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À l’autopsie de ces sujets se révèlent de troublantes différences anatomiques. Les yeux sont attachés aux orbites, en haut et en bas, par des tiges à rotules qui leur permettent de pivoter à cent quatre-vingts degrés ! Dans certaines positions, ils présentent un aspect normal ; mais lorsqu’ils sont tournés vers l’intérieur, ils montrent une surface uniformément grise et lisse. Leur mouvement est contrôlé par des muscles pivots d’une grande élasticité. Nos recherches n’ont pas encore permis d’expliquer ces phénomènes. L’hypothèse d’une intervention chirurgicale ou médicale à des fins inconnues n’est pas écartée. Notre comité d’étude suggère que ces étranges modifications pourraient conférer des pouvoirs mystérieux aux sujets concernés.

Rapport secret de la Patrouille
de Zone sur l’étude des Drènes

Escortés par un détachement de gardes qui se tenaient hors de portée d’oreille, Lutt et Morey descendirent à pied la rampe qui menait à la Garenne. Juste avant de franchir le dernier poste de sécurité, Lutt se retourna.

Le pousse-pousse exotique était toujours sur le parking et les robots-coolies affalés par Terre tout autour, comme au dernier degré d’épuisement.

— Regarde-moi ça, dit Lutt. Ils recommencent leur cirque.

— Un des gags les plus marrants de Père, fît Morey.

— Maman sait bien que les robots ne peuvent pas ressentir de fatigue, dit Lutt. Je suis sûr qu’il les a programmés ainsi rien que pour l’embêter.

— Elle profitera de l’attente pour faire gonfler la note de vidcom longue distance, fit Morey en riant. Sur le compte de la Garenne, évidemment. Et il verra la facture, tu peux me croire.

— La guerre silencieuse, en quelque sorte.

Ils tournèrent à angle droit après le poste de contrôle et s’engagèrent dans un long tunnel bas aux parois et à la voûte revêtues de carrelage blanc, éclairé par une seule rampe lumineuse au-dessus de leurs têtes. L’aire de stationnement avait cessé d’être visible.

— Pas comme la nôtre, n’est-ce pas, mon cher frère ? demanda Morey.

— Nous discuterons de ça plus tard. En attendant, si j’étais toi, je tournerais sept fois ma langue dans ma bouche avant de parler.

Le tunnel débouchait sur un large quai en béton où les bruits de machinerie étaient plus intenses. Devant eux couraient les rails luisants sur lesquels les navettes de la Garenne faisaient leur va-et-vient.

Couvrant le bruit des machines, ils entendirent le fracas grinçant d’une rame qui approchait. Une lumière jaune et froide illumina les rails, projetant des ombres au ras du quai.

Lutt avait toujours sur le dos la vareuse verte et noire que Ryll avait reconstituée par idmagie et il se sentit frissonner dans l’air glacé du quai. Il se demandait si Ryll aurait pu idmager quelque chose de plus chaud.

Vous commencez à croire en moi, Lutt ?

C’était juste pour vous mettre à l’épreuve.

Je pourrais vous donner une bonne parka fourrée, mais Morey s’en apercevrait.

Ils se trouvaient à présent en vue de la plateforme d’embarquement des passagers et Morey regardait Lutt d’une drôle de manière tout en marchant.

— Tu portes des chaussures rehaussantes, à présent ? lui demanda-t-il. Tu as l’air plus grand.

Lutt attendit qu’ils s’arrêtent avant de répondre :

— Tu n’as jamais entendu parler des injections de résine plutonienne ?

— Hé ! La résine plutonienne n’est pas encore approuvée par la W.D.A. Comment as-tu fait pour t’en procurer ?

— Peut-être que ce sont simplement des chaussures rehaussantes, Morey.

— Si tu peux avoir de la résine plutonienne, je sais où l’écouler avec un gros pourcentage.

— Combien pourrais-tu tirer de cette paire de chaussures ?

— À peu près autant que de ton histoire d’extraterrestre dans ta tête.

Lutt ! Est-ce que les Terriens ont aussi l’habitude de vendre leurs histoires ?

Pas de la manière qu’il suggère.

— Je t’ai fait marcher, hein, Morey ?

