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Vendredi 19 février 2010, 16 h 50, Nanterre
« Alors ? demande le commandant Tresch. C’est bien eux ? »
Le second du commissaire Barthélémy ne laisse même pas le temps à son chef de groupe d’arriver que déjà il lui assène une question. Ange-Marie soupire, pend son manteau et vient s’affaler dans le fauteuil qui est le sien, derrière son bureau recouvert de chemises cartonnées portant toutes le nom « An-Naziate » inscrit en gros, au marqueur noir, au-dessus du nom d’une ville d’Europe.
Christian Tresch trépigne d’impatience. C’est un grand homme encore ferme et musclé bien qu’il frise la soixantaine. Il lisse sa moustache grise en attendant la réponse.
« C’est bien eux, oui ! confirme l’Archange. Enfin, j’en suis certain à quatre-vingt-dix pour cent. Ça sent leurs méthodes à plein nez. Du travail propre, rapide, expéditif. Et les cibles étaient toutes juives.
— Et Hassan n’a pas pu te prévenir qu’ils allaient débarquer ici, chez nous, à Paris ?
— Non.
— C’est quand même dingue ! Il aurait au moins pu s’arranger pour t’informer en arrivant.
— Hassan fait ce qu’il peut, Christian. Ces tarés sont méfiants. Il n’a pas l’ancienneté requise pour disposer de toute leur confiance. On lui dit certainement le minimum… »
Le commandant acquiesce, à demi convaincu. Ses traits se crispent et, en même temps, il semble soulagé d’avoir localisé le groupe terroriste qu’ils pourchassent depuis bientôt sept ans.
Alors que le commissaire s’adosse un instant pour évacuer les images de ces neuf cadavres, il remarque qu’un post-it a été collé sur l’écran de son ordinateur. Il se penche en avant et le saisit pour en lire le contenu. Il reconnaît immédiatement l’écriture du lieutenant Abdelatif Hamal, un de ses meilleurs hommes.
Ange-Marie,
Guilleret veut te voir à son bureau à 17 h 30 précises. Il avait sa voix des mauvais jours.
Bonne chance…
Abdel
Mauvaise nouvelle. Quand le directeur adjoint du renseignement intérieur vous convoque dans son bureau après un attentat, c’est rarement pour des félicitations.
« Et tu comptes faire comment ? demande Tresch. Comment crois-tu qu’on devrait procéder ? Chercher des Arabes en région parisienne, c’est comme trouver un Chinois caché dans un cageot de poussins…
— Je ne sais encore pas, Christian, répond-il froidement, agacé par la remarque raciste. J’ai envoyé un mail à Hassan, en espérant qu’il l’aura aujourd’hui, mais rien de moins sûr. Et puis, avant ça, j’ai rendez-vous avec Guilleret.
— Quand ?
— Dans dix minutes.
— Merde…
— … »
Sur ce, il se lève, range son arme dans un tiroir qu’il ferme à clé après avoir pris soin d’éjecter le chargeur, et sort de la pièce sous le regard inquiet de son second.
Il se dirige vers les ascenseurs, se préparant mentalement à une confrontation des plus désagréables avec le commissaire divisionnaire Stéphane Guilleret, de la Direction centrale du renseignement intérieur.