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Tous les ministres de la Défense du système solaire savent à quoi s’en tenir sur les réalités économiques. Les robots fonctionnant très bien au combat dans un grand nombre de cas, les troupes humaines sont devenues plus faciles à remplacer de manière relativement économique. Sous la pression de l’opinion publique tendant à épargner les vies humaines, nos démocraties utilisent de plus en plus de troupes robotisées. Mais les Chinois ne sont pas soumis aux mêmes impératifs. Le surpeuplement qui affecte cruellement leur pays fait que la décision est d’ordre purement économique. Dans la mesure où nous ne pouvons pas aligner un de nos soldats face à chacun des leurs, il nous faut compter sur une stratégie supérieure.

Extrait du livret des officiers
de la Légion étrangère française
Traduction du National Security Council

L’après-midi du second jour, n’ayant eu aucune nouvelle de la Légion, Lutt décida de prendre les choses en main. Il appela d’abord les bureaux de l’Enquirer mais, au lieu d’avoir au bout du fil le nommé Roy Humperman, officiellement indiqué comme le correspondant local du journal, entendit répondre une femme qui déclara être « Roweena Humperman, la veuve de Roy ».

— Humperman est donc mort ?

Elle ne semblait pas trop bouleversée quand elle répondit :

— Le pauvre Roy s’est fait avoir il y a trois jours pendant qu’il couvrait l’offensive chinoise contre Pe-Duc. Les rayons déflecteurs français sont tombés en panne et il n’y a eu aucun survivant. Qui vous dites que vous êtes ?

— Peter Andriessen.

— Ah oui ! J’ai vu votre nom dans nos fiches. Eh bien, je vous souhaite de durer plus longtemps que Roy. Il n’aura tenu que onze mois. Il y a au moins un avantage à mourir sur Vénus. Pas de corps à ensevelir.

— Je ne suis pas ici pour remplacer Roy. Je suis en mission spéciale.

Brièvement, il lui expliqua le projet concernant les caméras Vor et le système de transmission instantanée. Puis il lui fit part de sa situation.

— Ils vous ont assigné à résidence dans votre hôtel ? Je vais voir ce que je peux faire. Il y a un officier français qui en pince pour moi et je pourrais peut-être vous faire pistonner par lui. En échange, si vous pouviez faire quelque chose pour que je sois nommée officiellement au poste qu’occupait Roy…

— Faites-moi sortir d’ici et vous aurez la place.

— Comme ça ? Vous devez être dans les papiers des Hanson, vous. Mais je serais curieuse de savoir… C’est vrai que le P’tit chef est le chaud lapin que tout le monde dit ?

— Tout ce qu’on dit sur lui est vrai, grogna Lutt, qui n’aimait pas qu’on l’appelle « le P’tit chef ». Un jour, je serai Grand chef, ma cocotte. Mou corps n’a pas encore cessé de grandir et j’aurai très bientôt ma base d’opérations à moi.

— Je suis sûre que j’aurais quelques petites choses à lui apprendre sur ce plan. Bon, ne bouge surtout pas d’ici, mon petit Peter chéri. Je te rappelle. Dès que ça collera, mon Frenchy viendra sans doute te chercher lui-même.

Roweena rappela un peu moins de dix minutes plus tard.

— Ça gaze, mon petit Peter chéri ! J’ai bien cru qu’il faudrait taper dessus avec un gourdin pour me débarrasser de lui. Voilà le topo. Il faudra arroser les intermédiaires habituels. À Uno, ça signifie d’abord le concierge. Fais l’innocent et demande-lui l’annuaire de l’administration militaire. Il te conseillera de t’adresser au palais de justice de ta juridiction, mais continue de faire l’imbécile et graisse-lui convenablement la patte. Tu saisis ?

— Environ combien ?

— Cinq cents francs, ça devrait suffire. Je te retrouve au palais de justice avec mon Frenchy.

Le concierge était un immense gaillard aux cheveux teints d’un noir gominé, séparés par une raie au milieu qui les faisait ressembler aux ailes d’un scarabée. Son nez était long et crochu, son ventre était si gros qu’il devait être incapable de voir ses propres pieds quand il se penchait. Lutt se demandait comment il faisait pour s’habiller tout seul. Et pour entrer dans un scaphandre incéram, il devait avoir de sérieux problèmes. Debout derrière son minuscule bureau près de l’entrée, il arborait une expression empreinte d’une dignité profonde tandis qu’il prodiguait ses conseils en anglais aux clients de l’hôtel avec un fort accent français.

