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Mercredi 17 mars 2010, 7 h 29, Paris 4e

Cécile se détend sous une douche bien chaude quand son téléphone portable sonne. Elle peste et décide de ne pas répondre, pensant qu’on lui laissera un message. Qui que ce soit, et quel que soit le motif de cet appel, cela peut bien attendre dix minutes. La caresse vive et brûlante de l’eau sur sa peau la fait soupirer de plaisir.

Mais la sonnerie du BlackBerry retentit de nouveau.

La troisième fois, elle commence à s’inquiéter. Un tel acharnement implique sans doute une urgence.

Elle pense à sa mère, à son frère, à l’Office, à Interpol : autant de possibilités qui l’obligent à s’arracher à ce plaisir matinal. Elle sort de la cabine et se sèche rapidement. Lorsque la mélodie de « Perfect », de Princess Superstar, résonne pour la quatrième fois, elle se prépare mentalement à l’annonce d’une mauvaise nouvelle. C’est seulement au cinquième appel – numéro inconnu –qu’elle parvient à répondre. Une inquiétude profonde perce dans sa voix.

« Allô !

— Commissaire Sanchez ?

— Oui, c’est moi… Qu’est-ce qui se passe ? Qui êtes-vous ?

— Commissaire Ange-Marie Barthélémy, de la Sous-direction antiterroriste. J’ai besoin de vous voir de toute urgence. »

La voix est aussi froide qu’elle est grave. Néanmoins, Cécile est soulagée et expire profondément avant de demander :

« Pour quelle raison ?

— Pas au téléphone. Passez à mon bureau le plus vite possible, c’est à Levallois-Perret, au…

— Je sais où se trouvent vos locaux. Je serai là dans moins d’une heure.

— Mettez le gyrophare et arrivez plus vite. C’est extrêmement urgent !

— Bien… Je pars immédiatement. »

Une fois la communication coupée, Cécile reste un moment immobile, nue au milieu de son séjour. Que peut bien lui vouloir l’anti-terrorisme et qu’est-ce qui justifie une telle urgence ?

Pendant quelques secondes, l’idée qu’il s’agisse d’une affaire concernant son frère Fabien, ou un membre de sa famille lié aux organisations nationalistes basques, lui traverse l’esprit. Mais, à sa connaissance, leur implication se cantonne aux branches politiques : KAS, Herri Batasuna, Euskal Herritarrok… tout ce qui compose le Mouvement de libération nationale basque. La question avait été soulevée lors d’une réunion familiale, quand Cécile, une fois officiellement promue parmi les cadres de la police judiciaire, leur avait fait comprendre qu’elle ne pourrait tolérer d’écarts terroristes parmi sa famille proche. Chacun lui avait promis de demeurer dans une démarche politique, mais, et Cécile en est bien consciente, il est probable que certains, son frère en tête de liste, ont trahi cet engagement en rejoignant l’ETA, voire un groupuscule encore plus radical.

Elle se persuade de l’intégrité des Sanchez, des Guerra, des Manterola – du moins ceux qui sont proches d’elle dans la généalogie et par le sang. D’autant qu’elle n’a vraiment pas besoin qu’une chose pareille lui tombe dessus ces temps-ci ! Elle a bien assez à faire avec la traque du Serpent sans que des problèmes de ce genre viennent lui compliquer la vie.

Ce doit être autre chose, se dit-elle.

Elle passe un shorty et un soutien-gorge et enfile un t-shirt à manches longues.

Mais alors, pour quelle raison la SDAT exige-t-elle ma présence ? On n’attire pas l’attention de ce genre de service pour rien.

Elle choisit un pantalon taille basse et un pull en laine de teinte assortie, ainsi qu’une paire de Kickers en cuir mat et son blouson court en cuir d’agneau. En moins de cinq minutes, elle est habillée et descend l’escalier pour rejoindre sa voiture, les cheveux encore humides, des questions en cascade plein la tête.

*

À son arrivée dans la forteresse du 84, rue de Villiers, Cécile Sanchez passe deux portiques de sécurité, doit présenter trois fois sa carte de réquisition et patienter le temps qu’on vérifie son identité avant de pouvoir pénétrer dans les lieux. Son arme de service est mise en consigne, ainsi que ses clés et son stylo Montblanc noir et chrome, pour des raisons qui lui échappent.

