Un vent incessant balaie la plaine. Il marmonne sur le dallage qui s’étend d’un horizon à l’autre. Il chante entre des colonnes noires éparses, comme un chœur de fantômes. Il disperse la poussière venue de loin et roule les feuilles. Il titille les cheveux d’un corps inerte, reclus depuis une génération, momifié. Espiègle, la brise plaque une feuille sur la bouche du cadavre figée en un cri silencieux, puis l’enlève. Ce vent porte l’haleine de l’hiver.

Un éclair ricoche d’une colonne d’ébène à la suivante, comme un gamin jouant au chat, sautant de refuge en refuge. L’espace d’un moment, un peu de couleur anime cette plaine spectrale.

Les colonnes pourraient passer pour des vestiges d’une cité détruite. Ce n’en sont pas. Il y en a trop peu, elles sont disposées sans ordre. Toutes tiennent debout, bien que le vent vorace les ait pour beaucoup rongées profondément.