— Je regrette beaucoup, monsieur Andriessen, dit-il en réponse à la demande de Lutt, mais il n’existe aucun annuaire de ce genre.

Il le scruta, impassible, de ses petits yeux enfoncés derrière ses joues adipeuses, avant d’ajouter :

— En fait, il n’existe aucun annuaire, quel qu’il soit, dans tous les territoires administrés par la Légion.

— Je sais qu’il me faudra un sauf-conduit pour me rendre sur le front. Comment voulez-vous que j’accomplisse toutes les formalités si je n’ai pas le droit de quitter l’hôtel ?

— Le front ? s’exclama le concierge, horrifié. Vous autres, les correspondants de guerre, vous ne manquez pas de courage. Vous exposer à tous ces périls, simplement pour que les gens puissent lire les nouvelles en prenant leur petit déjeuner !

— Les nouvelles, fit sèchement Lutt en frottant deux doigts de sa main droite contre son pouce, c’est mon gagne-pain.

— Mais pourquoi ne faites-vous pas comme les autres journalistes ? Tous les après-midi, à dix-sept heures, la Légion passe des films et expose la situation à l’intention des correspondants de presse. On appelle ça le « Five O’Clock ». Vous pouvez écrire tranquillement vos articles dans votre chambre.

— Je suis reporter photographe et il faut que j’envoie des images.

— Aaah ! Vous faites partie des braves, alors ! J’aurais dû m’en douter rien qu’en vous voyant. Mais, monsieur, vous pouvez engager des photographes locaux à des tarifs tout à fait raisonnables. J’ai justement un cousin qui…

Il s’interrompit en voyant la liasse toute préparée que Lutt sortait de sa poche pour en extraire cinq cents francs.

— Monsieur, quelqu’un d’aussi riche et d’aussi courageux que vous devrait savoir protéger sa personne. Demandez-moi des adresses de bons restaurants ou de petites boutiques où vous pourrez acheter toutes sortes de frivolités pour votre dulcinée… (Il jeta un bref coup d’œil aux autres clients qui attendaient leur tour.) Elle est avec vous, peut-être ?

— Non. Il ne s’agit pas d’un voyage d’agrément, fit Lutt en agitant négligemment les cinq cents francs qu’il tenait à la main. Dites-moi ce que je dois faire pour sortir de cet hôtel. Je ne voudrais pas enfreindre la loi.

— Il y a tant de lois différentes, monsieur, répondit le concierge, dont le triple menton tremblait d’indignation. Il nous arrive à tous d’en enfreindre une ou deux à l’occasion. Involontairement, bien sûr. Tout dépend de celles que la Légion veut faire respecter sur le moment.

— Comment se tenir au courant de ces lois ?

Le concierge eut un vaste haussement dépaules, typiquement gaulois.

— Cela, personne n’a jamais réussi à le faire. Mais je vous conseille de vous adresser d’abord au 1205 B ter, rue Capitaine-de-Monsard. C’est là que se trouve le palais de justice dont vous dépendez.

— Je n’enfreindrai aucun règlement si je quitte l’hôtel ?

Un large sourire plissa le visage du concierge tandis qu’il retirait, avec deux doigts, les billets de la main de Lutt et les empochait.

— Cette question-là, monsieur, est déjà réglée.

Son scaphandre bouclé, la plaquette d’orientation en place dans sa fente pour projeter sur sa visière le plan des rues, Lutt passa par le sas et émergea dans la fournaise du monde extérieur. Ses cadrans indiquaient que la température ambiante venait de faire un bond, mais il ne perçut qu’un faible clic tandis que l’air refroidi par le système K commençait à souffler sur sa peau.

Le portier lui avait proposé un guide, mais son plan indiquait que le palais de justice ne se trouvait qu’à cinq cents mètres de là. Il pensait pouvoir faire le chemin à pied. Il demanda simplement pourquoi le ciel était devenu plus rouge.

— Ils sont en train de détourner une coulée de lave vers le sud. Le panache donne à l’atmosphère une jolie couleur, vous ne trouvez pas ?