— Toujours tes vieilles blagues estudiantines, Lutt ? Elles coûtent une fortune à Père chaque fois qu’il doit te tirer d’affaire en payant la caution aux juges.

— C’est peu de chose à côté de ce qu’il aurait à payer pour toi si tu te faisais attraper.

— Si on décrétait une trêve, Lutt ? Je t’épaulerai dans ta demande de financement pour construire ton vaisseau ou je ne sais pas quoi, et de ton côté tu seras un chic frère en faisant en sorte que je n’aie pas Père sur le dos.

— J’y réfléchirai. Voyons d’abord comment tu vas te comporter aujourd’hui. Tu sais, je n’ignore pas non plus comment Père a eu vent de certaines de mes farces estudiantines. Toi et ta grande gueule !

Morey leva les deux mains, paumes en avant.

— Je serai sage. C’est promis. D’ailleurs, je n’ai jamais dit à Père que tu avais obtenu tes diplômes en payant des types pour passer les examens et rédiger tes devoirs à ta place.

— C’est peut-être parce que nous savons tous les deux que c’est comme ça que tu t’en es tiré au Harvard Business Institute, hein, Morey ?

— D’accord, on s’est soûlés la gueule une fois ensemble et on a échangé des confidences. N’est-ce pas à ça que servent les frères ?

— J’ignore à quoi sert un frère, Morey. Peut-être que je le découvrirai un jour.

— Et ce vaisseau que tu es en train de bricoler, à quoi sert-il au juste ?

— Si L.H. veut bien cracher un tout petit peu plus de fric, les Hanson disposeront bientôt d’un vaisseau capable de traverser l’univers en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Demain, nous pourrions être dans le système de Citelli.

Morey se tirailla la lèvre supérieure.

Il vous croit ? demanda Ryll.

Il se pose la question. Vous pensez bien qu’il flaire la bonne affaire, pour le cas où j’aurais raison.

Qu’est-ce qui vous fait croire que les Drènes vous laisseront accéder aux Spirales ?

Nous apprendrons la signalisation, nous respecterons les priorités. Vous m’apprendrez tout ce qu’il faut savoir, n’est-ce pas, Ryll ?

Je ne sais pas tout.

Mais vous m’apprendrez ce que vous savez.

On dirait que vous croyez vraiment à mon existence, cette fois-ci !

Pour des enjeux pareils, je suis prêt à prendre le pari. Et maintenant, retirez-vous. Il y a une rame qui arrive.

À travers leur vision commune, Ryll observa avec intérêt l’endroit où ils se trouvaient. Le quai d’embarquement surplombait une plaque tournante à six voies, de forme circulaire. Au centre de cette roue était gravé, en vert et or, le blason des Hanson. Six tunnels en partaient. Celui qui était immédiatement à leur gauche brillait d’une lumière blanche indiquant l’approche d’un train maglev. La lumière s’intensifia et le convoi émergea. C’était une rame articulée, un gros ver mécanique et bourdonnant qui s’immobilisa à hauteur du blason des Hanson.

Ryll savait, d’après les souvenirs de Lutt, que le train repartirait par un autre tunnel pour traverser un labyrinthe de voies souterraines. Tout cela, pour un Drène, était une parodie des demeures de Drénor, où les Aînés vivaient dans l’ampleur profonde de la planète.

Avec un grand fracas métallique, une partie du toit de la voiture s’ouvrit et une rampe cylindrique se forma, laissant voir un garde armé posté devant l’ouverture.

La rampe se souleva et s’allongea jusqu’à la plateforme où le garde hésita, son attention braquée sur Lutt.

— Il a remarqué que tu es plus grand, dit Morey.

Lutt leva la main droite pour laisser inspecter sa paume par un détecteur qui se trouvait à côté du garde en uniforme vert et or. S’adressant à ce dernier, qui avait été spécialement choisi par leur père, Morey déclara :

— Il a un truc pour se faire plus grand.

Le garde émit un grognement suspicieux :

— Je vois ça.

Il jeta un coup d’œil au détecteur, puis se tourna de nouveau vers Lutt.

— D’accord, c’est bien vous.

