38.
Semblable à une fleur cherchant le soleil, la coupole en forme de toit de chaume du temple de Kâlî émerge au-dessus de l'imbroglio des ruelles, des maisons bourgeoises, des taudis, des boutiques et des gîtes de pèlerins. Ce haut lieu de l'hindouisme militant, construit près d'un ancien bras du Gange au bord duquel on brûle les morts, est le sanctuaire le plus fréquenté de Calcutta. Jour et nuit, une foule de fidèles grouille à l'intérieur et autour de ses murs gris. Familles de riches, les bras chargés d'offrandes de fruits et de victuailles enveloppés de papier doré ; pénitents vêtus de coton blanc conduisant des chèvres au sacrifice ; yogis en robe safran aux cheveux relevés et noués sur le haut de la tête, le signe de leur secte peint en vermillon sur le front ; troubadours chantant des cantiques plaintifs comme des soupirs ; musiciens, mendiants, marchands, touristes, la multitude disparate se mélange dans une ambiance de kermesse.
C'est aussi l'un des endroits les plus congestionnés de cette ville surpeuplée. Des centaines de boutiques entourent le temple d'une ceinture d'étalages multicolores. On y vend de tout : des fruits, des fleurs, des poudres, des bijoux de pacotille, des parfums, des objets de piété, des ustensiles en cuivre doré, des jouets et même du poisson frais et des oiseaux en cage. Au-dessus de cette fourmilière planent la brume bleutée des bûchers et leurs odeurs d'encens et de chair brûlée mêlées. De nombreux cortèges funéraires se fraient un chemin au milieu du flot des fidèles, des vaches, des chiens, des enfants qui jouent dans la rue. Au temple de Kâlî, la vie la plus trépidante côtoie la mort.
En contrebas de l'édifice s'élève une longue construction basse aux fenêtres obstruées de dentelles de plâtre. La porte dans l'imposant porche sculpté est toujours ouverte.
N'importe qui peut entrer à toute heure. Un panneau de bois annonce en anglais et en bengali : « municipalité de Calcutta — NIRMAL HRIDAY— "la maison du cœur pur" —
hospice pour les agonisants abandonnés. »
C'était là. Paul Lambert gravit les quelques marches et pénétra à l'intérieur du bâtiment.
Une odeur indéfinissable que les désinfectants ne pouvaient plus vaincre régnait dans la pénombre d'une grande salle tout en longueur, avec une large banquette en ciment de chaque côté. Il discerna trois rangées de lits de camp presque accolés les uns aux autres et recouverts de minces matelas verts. Chacun était identifié par un numéro. Des silhouettes se déplaçaient en silence entre les rangs. Sur les lits, des hommes décharnés étaient allongés dans toutes les attitudes de l'agonie. Dans une deuxième salle, des rangées de lits semblables accueillaient les femmes. Ce qui frappa immédiatement Lambert, c'était la sérénité du lieu. L'horreur en était absente. Les malheureux rassemblés ici n'étaient plus tourmentés par l'angoisse, la solitude, la déchéance, l'abandon. Ils avaient trouvé la tendresse et la paix.
Cette paix, les cent dix pensionnaires de la Maison du cœur pur la devaient à l'infatigable petite femme en sari de coton blanc bordé d'un liséré bleu que Paul Lambert aperçut au bout de la salle, penchée sur un homme qui agonisait. L'Inde et le monde entier commençaient à connaître le nom de cette sainte qui révolutionnait depuis quelques années la pratique de la charité. Les journaux et les magazines avaient popularisé cette religieuse qui ramassait dans les rues de Calcutta les enfants abandonnés et les mourants sans famille. Son œuvre dépassait les frontières de l'Inde. Des États l'honoraient de leurs plus hautes distinctions. Elle s'appelait Mère Teresa. Elle avait cinquante-quatre ans quand Paul Lambert fît sa connaissance. Malgré sa robustesse, elle paraissait plus âgée. Son visage était déjà creusé de rides profondes et sa silhouette accusait les années de privations et de nuits sans sommeil.
Agnès Bojaxhiu était née à Skopje, en Yougoslavie, de parents albanais. Son père était un entrepreneur prospère. Très jeune, elle fut attirée par la vie des missionnaires en Inde. A dix-huit ans, prenant le nom de Teresa en souvenir de la petite fleur de Lisieux, elle était entrée dans l'ordre de Loreto et, le 20 janvier 1931, elle débarquait d'un vapeur sur un quai de Calcutta, alors la plus grande métropole de l'Empire après Londres. Pendant seize ans, elle enseigna la géographie aux filles des bourgeois bengalis dans l'un des couvents les plus prestigieux de Calcutta. Mais un jour de l'année 1946, au cours d'un voyage en chemin de fer vers la ville de Darjeeling sur les pentes de l'Himalaya, elle entendit un appel. Dieu lui demandait de quitter le confort de son couvent pour aller vivre parmi les plus pauvres des pauvres. Ayant obtenu la permission du pape, elle avait revêtu un humble sari de coton blanc pour fonder un nouvel ordre religieux dont la vocation serait de soulager les misères des plus abandonnés parmi les hommes. Un jour de 1950, était ainsi né l'ordre des Missionnaires de la Charité, une congrégation qui, trente-cinq ans plus tard, comptera deux cent quatre-vingt-cinq maisons et plusieurs centaines d'institutions charitables à travers l'Inde et tous les continents, y compris au-delà du rideau de fer. Le mouroir du Cœur pur où venait d'entrer Lambert était né d'une expérience particulièrement saisissante vécue un soir par Mère Teresa.