— Oh oui ! Très jolie.

Suivant les indications du plan, il prit un trottoir roulant surélevé qui le conduisit de l’autre côté du canal. Il emprunta ensuite un escalier mécanique pour monter au niveau supérieur, où il dut se frayer un chemin parmi la foule des piétons en scaphandre. Il remarqua que plusieurs visières se tournaient vers lui pour le regarder sans vergogne, mais les visages n’étaient pas visibles à l’intérieur des casques.

Peut-être que notre démarche est assez, lourde pour trahir notre arrivée récente, suggéra Ryll.

C’est sans importance. Nous y sommes.

Non, nous sommes au 1205 B. Il a dit B ter, je m’en souviens parfaitement.

Lutt consulta de nouveau le plan. C’est vrai. C’est un peu plus loin.

Cette fois-ci, ils se retrouvèrent devant le B bis, et Lutt s’aperçut qu’il était suivi par trois individus au scaphandre rapiécé et cabossé.

Je n’aime pas l’allure de ces trois-là, lui dit Ryll. Il me vient à l’esprit que notre combinaison doit avoir l’air bien neuve. Il n’est pas difficile de voir que nous venons de débarquer.

Vous avez quelque chose à suggérer ?

Je constate que vous avez pratiqué quelques sports défensifs. Avec nos muscles drènes améliorés, nous pourrons venir à bout de deux de ces bandits au moins. Si toutefois ce sont des bandits. Restons sut-nos gardes, en tout cas.

Une fois de plus, Lutt interrogea son plan. Oui, le palais de justice devait se trouver au fond de cette impasse. Il s’y engagea et remarqua que les trois individus faisaient de même, raccourcissant rapidement la distance qui les séparait. L’un d’eux tenait même dans sa main gantée une espèce de tube.

Ce doit être une arme ! avertit Ryll.

Lutt se retourna pour leur faire face ; mais avant qu’il pût même se mettre en posture de défense, une porte s’ouvrit dans un grand bruit à sa hauteur et cinq hommes en scaphandre jaillirent dans la ruelle. Lutt eut à peine le temps de remarquer l’emblème de la Légion sur leurs manches et leurs casques avant qu’ils n’encerclent les trois individus. Tout fut terminé en quelques secondes. Les suspects se retrouvèrent le dos au mur, fouillés, désarmés, les bras immobilisés par des cerceaux métalliques, puis deux des légionnaires les emmenèrent.

L’un des trois autres qui étaient demeurés sur place se tourna vers Lutt pour le saluer :

— Sergent McCauley, à votre service, monsieur Andriessen. Le colonel Paul nous a donné l’ordre de vous escorter jusqu’au palais de justice.

— Très bien. Ces trois gaillards en avaient vraiment après moi, n’est-ce pas ?

Il commença à se diriger vers l’entrée de l’impasse, par où il était venu, mais un gantelet se posa sur son bras pour l’arrêter.

— Pas par ici, monsieur. Le distributeur de l’hôtel vous a remis une carte truquée, destinée à vous attirer dans ce guet-apens. Il y aura des sanctions.

— Le concierge ?

— Oh non, monsieur. C’est lui qui nous a alertés.

— Bon sang ! C’est vraiment dangereux de se promener dans votre patelin !

— À moins d’apprendre les coutumes locales, monsieur. Par ici, je vous prie.

Le palais de justice se trouvait deux courbes plus loin. Il s’agissait d’un dôme volumineux, dont le sas d’entrée était gardé par une escouade de légionnaires. On laissa passer Lutt et son escorte sans cérémonie.

À l’intérieur du hall immense aux murs et au sol revêtus d’incéram, la plus grande confusion régnait. Des files de gens en scaphandre, le casque rabattu en arrière sur ses charnières, occupaient toute la longueur de la salle et s’agglutinaient devant un comptoir qui allait d’un mur à l’autre. Un immense brouhaha ponctué d’appels et de cris résonnants s’élevait de cette foule.

Sans relever son propre casque, le sergent McCauley aida Lutt à se défaire du sien et lui dit :

— Par ici, monsieur. Le colonel Paul vous attend.

