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On dirait que les soldats du Sud ont fermé les yeux et se sont fourré la tête dans une ruche, pas vrai ?

Comment ? Pourquoi ce manque d’ardeur ? Venez voir. C’est amusant.

Où qu’on se tourne, ceux du Sud battent en retraite. Tantôt ils prennent leurs jambes à leur cou, tantôt ils se coulent discrètement dans l’obscurité pour filer en douce avant que la mort ne les rattrape.

Regardez là. Tisse-Ombre, le monarque ennemi lui-même, tout sauf estropié, qui ne prête attention à rien ni personne à part ces deux figures archétypales descendues des collines dans leur halo rose pour lui régler son compte.

Et Mogaba ? Observez-le, ce maître tacticien. Regardez-le jouer le guerrier de légende, exploitant les faiblesses de l’ennemi maintenant que l’heure n’est plus à exécuter la perfidie qu’il avait en tête plus tôt dans la soirée. Voyez cela ? Aucun soldat du Sud, de quelque réputation qu’il soit, n’ose l’approcher. Même leurs champions sont pareils à des enfants novices quand il s’avance vers eux.

Il est trop, ce Mogaba.

Il est le preux triomphant de sa propre saga imaginaire.

 

Quelque chose a déserté les soldats du Sud.

Ils voulaient conquérir. Ils savaient qu’ils devaient conquérir parce que leur maître Tisse-Ombre n’allait tolérer rien de moins. Il manque singulièrement de compréhension pour ce qui touche aux échecs. Une partie de son armée a solidement pris pied dans la ville. Un entêtement modéré devrait leur donner le succès.

Sauf qu’ils se débandent.

Quelque chose s’est emparé d’eux qui les convainc que même leurs âmes ne survivront pas s’ils restent à l’intérieur de Dejagore.