Juin 1952. Les cataractes de la mousson s'abattent sur Calcutta dans un bruit de fin du monde. Une forme blanche recroquevillée sous le déluge longe les murs du Médical Collège Hospital quand elle trébuche sur un corps. Elle s'arrête. C'est une vieille femme gisant sur le trottoir inondé. Elle respire à peine. Ses doigts de pieds ont été grignotés jusqu'à l'os par des rats. Mère Teresa la soulève dans ses bras et se hâte vers la porte de l'hôpital. Elle cherche l'entrée des urgences, pénètre dans un vestibule et dépose la moribonde sur une civière. Aussitôt le gardien intervient : « Remportez cette personne immédiatement ! Nous ne pouvons rien pour elle. »
Mère Teresa reprend la pauvre femme dans ses bras. Elle connaît un autre hôpital, pas très loin. Elle s'y dirige aussi vite qu'elle le peut tout en réconfortant sa protégée. Mais soudain elle perçoit un râle. Le corps s'est raidi entre ses bras. Elle comprend qu'il est trop tard.
Elle pose son fardeau, ferme les yeux de la pauvresse, fait le signe de la croix et prie près d'elle un instant. « Ici, les chiens sont mieux traités que les humains », constate-t-elle avec douleur en s'éloignant.
Le lendemain, elle court à la mairie, fait le siège des bureaux. L'obstination de cette religieuse européenne en sari de coton blanc étonne. Un des adjoints du maire la reçoit. «
C'est une honte que des habitants de cette ville soient contraints de mourir sur le trottoir, lui déclare-t-elle. Trouvez-moi un refuge où je pourrai aider les mourants à paraître devant Dieu dans la dignité et l'amour. »
Quelques jours plus tard, la municipalité met à sa disposition cet ancien foyer de pèlerins hindous contigu au grand temple de Kâlî. Mère Teresa exulte. Elle y voit le doigt de Dieu L'endroit est idéalement situé : c'est aux abords de ce saint lieu que la plupart des indigents se rassemblent pour mourir, avec l'espoir d'être incinérés sur les bûchers du temple.
L'intrusion des religieuses en sari blanc orné d'un crucifix dans ce quartier tout entier consacré au culte de Kâlî provoque d'abord la curiosité. Mais bientôt des hindous orthodoxes s'indignent. Le bruit court que Mère Teresa et ses sœurs sont là pour convertir les agonisants au christianisme. Des incidents éclatent. Un jour, une pluie de pierres et de briques s'abat sur l'ambulance qui apporte des moribonds ramassés dans la rue. Des sœurs sont insultées, menacées. Mère Teresa finit par se jeter à genoux devant les manifestants. «
Tuez-moi ! leur crie-t-elle en levant les bras en croix. Comme ça, j'irai plus vite au ciel ! »
Impressionnée, la populace se retire. Mais l'agitation continue. Des délégations du quartier se rendent à la mairie et au quartier général de la police pour réclamer l'expulsion de « la religieuse étrangère ». Le chef de la police promet de donner satisfaction mais, avant, il veut aller sur place enquêter lui-même. Il se rend au mouroir et trouve Mère Teresa au chevet d'un pauvre homme que l'on vient de ramasser. Il est prostré, dans un état de saleté indescriptible, squelettique, les jambes gonflées d'ulcères purulents. « Mon Dieu, comment fait-elle pour supporter cela ? » se demande le policier. Mère Teresa nettoie une à une les horribles plaies, applique des pansements antibiotiques, parle avec tendresse au malheureux et lui promet qu'il va aller mieux, qu'il n'a plus rien à craindre, qu'il est aimé.
Une étrange sérénité baigne son visage. Le chef de la police est bouleversé.
—Voulez-vous que je vous montre notre établissement ? lui propose-t-elle alors.
—Non, Mother, s'excuse-t-il, ce n'est pas la peine.
Quand il sort, de jeunes fanatiques du quartier l'attendent sur le perron. «Je vous ai promis d'expulser cette étrangère, leur dit-il, et je tiendrai ma promesse. Mais pas avant que vous ayez obtenu de vos mères et de vos sœurs qu'elles viennent ici faire le travail de cette femme.