Ils s’imaginent que je vais attaquer quelqu’un avec ça ?

Sitôt qu’elle est sortie de cette spirale, un homme en costume gris, proche de la quarantaine, grand et taillé comme une armoire, se dirige droit vers elle d’un pas régulier, sans cesser de la fixer. Il porte un bouc tondu de manière homogène, aussi ras que ses cheveux noirs. Quelque chose de glacial se dégage de lui, et son regard bleu clair, presque gris, la saisit.

« Je suis le commissaire Barthélémy, se présente-t-il en lui serrant la main. C’est moi qui vous ai téléphoné.

— Comment savez-vous qui je suis ? lui demande-t-elle avec sérieux. Je ne porte pas de badge.

— Qui ne connaît pas Torquemada ! rétorque-t-il avec un sourire inexpressif. Vous êtes une légende.

— Je déteste ce surnom.

— Le mien me déplaît beaucoup aussi.

— Et c’est quoi ?

— L’Archange…

— Bien, alors passons un marché : vous ne m’appelez plus Torquemada et j’oublie l’Archange », dit-elle sur le ton de la plaisanterie.

Il acquiesce et lui désigne de la main le fond du couloir. Mais Cécile ne bouge pas. Elle fronce les sourcils, le regarde droit dans les yeux avec insistance et demande :

« Vous pourriez m’expliquer ce que je fais ici ?

— Suivez-moi ! lui enjoint-il en ouvrant la marche. Nous sommes attendus dans le bureau du directeur de mon service.

— Antoine Regnault ? s’étonne-t-elle. C’est sérieux à ce point ?

— Oui.

— Vous ne pourriez pas m’expliquer au moins les grandes lignes ? Je n’aime pas les devinettes. »

Lorsque les portes de l’ascenseur s’ouvrent, Ange-Marie laisse passer la jeune femme et ne lui répond qu’une fois arrivé à l’étage de la SDAT.

« C’est trop compliqué… C’est incompréhensible. Il m’a fallu une demi-heure pour digérer l’information. Mais cela concerne votre enquête.

— Mais… comment savez-vous sur quoi je travaille ? L’instruction vient à peine de débuter et la presse n’en a pas encore eu vent.

— Je le sais parce que ça concerne aussi ma propre enquête.

— C’est impossible ! Je suis de I’OCRVP

— Je sais ! Je vous l’ai dit, c’est incompréhensible. »

Au fond du couloir, Barthélémy s’arrête devant une porte, toque deux coups, l’ouvre et invite Cécile à entrer.

Antoine Regnault se tient debout devant la fenêtre et se retourne à l’arrivée des deux commissaires. Ses cheveux dégarnis, son front haut donnent force et profondeur à son regard souligné de cernes et marqué de rides. Costume noir, chemise blanche sans cravate, c’est un homme musclé, bien conservé pour sa soixantaine.

À Nanterre, il est surnommé le Barbare, le Bourreau, ou encore l’Oberstleutnant. Il a fait l’objet de nombreuses critiques concernant ses méthodes d’enquête et d’interrogatoire, et l’IGS – la police des polices – veut sa peau depuis des années. Mais il dispose de toute la confiance et de la protection du ministère depuis ses nombreux succès sur des dossiers difficiles. Il est devenu intouchable.

« Asseyez-vous ! dit-il en leur désignant les sièges. Merci d’avoir fait aussi vite, commissaire Sanchez.

— J’ai bien compris le caractère urgent de cette convocation, monsieur, répond-elle. Mais j’aimerais qu’on m’explique.

— Bien entendu. »

Regnault sort de son tiroir une copie complète du dossier de l’Éventreur, ainsi qu’un second, bien plus volumineux, sur lequel il est inscrit « An-Naziate ».

« C’est le titre d’une sourate du Coran, ne peut s’empêcher de relever Cécile.

— En effet… La 79e sourate.

— Les Anges qui arrachent les âmes, traduit-elle.

— Vous êtes de confession musulmane ? interroge Barthélémy.

— Absolument pas. Je viens d’un milieu catholique, mais mes parents n’ont jamais été très portés sur la religion. Je ne suis chrétienne que culturellement.