Lutt eut un sourire amusé. Passant devant le garde, il descendit, suivi par Morey, dans la cabine illuminée où ils se sanglèrent sur les premiers sièges qu’ils trouvèrent. À part le garde, qui prit position à côté des soufflets du couloir quand il se replia contre la cabine, il n’y avait aucun autre passager.

Dès que la porte extérieure se fut hermétiquement refermée, la voiture tourna avec la plateforme et se mit en route, d’abord lentement, puis de plus en plus vite, jusqu’à ce que les projecteurs ne montrent plus les parois du tunnel que sous la forme d’un obscur reflet flou. Quelques instants plus tard, ils ralentirent et s’arrêtèrent sur une nouvelle plaque tournante qui les orienta vers un nouveau tunnel. La voiture reprit de la vitesse. Trois fois, l’opération se répéta. Finalement, ils aperçurent la paroi verte du tunnel central.

— Quatre changements de direction seulement, fit remarquer Lutt. D’habitude, il y en a plus.

— Père est intervenu sur l’ordinateur avec son code prioritaire, lui dit Morey. Il est impatient de nous voir.

Brusquement, la voiture s’immobilisa avec un cahot au milieu du tunnel vert, en les plaquant violemment contre leur harnais de sécurité. Ils virent un train de marchandises qui coupait la voie un peu plus loin devant eux. Les rames articulées grinçaient et gémissaient, indiquant une lourde charge.

— Je me demande ce qu’il peut bien transporter encore, fit Morey.

— Il nous le dira s’il juge utile que nous le sachions.

Lutt s’affala sur son siège, le harnais tendu au maximum sur sa poitrine et son abdomen. Morey se pencha en avant pour essayer de mieux voir.

— Je me demande quand je finirai par savoir de quel genre d’affaires il traite, dit Morey.

Pas avant que le vieux meure, pardi, pensa Lutt. Tu es un crétin, mon frère.

Même sans avoir fait beaucoup d’études dans le domaine de la gestion commerciale, Lutt savait qu’il pourrait prendre la tête de l’Entreprise Hanson à n’importe quel moment. C’était ce que désirait son père. L.H. l’avait nettement fait comprendre malgré ses récriminations concernant les autres activités de Lutt.

Cet imbécile de Lutt avec ses rêves fumeux de voyage spatial ultra-rapide ! Cela allait-il être encore le thème de la discussion d’aujourd’hui ? Les signes indiquant que le vieux Hanson commençait à perdre patience avec son fils numéro un étaient de plus en plus nombreux.

Morey se racla la gorge.

— Je t’ai attendu hier soir avant de me mettre à table.

— Tu m’en vois confus !

— Tu étais dans une prison de la Patrouille de Zone. Cela fait-il de toi un repris de justice ? Ce serait un beau titre à ajouter à ton palmarès.

— Prends garde, Morey. Je n’ai pas été inculpé de quoi que ce soit. C’est toi qui es bien placé pour décrocher le titre de malfaiteur.

— Qu’est-ce que ça veut dire, ça ? glapit Morey.

— Si on parlait plutôt de ta collection de timbres ?

— Quelle collection de timbres ?

— Celui que tu caches dans le talon de ta chaussure gauche, par exemple.

Le visage de Morey s’assombrit sous l’effet d’un soudain afflux de sang. Lutt découvrit ses canines en un sourire féroce.

— Je suis en mesure de prouver que tu as pioché dans la caisse des compagnies que tu diriges. Tu voles ta propre famille et tu t’achètes des timbres rares. Ils sont si légers à porter, n’est-ce pas, Morey ?

— Tu… Tu ne vas pas…

— Le dire à Père ? Non, si tu ne m’y obliges pas.

— Que veux-tu de moi ?

— Voilà qui est plus raisonnable, Morey. Tu sais être réaliste, quand il le faut. Ce timbre d’Anatolie de 1995 que tu caches dans ton talon, il irait chercher dans les combien à une vente aux enchères ?

— Tu crois que je vais te laisser me prendre tout ?

— Mais je ne veux pas tout. Je veux juste te modérer un peu, comme fait Père avec Mère. Elle n’a jamais su résister aux objets d’ail très rares. Tu as la même tendance irrésistible à acheter les timbres les plus chers.

