2
Samedi 20 mars 2010, 23 h 59, Montfermeil
Sans se préoccuper des limitations de vitesse, Ange-Marie pousse la 607 au maximum, en pleine agglomération, direction la cité des Bosquets et la planque que son groupe occupe depuis plusieurs semaines. Sitôt arrivé chez lui, après son tour de garde avec Vedat Ciplak, un coup de téléphone de Laura Kieffer l’a forcé à faire demi-tour.
D’après son lieutenant, un coup de téléphone entrant sur le mobile de Tarek a mis la cellule d’An-Naziate en ébullition. Laura a pu comprendre l’essentiel de la conversation en écoutant simultanément ce que retransmettaient le micro placé par Hassan dans l’appartement de Montfermeil et celui caché par Jalil Belloumi dans la maison du Raincy. Elle ne s’est pas éternisée sur les détails, mais a expliqué à Ange-Marie que le Palestinien devait sortir avec Slimane pour aller chercher du matériel. Pendant ce temps, Hassan devait rester à la planque.
Quand le commissaire arrive enfin au « pigeonnier », Sébastien Mougin et la jeune femme sont prêts à décoller pour lancer une filature avec le groupe Faivreau. Vedat a dû être rappelé en renfort, lui aussi. Depuis la conversation captée le matin même entre Sameya Shatrit et Umar Al-Kadir, tout le monde est sur le pont, prêt à passer à l’action à tout instant. Selon les mots du chef d’An-Naziate, les terroristes ont prévu de frapper fort et de faire couler un « bain de sang de sionistes ». Menace on ne peut plus explicite.
Malgré tout, l’Archange n’imaginait pas que ça irait aussi vite.
« Ils doivent partir quand ? » demande-t-il.
Sébastien passe son gilet en kevlar sur un t-shirt noir orné d’une lame de rasoir et d’un globe terrestre, portant l’inscription « Save the planet, kill yourself ». Il fixe les scratchs latéraux avant de répondre.
« Ils ont rendez-vous cité du Chêne, à Clichy-sous-Bois, dans la planque d’une autre cellule d’An-Naziate gérée par un certain Saïd.
— Saïd Maruf ?
— J’imagine, oui, répond Laura qui vérifie son arme. Ça ne peut pas être une coïncidence, selon moi. On commence par y voir plus clair.
— En effet », souffle Ange-Marie, pensif, qui commence à rassembler les pièces du puzzle.
Lors des différentes enquêtes menées hors des frontières, le nom de Saïd Maruf est apparu en tête de liste parmi les individus suspectés d’être des membres d’An-Naziate. Selon Interpol, il s’agit d’un islamiste surveillé de près depuis plus de dix ans à cause de ses propos antisionistes. Des indicateurs ont rapporté qu’il avait pour habitude de tenir publiquement des discours radicaux dans les mosquées qu’il fréquentait. De plus, nombre de ses déplacements et séjours connus dans divers pays d’Europe correspondent au parcours d’An-Naziate.
« Vous pouvez y aller avec eux, commissaire, propose Vedat. Je vais tenir la planque tout seul quelques heures. Il n’y aura qu’Hassan, alors…
— C’est gentil de me le proposer, mais je vais rester ici. J’ai une idée en tête. »
Trois paires d’yeux interrogateurs se posent sur lui quelques secondes, mais le commissaire ne dira rien de plus. Il s’installe à la table pliante qui tient lieu de bureau et se plonge dans la procédure.
« T’es prête ? demande Sébastien à Laura. J’aimerais bien qu’on puisse déplacer la caisse pour être dans le sens du départ.
— Oui ! répond-elle en prenant le deuxième appareil photo. On peut décoller. Abdelatif nous rejoint en route. J’ai préféré ne pas déranger le commandant Tresch… On sera suffisamment nombreux. »
Alors qu’ils se dirigent vers la porte, Ange-Marie les interpelle :
« Indiquez votre position régulièrement et signalez quand ils reviennent. J’ai besoin de les savoir loin de leur tanière pendant que je règle un détail ici. »