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Jeudi 4 mars 2010, 8 h 01, Nanterre
Les bureaux de l’OCRVP sont encore calmes, quasi déserts, lorsque Cécile arrive, un sachet de croissants chauds à la main. Elle se dirige vers les bureaux de sa section qu’elle n’a pas beaucoup fréquentée ces temps-ci, trop enlisée dans son enquête.
À suivre les sillons du Serpent.
Pour la section spéciale dont elle a la charge, le service commence dans une heure ; les bureaux sont donc théoriquement vides. Mais elle sait que son second, le commandant Cohen, est peut-être déjà là, ou qu’il ne devrait pas tarder. Il lui a téléphoné la veille chez elle, pour lui demander d’arriver un peu plus tôt. Il n’a pas voulu expliquer la raison de cette entrevue en tête à tête, mais sa voix trahissait une certaine nervosité.
Dans la salle principale, il est déjà assis à son poste. Trois gobelets de café vides sont emboîtés à côté du clavier, un quatrième dans sa main.
« Visiblement, tu m’attends depuis un moment, fait-elle remarquer. Tu as passé la nuit ici ? »
David Cohen se fend d’un sourire inexpressif, artificiel. Sa main droite fait un rapide aller-retour sur sa nuque, indiquant à Cécile qu’il est mal à l’aise. Il se penche en avant, la fixe un moment en silence, puis finit par répondre :
« J’ai mal dormi… Pour tout te dire, c’est pas la grande forme en ce moment.
— Dis-moi tout…
— Je suis désolé de t’ennuyer avec ça alors que tu as du boulot par-dessus la tête. Vraiment désolé ! Mais… »
Il s’interrompt, cherchant ses mots. Mais ceux-ci semblent rester bloqués au fond de sa gorge nouée.
Inquiète, Cécile l’encourage à parler.
« Tu n’as pas à t’excuser, David ! S’il y a un problème, je dois le savoir. C’est en rapport avec les suites de l’affaire Augier ? Ses disciples ?
— Non… Ça, c’est bon. Ça suit son cours, et finalement on arrive à gérer sans toi.
— Alors ? insiste-t-elle. De quoi s’agit-il ? Tu sais que tu peux me faire confiance.
— Je sais, oui… »
Elle lui tend le sachet de croissants mais il refuse poliment, sans doute trop retourné pour pouvoir avaler quoi que ce soit de solide. Il termine son café et inspire un grand coup avant de se lancer.
« C’est les évaluations. On va arriver à la date butoir le 15… et c’est dans à peine plus de dix jours.
— Ah oui, souffle la commissaire en regardant le calendrier. En effet… J’oublie tout le temps, même les années calmes… Alors, avec l’affaire Augier, ça m’est passé au-dessus de la tête. Mais Vallon aurait dû me le rappeler !
— C’est bien ça, le problème. Il ne veut pas que tu sois interrompue dans tes recherches. Il m’a convoqué avant-hier et m’a demandé de m’en charger. »
Visiblement soulagé d’avoir pu vider son sac et mettre des mots sur son mal-être, Cohen s’adosse enfin à son siège et développe :
« En temps normal, j’aurais fait ces évaluations sans discuter, et même avec plaisir. Mais là, la simple idée que le traître qui a bavé à la presse me passe sous le nez, que je puisse lui octroyer une bonne note et une appréciation correcte… C’est intolérable !
— Je comprends, répond simplement Cécile. C’est en effet à moi de régler ça. Deux problèmes en un. Tu as bien fait de m’en parler, David. Je vais en profiter pour prendre un peu de recul sur ce dossier. Ça me fera le plus grand bien. »
Elle marque un silence pensif avant de conclure :
« Et puis, il est temps de démasquer le mouchard. Je vais aller m’installer dans mon bureau avant que les autres arrivent. Je te ferai une liste de l’ordre dans lequel je désire vous recevoir. C’est toi qui passeras le premier. »