— Si tu ne veux pas tout… combien, alors ?

— La moitié, peut-être. Nous venons. J’ai besoin d’un million tout de suite. Cet anatolien devrait faire l’affaire, si mes renseignements sont bons.

— C’est pour quoi faire ?

— Père ne voudra pas me donner tout l’argent dont j’ai besoin pour reconstruire et améliorer mon Vortraveler.

— Ton Vortraveler ! Tu crois que je vais financer ton foutu machin ?

— Ce que Père ne me donnera pas, c’est toi qui le fourniras. Il me faut quarante mille par semaine après la mise de fonds initiale. Allons, frérot !

Lutt leva une main en signe d’avertissement tandis que Morey, blême et furieux, s’apprêtait à répondre.

— Fais comme si j’étais à ta charge. Tu peux bien casquer un peu pour une nouvelle personne à ta charge.

— Et si je refuse ?

— Ne fais pas l’idiot, Morey. Imagine comme ce serait pénible de te retrouver face à Père et à ses vérificateurs, si je lui faisais parvenir les documents compromettants.

— Qu’est-ce qui me prouve que tu possèdes ces documents ?

— Tu te raccroches à des brins de paille, Morey. Tu penses bien que si je suis au courant pour cet anatolien…

— Mais où sont tes preuves ?

— C’est bon. Je t’enverrai des photocopies.

Morey poussa un très long soupir.

— C’est toujours toi qui finis par gagner !

— Cette fois-ci, nous gagnerons tous les deux. Tu ne comprends pas ? Je vais tirer des bénéfices énormes d’une branche de l’Entreprise Hanson, qui sera totalement indépendante de Père.

— Rien n’est indépendant de lui.

— Bien sûr. Il l’acceptera quand l’argent commencera à rentrer dans nos caisses. Tu n’as qu’à te considérer comme mon bailleur de fonds dans cette affaire.

— Mais sans droit de regard ?

— Tu auras le droit d’aller te faire voir, si tu n’es pas content. El ton timbre d’Anatolie, tu peux te le coller où je pense et t’expédier sur Pluton en express. Tu saisis bien, Morey ? Finalement, tu l’as dans l’os, vieux frère !

Morey tira de sa poche un mouchoir blanc à monogramme et s’épongea le front.

— J’ai toujours su que tu avais une mentalité dégueulasse, Lutt. Comment as-tu fait pour savoir…

Il laissa la question en suspens.

— Pourquoi est-ce que je te le dirais ? Si tu étais à ma place, me dévoilerais-tu tes sources ?

Le silence de Morey fut amplement suffisant comme réponse. Ryll s’introduisit à ce moment-là dans les pensées de Lutt :

Comment pouvez-vous être si mauvais avec votre propre frère ?

Vous dites que vous avez accès à ma mémoire. Vous savez donc comment il est, et vous vous faites certainement une idée assez juste du caractère de Père. Ce ne sont pas des saints.

Vous non plus, Lutt.

J’ai appris à survivre. Je fais ce que j’ai à faire. N’oubliez pas que vous êtes à Rome, à présent, Drène ou pas Drène.

À Rome, fais comme les Romains. Oui, je saisis très bien l’allusion. Je connais aussi votre problème de la poule et de l’œuf. Lequel précède l’autre ?

Vous êtes en train d’apprendre à penser comme un humain de la Terre.

J’ai assimilé de très nombreuses histoires sur votre terrible planète.

Mais la réalité ne correspond pas à ce que vous attendiez ?

Ne commettez pas l’erreur de me traiter comme un enfant, Lutt. Je sais énormément de choses.

Un jour, je vous ferai raconter quelques-unes de vos histoires drènes.

Seulement si je veux bien. Mes pensées n’appartiennent qu’à moi.

C’est ce que vous dites.

Morey choisit ce moment-là pour chuchoter à l’oreille de Lutt :

— Il y a peut-être une limite à ce que tu peux m’extorquer. Je suis sûr que Père aimerait savoir comment tu t’y es pris pour obtenir ces renseignements.

— Tu t’imagines que je me suis branché sur le centre d’écoute de Père ? Ne sois pas ridicule. Si c’était le cas, il serait déjà au courant de tes activités.