— Vous semblez pourtant connaître suffisamment bien le Coran pour savoir ce que signifie “ An-Naziate ”, insiste le directeur de la SDAT. Ce qui est assez remarquable.

— Je l’ai lu. Rassurez-moi, ce n’est pas un crime ? »

Regnault part d’un petit ricanement.

« Bien sûr que non. La culture n’est pas un crime. Et nous ne luttons pas contre l’islam, mais contre le terrorisme.

— Pourrais-je savoir ce que je fais ici, s’il vous plaît ? interroge-t-elle gravement. Par la même occasion, j’aimerais savoir ce que mon dossier fait sur votre bureau.

— C’est justement là le problème. Tout ceci est très flou. Mais nous comptons sur vous pour nous éclairer.

— Et comment ? »

Regnault ouvre le dossier An-Naziate, inspire un grand coup, et reprend :

« Tout d’abord, il faut savoir que ce que je vais vous dire est soumis au secret d’État. Rien de ce que je m’apprête à vous révéler ne doit transpirer de ces murs.

— Je connais les directives du ministère en matière de terrorisme, réplique Cécile. Vous pouvez compter sur ma discrétion.

— Bien. Le groupe du commissaire Barthélémy est affecté à la lutte contre une organisation terroriste islamiste et antisioniste radicale, nommée An-Naziate. Ce groupuscule, originaire de Palestine, sévit en Europe depuis 2003. Il s’agit de nomades particulièrement discrets et prudents, compétents et déterminés. Leurs actions sont spectaculaires et meurtrières. Ils se déplacent constamment, ne restent jamais plus de six mois au même endroit, ce qui les rend difficiles à approcher. On ne connaît presque rien d’eux, sinon leur parcours sanglant à travers le continent.

— En quoi pourrais-je vous être utile ?

— Vous allez comprendre. »

Il tourne l’écran de son ordinateur vers elle. Une carte de l’Europe tapisse l’écran. Regnault appuie sur une touche et un point rouge apparaît sur la ville de Glasgow.

« En 2003, ils étaient en Écosse. C’est à ce moment-là, à la suite d’un attentat audacieux, qu’ils se sont fait connaître par une revendication. Cette dernière a été étouffée par les médias britanniques, mais diffusée par Al-Jazeera. »

Nouvelle touche, nouveau point.

« Après cela, on les perd de vue jusqu’au début 2004, date à laquelle ils se déplacent dans la région de Londres, avec un passage à Manchester. »

Cécile fronce les sourcils. Lorsque le doigt du divisionnaire se met à marteler régulièrement la touche et que les repères apparaissent l’un après l’autre, elle commence à comprendre.

« Fin 2004, ils sont à Lille. En 2005, on les repère à Bruges puis à Bruxelles. Après une perte de contact de près de six mois, on les retrouve à Amsterdam, en 2006. Diisseldorf pour finir l’année, puis Berlin et Prague en 2007. Vienne et la Suisse, Lausanne et Genève, en 2008. Lyon en 2009 et arrivée à Paris il y a quelques mois, révélée par une tragédie récente. »

Un ange passe.

Cécile fixe l’écran sans qu’aucune explication logique lui vienne à l’esprit.

« Il y a trop de points communs pour qu’il s’agisse d’une coïncidence, finit-elle par dire. Le parcours de mon tueur est presque le même que celui de vos islamistes…

— Il est même possible qu’en mettant nos données en commun, on parvienne à boucher certains trous dans les deux dossiers.

— En effet, confirme-t-elle. Il se pourrait que ça explique certaines périodes d’inactivité de l’Éventreur. Sans doute des meurtres qui sont passés inaperçus aux yeux d’Interpol. Je pense à la Belgique, Prague, Vienne, l’Allemagne et la Suisse. »

Elle laisse tomber un silence, puis lâche un soupir suivi d’un juron :

« Merde !

— Je ne vous le fais pas dire. Vous pourriez retrouver quelques cadavres dans des placards lors de vos recherches avec l’aide de Lopez, votre contact Interpol. »

Cécile pince les lèvres en constatant à quel point la SDAT est informée sur son dossier. Cette intrusion a quelque chose d’extrêmement dérangeant et vexant.

