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« Ouille ! » J’ai ouvert les yeux. Oncle Doj et Thai Dei étaient accroupis près de moi, un de chaque côté, l’air inquiet. J’ai dodeliné de la tête, surpris de les voir de retour si tôt.
Je me trouvais sur le plancher de mon bureau. Mais j’étais en chemise de nuit. « Qu’est-ce que je fais là ?
— Tu as marché en dormant, m’a dit Doj. Tu as parlé aussi, c’est ce qui nous a alertés.
— Parlé ? » Je ne parle jamais dans mon sommeil. D’ailleurs je ne marche pas en dormant non plus. « Nom de nom ! J’ai encore écopé d’un sortilège ! » Et, cette fois, je me souvenais de ce que j’avais vécu. Un peu. « Il faut que je note tout. Tout de suite. Avant que j’oublie. » J’ai traversé la pièce en hâte. L’instant d’après, je griffonnais.
Et, quand j’ai eu fini, je me suis rendu compte que je n’y comprenais rien. J’ai jeté mon crayon par terre.
Mère Gota est arrivée. Elle apportait une théière. Elle m’a servi d’abord, puis Doj et Thai Dei. La mort de Sahra l’avait profondément affectée. Pour l’instant, sa hargne habituelle l’avait désertée. Elle agissait comme un automate.
Cela durait depuis des jours.
« Quel est le problème ? a demandé oncle Doj.
— Tout est creux. La mémoire ne me fait pas défaut, mais je ne trouve pas d’indice menant à une explication.
— Alors tu dois te détendre. Arrête de lutter contre toi-même. Thai Dei. Va chercher les épées d’exercice. »
J’aurais voulu hurler que ce n’était pas le moment. Mais c’était sa réponse contre tout stress. Se mettre à l’épée. Répéter les mouvements rituels. Enchaîner les esquives. Le faire bien requérait une concentration totale. Et ça marchait toujours, quels que soient mes doutes préalables.
Même Gota s’est jointe à nous, quand bien même était-elle moins adepte que moi.