Lutt se laissa conduire vers l’autre extrémité de la salle, non sans remarquer les regards de dépit et d’envie que lui jetaient les gens au passage. Il flottait ici une puissante odeur d’humanité en sueur que le système de recyclage de l’air était incapable d’absorber. Ils franchirent une large double porte qui s’ouvrait sur un vestibule et entrèrent dans un grand bureau aux parois circulaires où un homme et une femme sans scaphandre se faisaient face. Ils se tournèrent vers Lutt à son entrée.

Le sergent McCauley les salua en annonçant :

— Monsieur Andriessen, mon colonel.

Puis il se retira en refermant la porte derrière lui.

La première chose qui avait frappé Lutt était la disparité du couple en ce qui concernait la taille. La femme, menue, ressemblait à une Vénus de poche avec ses attributs au complet, des cheveux acajou foncé et une frimousse de garçon manqué. Aux coins de sa bouche étaient gravés les plis du sourire et ses grands yeux verts examinaient Lutt d’un regard perçant.

Le colonel Paul était par contre grand et mince, d’allure nordique avec ses cheveux blonds, ses yeux bleus et son visage finement buriné. Il s’avança vers Lutt et abattit sa main sur l’épaule de son scaphandre.

— Ravi de pouvoir vous venir en aide, mon cher, lui dit-il avec un accent légèrement britannique. Paul Carson, à votre service.

Il se tourna vers la femme.

— Et je vous présente la charmante Roweena, ajouta-t-il.

— Je viens de parcourir certaines dépêches codées de Roy te concernant, lui dit celle-ci en guise de préambule. Pourquoi ne pas m’avoir dit tout de suite qui tu étais ?

— Au téléphone, sur une ligne publique ?

— D’ici demain, tout Gorontium sera au courant, de toute manière. Surtout si ta réputation auprès des femmes est justifiée. Alors, j’ai la place ?

— Tu l’as.

Lutt jeta un coup d’œil au colonel, qui avait reculé de deux pas.

— Si toutefois…, ajouta-t-il.

— Ne craignez rien, tout va s’arranger, mon cher ami, fit le colonel. Comment pouvons-nous vous appeler ? Sûrement pas « monsieur Andriessen », j’imagine ?

— Mes amis m’appellent Lutt.

— Et nous serons vos amis.

— Je n’ai jamais été copine avec le grand patron, fit Humperman avec un large sourire. Mais Roy m’a toujours porté chance.

— Sa mort ne semble pas t’attrister tellement, lui dit Lutt.

— Roy était mon cinquième. Mon quatrième était un sergent légionnaire qui s’est reçu un missile chinois à fragmentation, exactement de la même manière que Roy, j’imagine. C’est ça, la vie sur Vénus.

— Et surtout la mort, ajouta le colonel Paul. En attendant, il ne faut surtout pas se laisser aller. Est-il exact que vous désiriez effectuer vos transmissions à partir d’un P.C. de la Légion ?

— Un P.C. souterrain, c’est bien exact.

— Il y aura des démarches à faire.

— Il serait plus facile d’avoir accès à une zone de combats, fit Roweena.

— Je dois me rendre personnellement au front la semaine prochaine, lui dit le colonel. Vous pourriez m’accompagner.

Ryll, qui s’était contenté jusqu’ici d’écouter sans intervenir, fut horrifié.

Vous n’allez pas faire ça, Lutt !

Restez en dehors de ça, ou j’accepte sur-le-champ !

S’adressant au colonel, Lutt reprit :

— Je voudrais que cette première transmission par caméra Vor soit quelque chose de très spectaculaire. Elle pourrait se faire à partir de votre Q.G. à l’occasion d’une opération, par exemple.

— Et qui aura accès à cette transmission ?

— Nos abonnés, sur la Terre.

— Les Chinois seront au courant ?

— Ils ne tarderont pas à l’être, j’imagine.

— Les Chinois sont très fourbes, murmura le colonel. Évitez de révéler le lieu où vos prises de vues seront effectuées. Dans votre intérêt également. Ils utilisent des armes antipersonnel que nos défenses ont du mal à contrer. Nous avons quelques troupes robotisées, naturellement, mais les Chinois n’en utilisent pas.

— Les légionnaires sont de braves et glorieux soldats qui se battent pour la Légion et pour leur patrie, intervint Roweena.