La partie n'est pas gagnée pour autant. Les jours suivants des excités continuent de jeter des pierres. Un matin, Mère Teresa aperçoit un attroupement devant le temple de Kâlî. Elle s'approche. Un homme est étendu sur le sol, les yeux révulsés, le visage exsangue. Il porte la triple cordelette des brahmanes. C'est un prêtre du temple. Personne n'ose le toucher : il est atteint du choléra. Elle se baisse, prend le brahmane à bras-le-corps et le porte au mouroir. Jour et nuit elle le soigne. Il est sauvé. Un jour il s'écriera : « Pendant trente ans, j'ai vénéré une Kâlî de pierre. C'est une Kâlî en chair et en os que je vénère aujourd'hui. »
Aucun projectile ne sera jamais plus lancé contre les petites sœurs en sari blanc. La nouvelle de cet exploit fait le tour de la ville. Ambulances et fourgons de police apportent chaque jour à Mère Teresa et à ses sœurs leur ration de détresse. « Nirmal Hriday est le joyau de Calcutta », dira un jour la religieuse. Ce joyau, la ville elle-même le prend sous sa protection. Le maire, des journalistes, des notables viennent le visiter. Des femmes de la haute société se portent volontaires pour soigner les mourants aux côtés des sœurs. L'une d'elles deviendra l'une des grandes amies de Mère Teresa. Amrita Roy, trente-cinq ans, est belle, riche et puissante. Son oncle, le Dr B.C. Roy, un homme de cœur, n'est autre que le Chief Minister du Bengale. Une parenté qui aplanira bien des obstacles dans une ville où tout est problème, le climat, la pollution, la surpopulation et, surtout, la bureaucratie.
Comme Paul Lambert, Mère Teresa doit parfois passer des journées entières dans les entrepôts de la douane pour arracher à des fonctionnaires tatillons la caisse de médicaments ou les boîtes de lait en poudre envoyées par des amis étrangers.
L'accueil des mourants abandonnés n'est pour la religieuse qu'une première étape. Il y a aussi les vivants. Et parmi les plus faibles et les plus démunis des vivants, les nouveau-nés que l'on retrouve un matin sur un tas de détritus, dans un caniveau, à la porte d'une église.
Le « doigt de Dieu » conduit un jour Mère Teresa jusqu'au portail d'une vaste maison inoccupée sur un boulevard tout proche de l'endroit où est installée sa congrégation. Le 15
février 1953, Shishu Bhavan, « La maison des enfants », accueille son premier pensionnaire, un prématuré ramassé sur un trottoir enveloppé dans un morceau de journal. Il pèse moins de trois livres. Il n'a même pas la force de téter le biberon que lui présente Mère Teresa. Il faut le nourrir par une sonde nasale. La religieuse s'acharne. Et remporte sa première victoire dans ce nouveau havre d'amour et de miséricorde. Bientôt plusieurs dizaines de bébés s'entassent dans les berceaux et les parcs. Il en arrive cinq ou six tous les jours. Ses sœurs, ses amis, son confesseur s'inquiètent. Comment va-t-elle assurer la subsistance de tant de monde ? Avec les indigents du mouroir, cela fait plusieurs centaines de bouches à nourrir. A cette question, elle répond avec son lumineux sourire : «
Le Seigneur y pourvoira ! »
Et le Seigneur y pourvoit. Des dons affluent. Des riches envoient leur chauffeur avec leur voiture pleine de riz, de légumes, de poisson. Un soir, Mère Teresa rencontre le propriétaire de la maison qui l'avait hébergée au tout début :
—C'est magnifique, lui annonce-t-elle jubilante, je viens d'obtenir du gouvernement une subvention mensuelle de trente-trois roupies pour cent de nos enfants.
—Du gouvernement ? Eh bien, je vous plains, Mother. Vous ne savez pas dans quel engrenage vous avez mis le doigt. Vous allez être obligée de constituer un comité de gestion, d'organiser deux réunions par mois, de tenir des livres de comptes compliqués, et Dieu sait quoi encore.
En effet, six mois ne se sont pas écoulés qu'une réunion se tient au palais du gouvernement. Une douzaine de bureaucrates en dhoti examinent les registres de la religieuse. Ils questionnent, ergotent, critiquent. Excédée, Mère Teresa se lève : « Vous prétendez exiger que je dépense trente-trois roupies pour les enfants que vous subventionnez, s'indigne-t-elle, alors que je n'en dépense que dix-sept pour nos autres enfants qui sont les plus nombreux. Comment pourrais-je dépenser trente-trois roupies pour les uns et dix-sept pour les autres ? Qui pourrait faire une chose pareille ? Messieurs, je vous remercie. Je me passerai de votre argent. » Et elle quitte la pièce.