Morey se laissa de nouveau aller en arrière, le regard sombre.

Les pensées de Lutt s’attardèrent un instant sur le « centre d’écoute » dont il venait de parler. C’était l’ultime secret de famille de L.H., qui ne devait être transmis qu’à ses descendants mâles. Un dossier rempli d’informations privées compromettantes destinées à prouver l’authenticité de la chose. Des électropastilles incorporées à certains produits Hanson servaient à espionner leurs acquéreurs, et les informations étaient emmagasinées et traitées par ordinateurs dans ce « centre d’écoute ». Morey et Lutt soupçonnaient leur père d’être à la tête d’une gigantesque opération de chantage, mais leur seule certitude était que L.H. avait le pouvoir d’exercer une influence spectaculaire sur certains personnages très haut placés. Ils avaient également l’assurance qu’aucune pastille ne se trouvait sur les produits utilisés par les membres de la famille Hanson. Leurs services de sécurité y veillaient particulièrement.

Le dernier wagon de marchandises passé, leur rame se remit en mouvement et prit de la vitesse sur une section de la voie qui formait une courbe serrée vers la gauche. Les deux frères se trouvèrent pressés l’un contre l’autre à un bout de leur siège. Ils se séparèrent et la voiture s’immobilisa à l’entrée d’une énorme caverne.

Lutt défit son harnais et se mit debout. Il leva la tête pour contempler, à travers le toit transparent de la voiture, la grotte brillamment illuminée. La tour mobile qui abritait les bureaux de leur père se dressait au milieu de son abri démesuré, l’ancien site où se cachaient jadis des alignements de missiles M.X. Tel un écho du siècle dernier, la tour était montée sur ses propres rails et pouvait s’enfoncer encore bien plus profondément dans le labyrinthe souterrain où se dissimulait l’Entreprise Hanson. Pour Lutt, c’était là la plus belle réalisation issue du cerveau de son père. Une merveille de robotique et de technique industrielle. Tout comme son créateur, le siège de l’Entreprise Hanson voyageait vers des endroits secrets selon des itinéraires que personne d’autre ne pouvait suivre.

Morey semblait lui aussi absorbé dans ses méditations tandis qu’il rejoignait Lutt devant l’entrée du couloir de sortie en attendant qu’il se déploie. Il devait être troublé par le même genre de pensées que lui. Dans la tête du vieux Hanson, nombreux étaient les endroits secrets et ténébreux.

Debout à côté de son frère, Lutt constata que Morey ne le dépassait plus que de six centimètres. Avant l’accident, la différence représentait le double.

Le garde s’écarta tandis que la sortie s’ouvrait.

— Votre père est prêt à vous recevoir, dit-il.

— Il ne faut surtout pas le faire attendre, déclara Lutt en passant le premier.

— On croirait presque que tu es impatient, fit remarquer Morey en lui emboîtant le pas. Moi, je ne suis jamais pressé de me faire engueuler.

— Tu crois que c’est juste pour m’engueuler qu’il veut me voir ?

— Tu es peut-être son préféré, Lutt, mais j’occupe une petite place, moi aussi. Je ne sais pas si ça t’intéressera de savoir qu’il vient de me nommer vice-président aux affaires des planètes éloignées.

— Je le savais déjà, Morey. Je n’ignore rien de ce qui te concerne.

— Tu es aussi salaud que Père ! se plaignit Morey.

— Voyons, frérot ! C’est toute la reconnaissance que tu as envers ton papa qui vient de te promouvoir à un poste de haute responsabilité, avec haut salaire à la clé ? Ton ingratitude m’étonne !

— Je déteste que tu prennes ce ton protecteur avec moi !

— C’est toi qui me l’as appris, Morey. Allons, viens ! L.H. nous attend et tu sais qu’il n’aime pas cela.

Tandis que Lutt dirigeait son corps partagé par un Drène vers la sortie du couloir, Ryll ressassait des pensées maussades.

J’ai lié mon sort à celui d’une bête sauvage. Que faire pour l’apprivoiser ? Est-il seulement possible d’introduire lui semblant de civilisation chez une créature pareille ?