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Jeudi 25 mars 2010, 9 h 12, Le Raincy

À l’abri dans le monospace du RAID, Cécile Sanchez garde les yeux rivés sur les écrans de contrôle. Elle regarde Ange-Marie et ses hommes s’approcher de la porte, attendre le signal du technicien qui vérifie l’entrée. Elle peut voir, sur l’un des petits moniteurs, les images de l’intérieur de la maison.

Pas une silhouette en vue.

Compulsivement, elle se ronge les ongles jusqu’au sang.

« Ne vous inquiétez pas, commissaire ! lui dit le commandant Brehel. Les cibles sont rassemblées dans la salle de séjour, tout est sous contrôle.

— C’est si évident que je stresse ? » demande-t-elle avec un sourire crispé.

L’homme prend place sur le siège à côté d’elle et manipule le système informatique. L’une des images latérales de l’écran principal vient prendre la place centrale. Gros plan sur la fenêtre du salon : un homme et une femme sont installés dans des fauteuils, face à Umar Al-Kadir, qui est à demi-allongé sur le canapé. Cécile en a le souffle coupé : son tueur est peut-être là, sous ses yeux. Même si elle l’a déjà vu en photo, cette image lui donne le vertige.

« Comme vous le voyez, explique Brehel, les objectifs sont à l’autre bout de la maison : l’entrée ne sera pas un problème.

— Et de quelle caméra provient cette image ? »

Le commandant lui sourit froidement, croise les bras sur la poitrine – le droit par-dessus, ce qui indique une personnalité offensive – et lui répond avec une pointe d’ironie déplacée.

« De la caméra intégrée à la lunette de l’un de mes tireurs d’élite. Ça explique le point central. »

En effet, la commissaire remarque un point au milieu de l’écran, qu’elle avait pris pour un défaut ou un parasite de la télétransmission. Mais, à présent, elle distingue nettement ce repère fixé sur le front d’Al-Kadir.

« Un mot de ma part et la tête de cette ordure explose, ajoute Brehel. C’est un fusil britannique, un Accuracy AWP, de calibre.338 Lapua Magnum. Avec un outil de ce type, c’est un jeu d’enfant de tirer un rat à un demi-kilomètre. Le lieutenant Roberti est à moins de cent mètres. »

L’attitude du commandant commence à exaspérer Cécile, et elle se détourne pour éviter le regard noir et les traits taillés à la serpe de cet homme qui a l’air d’un militaire plus que d’un flic.

Elle observe les policiers en uniforme qui s’approchent discrètement des habitations voisines pour lancer l’opération d’évacuation. Sur le trottoir, devant la maison, les hommes du RAID, tout en noir et armés de fusils d’assaut, restent immobiles, prêts à intervenir en renfort si nécessaire. Vedat Ciplak, le jeune stagiaire, se tient dans l’enceinte, prêt à couvrir toute sortie.

Lorsque les lieutenants Lorca et Parrot, du binôme effraction, reçoivent le signal du technicien qui se recule déjà, la porte explose et les hommes de la SDAT se ruent à l’intérieur.

Sur l’écran, l’image retransmise par la lunette de tir du lieutenant Roberti montre la réaction des occupants de la maison. Umar Al-Kadir sort un pistolet automatique de sous un coussin, Sameya Shatrit bondit de son fauteuil une arme à la main, elle aussi. Tarek Mehsud, quant à lui, se précipite vers l’armoire derrière lui et attrape un AK47 qu’il épaule aussitôt, le canon dirigé vers la porte.

L’Imam et Shatrit viennent de renverser les épais fauteuils de cuir et de se placer à l’abri derrière, armes tendues à bout de bras, dans la même direction.

Le cœur de Cécile s’emballe. Visiblement, les suspects ne comptent pas se rendre. Ils sont décidés à cracher les feux de l’enfer sur l’équipe d’Ange-Marie Barthélémy. Sur leurs visages se lit une détermination inquiétante.

Sa respiration se suspend.

Il ne faut pas qu’il meure ! implore-t-elle en silence, les doigts croisés. Soyez précis et efficaces… J’ai besoin d’Umar Al-Kadir vivant. Au moins lui ! Il n’y a que lui qui puisse répondre à toutes ces questions.

Le commandant attrape la radio et donne un ordre simple :

« T2 : préparez-vous à traiter Mehsud. » Puis, à l’ensemble du dispositif : « PS à D1 : vous êtes attendus avec un fusil d’assaut kalachnikov et deux armes de poing. »

C’est alors que la fréquence-radio interne du RAID relaie la voix du commandant Rodier. Cécile y détecte de la panique :

« SAD2 à SAD1 : un coup de feu vient de retentir à l’intérieur de l’entrepôt !

— Vous ne bougez pas ! répond Brehel d’un ton froid et neutre. Attendez la sortie des véhicules, comme prévu.

— Mais les hommes de la SDAT sont déjà partis… sans ordre d’intervention !

— Et merde ! »

Le commandant abaisse l’émetteur et réfléchit quelques secondes avant d’ajouter :

« Alors vous les couvrez ! »

Le festin du serpent
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