Dans cette ville accablée par la surpopulation, elle déclare la guerre à l'avortement. Elle fait dessiner et placarder par ses sœurs des affiches annonçant qu'elle accueillera tous les enfants qu'on lui enverra. Sous le couvert de la nuit, des jeunes filles enceintes viennent demander une place pour leur futur bébé.
L'ange de miséricorde vole perpétuellement au secours d'autres catégories de déshérités.
Après les moribonds et les enfants abandonnés, vient le tour des plus misérables des hommes, les lépreux. A Titagarh, un bidonville de la banlieue industrielle de Calcutta, elle édifie une bâtisse de briques crues et de tôle ondulée sur un terrain prêté par les Chemins de fer. Elle y héberge les malades les plus atteints, leur apportant chaque jour des pansements, des médicaments, des paroles de réconfort. Des dizaines, bientôt des centaines d'éclopés se pressent à la porte de cette oasis d'amour. Titagarh n'est qu'un début. Elle lance maintenant à travers la ville des équipes de sœurs indiennes avec mission d'ouvrir sept autres dispensaires. L'une d'elles s'installe dans le slum où elle avait soigné ses premiers pauvres. Les lépreux affluent. Un employé de la mairie qui habite à proximité s'insurge contre ce voisinage déplaisant. Il menace d'alerter les autorités. Mère Teresa doit céder. Mais elle met l'incident à profit. « Ce qu'il nous faut, ce sont des dispensaires mobiles », annonce-t-elle à ses sœurs. Plusieurs fourgonnettes blanches à l'emblème des Missionnaires de la Charité quadrilleront un jour l'immense cité pour aller donner des soins jusque dans les quartiers les plus délaissés.
Paul Lambert souhaitait attirer un de ces véhicules à la Cité de la joie. Mieux, il rêvait que deux ou trois sœurs viennent faire fonctionner la petite léproserie qu'il projetait d'installer dans l'ancienne école coranique du slum, près de l'étable à buffles. C'est pour cela qu'il était venu voir Mère Teresa.
Il s'avança dans la travée entre les lits et la trouva en train de laver les plaies d'un homme encore jeune, si maigre qu'il ressemblait à l'un de ces morts-vivants découverts par les Alliés dans les camps nazis. Toute sa chair avait fondu. Seule subsistait la peau tendue sur les os. La religieuse lui parlait doucement en bengali. « Je n'oublierai jamais le regard de cet homme, dira Lambert. Sa souffrance se changeait en surprise, puis en paix, la paix d'un être aimé. » Sentant une présence derrière elle, Mère Teresa se retourna. Elle vit la croix de métal du prêtre.
—Oh, Father, s'excusa-t-elle humblement, que puis-je faire pour vous ?
Paul Lambert se sentit terriblement gêné. Il venait d'interrompre un dialogue dont il percevait ce qu'il avait d'unique. Les yeux exorbités du mourant semblaient supplier Mère Teresa de se pencher à nouveau sur lui. C'était pathétique. Le prêtre se présenta.
—Je crois que j'ai entendu parler de vous ! dit la religieuse avec chaleur.
— Mother, je suis venu solliciter votre aide.
—Mon aide ? — Elle leva la main vers le plafond. — C'est l'aide de Dieu qu'il faut demander. Moi, je ne suis rien du tout.
Un jeune bénévole Européen passait dans l'allée en tenant une cuvette. Mère Teresa l'appela. Elle lui montra le mourant : « Aime-le, ordonna-t-elle. Aime-le de toutes tes forces. » Elle remit au jeune homme ses pinces et ses linges, et s'éloigna, guidant Paul Lambert vers un espace vide entre la salle des hommes et celle des femmes. Il y avait une table et un banc. Au mur se trouvait un texte dans un cadre. C'était un poème hindou.
Lambert le lut à haute voix :
Si tu as deux morceaux de pain,
Donnes-en un aux pauvres,
Vends l'autre,
Et achète des jacinthes
pour nourrir ton âme.
Puis il exposa son projet de léproserie pour la Cité de la joie.
— Very good, Father, very good... dit Mère Teresa avec son pittoresque accent, mélange de slave et de bengali. You are doing God's work. Vous faites un travail voulu par Dieu. C'est entendu, je vous enverrai trois sœurs habituées à soigner les lépreux.
Promenant son regard sur la salle pleine de corps allongés, elle ajouta :
« Ils nous donnent tellement plus que nous ne leur donnons. »
Une jeune sœur s'était approchée et lui parlait à voix basse. Sa présence était nécessaire ailleurs.
« Good-bye, Father, dit-elle. Venez donc nous dire la messe un de ces prochains matins. »
Paul Lambert était bouleversé. « Bénie sois-tu, Calcutta, car dans ton malheur tu as enfanté des saints. »