— Vous devez avoir des opérateurs, dans la Légion, fit Lutt. Est-ce que l’un d’eux pourrait tenir la caméra pendant que Roweena et moi interviewons les hommes ? De cette manière, nous aurions la certitude que rien de compromettant n’est filmé.

— On va me voir à l’écran ? s’écria Roweena, soudain tout excitée.

— N’es-tu pas la nouvelle correspondante locale ? demanda Lutt.

— Les télés vont-elles le retransmettre ? demanda le colonel.

— Pas immédiatement, mais plus tard, oui, sans doute.

— Combien de ces caméras spéciales avez-vous ici ?

— Trois.

— Sont-elles difficiles à utiliser ?

— Elles peuvent être dangereuses sur un champ de bataille. Elles sont pourvues d’un système d’auto-destruction pour le cas où quelqu’un voudrait s’amuser à voir ce qu’il y a à l’intérieur.

— J’allais vous suggérer d’en envoyer une au front. Mais ces nouveaux missiles chinois sont souvent incontrôlables. Ils font d’ailleurs plus de ravages dans leurs rangs que dans les nôtres. Ils sont tellement plus nombreux. Il est clair qu’ils n’ont aucun scrupule à tuer tout le monde sur un champ de bataille, pourvu que les nôtres y passent aussi.

— Est-ce une façon de faire la guerre, ça ? demanda Roweena.

— Y a-t-il des règles dans cette guerre ? voulut savoir Lutt.

— Très peu, lui répondit le colonel. Eh bien, je vais voir ce que je peux faire pour vous. Le sergent va vous escorter jusqu’à votre hôtel et procéder aux arrestations nécessaires. Des têtes vont tomber.

— J’ignorais que vous utilisiez encore la guillotine, fit Lutt.

— Ce n’était qu’une façon de parler, mon cher. En réalité, nous les précipitons sans leur scaphandre dans le trou de lave le plus proche. C’est plus rapide et il n’y a rien à nettoyer ensuite.

Roweena prit le bras du colonel et adressa un sourire à Lutt.

— Merci pour la place, patron. Mais Paul et moi avons certaines affaires pressantes à régler maintenant.

Le colonel baissa les yeux vers elle avec un large sourire.

— Oh ! c’est certain, c’est certain.

Puis, avec le même sourire, il s’adressa à Lutt :

— Je vous enverrai un V.T.P. de la Légion dès que nous aurons obtenu les autorisations nécessaires. Les sauf-conduits et les papiers habituels vous parviendront à votre hôtel ou seront établis là-bas. Je vous conseille de ne pas le quitter.

— Qu’est-ce qu’un V.T.P. ? demanda Lutt.

— Un Véhicule de Transport Privé. Ils sont sans pilote et programmés pour suivre une piste de guidage ionique. Ils sont relativement sûrs. Je suis certain que vous comprendrez qu’il nous est difficile de vous fournir une escorte pour vous accompagner partout où vous irez.

Dès qu’ils se retrouvèrent à l’abri dans leur chambre d’hôtel, Ryll explosa d’indignation :

Relativement sûrs ! Je n’ai même pas eu le temps de m’entraîner à idmager du tissu incéram ! Je ne peux même pas nous faire quelque chose de correct à manger tant que nous ne serons pas descendus dans cette fichue salle de restaurant, et encore à condition que vous commandiez quelque chose où je puisse dissimuler…

Ça ne vous dérange pas de vous taire un peu ? Il faut que j’appelle l’Enquirer pour savoir ce qui se passe là-bas. Pendant ce temps, vous n’avez qu’à réidmager ma combinaison.

Notre combinaison !

C’est vrai, oui. C’est que nous grandissons vite, n’est-ce pas ? Et ce soir, nous allons bien nous régaler, pas vrai ? Je suis sûr que cet obligeant garçon nous servira un excellent pistou à la génoise.

Ryll se réfugia dans une méditation morose et renfrognée. Le basilic ! Ce diabolique Terrien était bien décidé à observer les effets de cette drogue sur la chair drène. Cela exigeait des contre-mesures immédiates. Mais pourrait-il réellement s’emparer de force du contrôle de leur corps partagé ? Et même s’il y parvenait, un Drène était-il capable de simuler parfaitement le comportement terrien dans des circonstances aussi difficiles ?