout à fait amis, mais plus que de simples connaissances. Et puis une chose les rapprochait, aussi. L’amour qu’ils portaient tous les deux à la séduisante sorcière brune nommée Ylith.
Azzie se dit que Babriel, qui travaillait aujourd’hui pour l’archange Michel, était peut-être à Venise pour le surveiller, et savait peut-être même – grâce à un nouveau stratagème du Paradis encore inconnu sur le marché – ce qu’il essayait de mettre sur pied.
Comme l’archange lui disait sa surprise de le voir à Venise, il répondit :
— J’ai pris un peu de vacances, histoire de profiter de cette ville merveilleuse. Venise est certainement le paradis sur terre de la génération actuelle.
— Ça m’a fait plaisir de te revoir, dit Babriel, mais je dois rejoindre les autres. L’ange Israfel descend nous chercher aux vêpres, pour nous renvoyer au Paradis. Nous n’étions là que pour le week-end.
— Bon voyage, alors.
Et ils se séparèrent. Azzie n’avait pas eu l’impression que Babriel l’espionnait, mais quand même. La présence à Venise, précisément à cette époque, de l’ange aux yeux bleus l’intriguait.