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Un long laps de temps s’est écoulé dans une obscurité sans rêve. Une période sans « je ». Une période ni tiède ni froide. Une période sans joie, ni peur ni souffrance, d’où nulle âme torturée ne voulait s’échapper. Mais une aiguille a troué cette enveloppe. Un infime rai de lumière s’est insinué qui est tombé sur un œil imaginaire.

Mouvement.

Une ruée vers un point qui a enflé et s’est transformé en un passage vers un monde de temps, de matière et de souffrance.

Je savais qui j’étais. Je titubais sous le poids écrasant d’une hotte de souvenirs congrus, qui tous émergeaient simultanément.

Une voix me parlait, mais je ne la comprenais pas. Je flottais comme un fil de la Vierge dans des grottes dorées, entre des vieillards assis de part et d’autre du chemin, pétrifiés par le temps, immortels mais incapables de remuer une paupière. Des fous, tous. Certains étaient couverts de voiles de givre féeriques, comme si au cours de milliers d’hivers successifs des araignées les avaient drapés de minces filaments d’eau gelée. Au-dessus, une forêt enchanteresse de stalactites ornait le plafond.

Étant donné qu’il se trouvait des souvenirs de souvenirs Parmi ces souvenirs, j’éprouvais la sensation d’avoir lu quelque chose dans un livre qui me semblait n’avoir pas encore été écrit.

« Viens ! »

L’appel a retenti avec la puissance d’un coup de tonnerre.

L’obscurité est venue. Je me suis éloigné en trébuchant, j’ai cessé d’être « je ». Et pourtant, avant de quitter cette caverne, j’ai senti une présence sursauter, s’éveiller et s’efforcer d’attirer mon attention.

D’une façon ou d’une autre, je m’étais aventuré en un lieu d’où il était malvenu que les mortels de passage ressortent.

Les souvenirs se sont envolés. Mais la souffrance m’a accompagné au cours du voyage.