« Et pour nous, poursuit-il, le bénéfice n’est pas négligeable : ça nous fait ajouter Manchester, Rotterdam et Munich à leur périple. J’ai noté que votre tueur y avait sévi. En intégrant ces villes dans notre liste, cela donne un parcours géographiquement cohérent. Les dates concordent avec le rythme de déplacement auquel ils nous ont habitués.

— Mais comment avez-vous eu mon dossier ? insiste Cécile. Je commence à peine à travailler dessus !

— Grâce à la chance, répond Regnault. Et surtout avec l’aide de la DCRI. »

L’homme lui explique dans les grandes lignes le fonctionnement du groupe de recherche et de surveillance affecté aux services et celui du système informatique de portée nationale à l’origine du croisement des données. La commissaire l’écoute avec attention, la bouche entrouverte et les yeux fixes.

Lorsqu’il se tait, la jeune femme plonge dans une sorte d’état second. Elle semble si absorbée dans ses pensées que les deux hommes de la SDAT n’osent pas l’interpeller. Il se passe une longue minute avant que ses yeux brillent à nouveau de curiosité, illuminés par toutes les interrogations qui s’imposent à elle.

« Mais quelle est l’explication ? pense Cécile à haute voix. Un membre d’An-Naziate serait l’Éventreur ? Ça ne colle pas ! Je vois mal un islamiste s’adonner à des crimes aussi immoraux. De leur point de vue, je veux dire, c’est tout simplement impensable. Poser des bombes, assassiner… ça oui ! Mais tuer de bonnes musulmanes avec une telle férocité, un tel acharnement… ce serait paradoxal.

— Mais alors, quoi ? »

Ignorant la question de Barthélémy, la commissaire poursuit ses réflexions.

« Un individu xénophobe qui tue des femmes musulmanes en représailles des actions terroristes ? Non, ça ne tient pas non plus. Des meurtres ont été commis dans des villes où il n’y a pas eu d’attentat. Et les revendications ne sont que très rarement révélées par la presse. Il faudrait qu’il soit au courant. »

Elle se lève et fait les cent pas.

« Un membre des forces de l’ordre qui travaille sur cette affaire ? continue-t-elle. Ce serait possible si ça n’avait commencé aussi tôt. Mais là, on a déjà des cadavres au Royaume-Uni. »

Elle se rassoit, fixe la carte en secouant la tête.

« C’est complètement illogique, conclut-elle. Il y a forcément un rapport, mais c’est plus complexe que ça.

— Il faut trouver lequel ! exige Regnault. Ça pourrait donner un coup de pouce aux deux affaires.

— Où en êtes-vous dans votre enquête ? demande Barthélémy. Vous avez du concret ?

— Mis à part de l’ADN qui est sorti sous X et qui pourrait appartenir à n’importe qui, je n’ai pas d’éléments physiques. J’ai tout de même une bonne vision globale et un profil relativement précis. Mais j’imagine que vous l’avez lu dans mon dossier… »

Les deux hommes acquiescent en silence.

« Ma section est sur le pont depuis le début de semaine, explique-t-elle. Ils vérifient les placements en GAV liés à des petites affaires de stupéfiants ou de violence qui pourraient correspondre au comportement de l’Éventreur. Dans la mesure du possible, ils s’arrangent pour obtenir des prélèvements salivaires quand un individu est suffisamment proche du profil. Du travail de fourmi pour l’instant.

— Je vais confronter ces données avec les membres d’An-Naziate, propose l’Archange. Même si, comme vous l’avez souligné, il y a peu de chances que votre tueur soit l’un d’entre eux, je ne veux rien négliger. »

Antoine Regnault fixe l’écran de l’ordinateur, les sourcils froncés. Cette découverte est un casse-tête qui soulève plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Néanmoins, il espère que des éléments solides se dégageront finalement de tout ça ; les points communs entre le parcours du groupuscule antisioniste et celui du tueur ne laissent aucune place au doute. Tout est lié.

« Je pense qu’il faut explorer cette piste à fond, déclare-t-il. On finira bien par voir émerger quelque chose.

— Cela ne fait aucun doute ! confirme Cécile en fixant le commissaire Barthélémy. C’est pour cette raison qu’il va falloir qu’on travaille ensemble, en parfaite transparence. »

Le festin du serpent
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