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Depuis qu’il avait eu cette idée de pièce immorale, Azzie avait l’imagination en délire. Il voulait faire de grandes choses, comme par le passé, avec le Prince Charmant et l’affaire Johann Faust. Il était temps pour lui de frapper une nouvelle fois, d’étonner le monde, tant matériel que spirituel.

Une pièce immorale ! Une œuvre qui créerait une légende nouvelle sur le destin de l’humanité et qui à elle seule redorerait définitivement le blason des Ténèbres !

Ce n’était pas une mince affaire, il en était conscient. Un travail ardu l’attendait. Il savait aussi quel homme pourrait l’aider à écrire cette pièce : Pietro l’Arétin, qui serait un jour parmi les écrivains et poètes les plus éminents de la Renaissance. S’il arrivait à le convaincre…

Il prit sa décision peu après minuit. Cette pièce, il la monterait ! Il repartit à travers York, quitta la ville et s’enfonça dans la campagne. C’était une nuit splendide, les étoiles illuminaient le ciel depuis leur sphère fixe. Tout bon chrétien était au lit depuis plusieurs heures déjà. Constatant qu’il n’y avait personne – bon chrétien ou pas – dans les parages, il ôta son manteau de satin à double boutonnage, puis son gilet pourpre. Il était superbement musclé. Les créatures surnaturelles avaient la possibilité, moyennant une somme modique, de rester en forme magiquement, en ayant recours au service infernal dont la devise était : « Sain de corps, malin d’esprit. » Déshabillé, il défit le lacet qui maintenait ses ailes de démon plaquées contre son corps pour les dissimuler lors de ses petits voyages sur Terre. Quel bonheur de pouvoir enfin les étirer ! Avec le lacet, il attacha ses vêtements sur son dos, en prenant soin de mettre sa monnaie dans un endroit sûr. Il avait déjà perdu de l’argent de cette manière, en oubliant de vider les poches de son manteau. Puis, après trois foulées rapides, il s’envola. Et hop !

Tout en volant, il glissa dans le temps, se coula vers le futur, humant avec délices son odeur astringente. Bientôt, il fut au-dessus de la Manche, direction sud-sud-est. Une petite brise le poussa jusqu’aux côtes françaises en un rien de temps.

Au matin, il était dans le ciel suisse, et prit de l’altitude en apercevant les Alpes. Vint ensuite le col du Grand-Saint-Bernard, qu’il connaissait bien, et peu après, ce fut l’Italie du Nord. L’air était déjà plus doux, même aussi haut.

L’Italie ! Azzie adorait cet endroit. L’Italie était son pays préféré, et la Renaissance, où il venait d’arriver, son époque favorite. Il se considérait comme une sorte de démon du Quattrocento. Il vola au-dessus des vignobles et de la mosaïque des champs, au-dessus des collines et des rivières étincelantes.

Adaptant la position de ses ailes à l’air plus lourd qui montait, il piqua légèrement à l’est, vola jusqu’à l’endroit où terre et mer semblent fusionner en un immense marais qui étire ses méandres vert et gris avant de s’abandonner dans l’Adriatique. Et Venise apparut enfin.

Les derniers rayons du soleil couchant illuminaient la noble cité, rebondissant sur l’eau des canaux. Dans la pénombre naissante, Azzie distinguait tout juste les gondoles, avec leur lanterne suspendue à l’arrière, allant et venant sur le Grand Canal.

Le démon de la farce
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