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Les dirigeants ne devraient jamais donner le mauvais exemple à ceux qui les suivent. Mais les gens qui les entourent se doivent aussi de donner le bon exemple, aussi bien à leurs chefs qu’à leurs collègues. Autrement, le pacte social est voué à la destruction et la société tout entière plonge dans le chaos.

Aphorisme drène

Lutt se réveilla, dans le petit lit de son bureau, avec un mal de crâne mémorable. Ayant posé quelques questions internes, il fut vite convaincu que Ryll, le cohabitant de son corps, était tout aussi mal en point.

Nous allons avoir de plus en plus tendance à partager les sensations physiques, aussi bien agréables que désagréables, lui expliqua Ryll.

Mais je n’ai presque jamais la gueule de bois ! se plaignit Lutt.

C’est peut-être l’effet conjugué des aliments et de ce que nous avons bu, suggéra le Drène.

Il n’y avait rien que je n’aie déjà mangé… ou bu, sans problème !

Dans ces mêmes proportions ?

Euh… c’est sûr que nous avons quelque peu abusé du pistou.

En entendant le nom du plat qui avait contenu le bazel, Ryll sentit un frisson involontaire parcourir leur corps partagé.

J’ai eu l’impression que vous aimiez bien le pistou, lui dit Lutt en consultant sa montre. Crémillion ! On m’attend à la conférence de rédaction ! Il faut que je me fasse apporter du café.

Ryll trouva le café utile, mais il sentait que Lutt commençait à se douter de quelque chose à propos du pistou.

Lutt était justement en train de se demander si certains aliments terriens n’exerçaient pas des effets secondaires sur les Drènes et s’il n’y avait pas quelque avantage à en tirer. Une ligne de réflexion dangereuse, se disait Ryll, qui se sentait cependant incapable d’intervenir pour en dévier le cours. Toute tentative de ce genre n’aurait fait qu’accroître les soupçons de Lutt.

La conférence de rédaction ne ressemblait certainement pas à celles auxquelles Ryll avait précédemment assisté. Dès son entrée dans la salle, Lutt fit montre d’une assurance renouvelée et du sentiment très fort de son propre pouvoir.

Suzanne Day, qui avait visiblement remarqué son état, avait baissé les stores de la fenêtre qui donnait à l’est afin de diminuer la clarté du matin. Lutt lui en fut reconnaissant tandis qu’il s’asseyait à sa place en dévisageant ses six collaborateurs répartis autour de la grande table. Sa tête protestait toujours contre les mauvais traitements qu’elle avait subis et ses yeux lui piquaient.

La rédactrice locale Anaya Nelson, en train de consulter une épaisse liasse de notes, leva vers lui des yeux où se lisait un amusement qu’elle ne cherchait pas à dissimuler.

— On pourrait faire de l’encre rouge rien qu’en vous pressant les yeux, dit-elle. Vous avez dû en tenir une, hier soir.

Lutt l’ignora et concentra son attention sur Ade Stuart. Le fauteuil roulant électrique du directeur était tout contre la table de conférence, sur la droite de Lutt. Le visage rond et mou de Stuart se tenait dans une immobilité indéchiffrable.

— Je tirerai sur les fonds spéciaux, Ade, lui dit Lutt. Nous allons mettre à exécution mon projet d’agence de presse des Spirales et une partie de l’argent viendra de là.

Nelson, avec son expression de condescendance habituelle, émit un petit jappement de rire.

— Ainsi, ce ne sont pas les bénéfices qui nous intéressent, finalement !

Lutt s’absorba dans la contemplation de la surface vernissée de la table tout en comptant silencieusement jusqu’à dix. Puis il dirigea sur Anaya Nelson un regard noir. Elle passa la main dans ses cheveux dorés et grimaça un sourire tout en soutenant son regard.

— Je commence à en avoir assez de vous, Anaya, lui dit-il. Si j’entends encore une seule connerie de ce genre de votre part, nous irons tous les deux trouver mon père pour lui demander qui dirige ce journal. En attendant, j’exige votre entière collaboration dans ce que je vais entreprendre.

Il la vit pâlir sous son regard soutenu et s’humecter lentement les lèvres du bout de la langue. Il entendait presque les pensées affolées qui se bousculaient dans sa tête. Anaya devait savoir quels espoirs le vieux L.H. plaçait sur son fils numéro un. Et elle n’ignorait pas qu’en cas de litige majeur, il arbitrerait en faveur de son fils.

Lutt décida de profiter de son avantage.

— Si je relève le moindre signe que vous refusez de coopérer, l’un de nous devra quitter ce journal. Est-ce bien clair ?

Stuart, toujours diplomate et probablement inquiet pour ses précieux fonds spéciaux, s’insinua dans la brèche.

— Nous coopérerons tous, Lutt. Mais peut-on savoir ce que vous envisagez au juste, et combien vous voulez tirer sur les fonds spéciaux ?

Lutt reporta toute son attention sur Stuart, non sans avoir préalablement noté à quel point cette conversation semblait plaire à Suzanne Day. La rédactrice de mode étudiait Lutt d’un air doucement contemplateur tout en se demandant visiblement quels avantages personnels elle pouvait espérer gagner dans tout cela.

Les autres, y compris le vieux Mark Sorrell, responsable des pages d’économie « depuis l’arche de Noé », observaient attentivement Stuart. Les jeunes comme les vieux savaient que c’était lui qui négociait quand les intérêts du personnel étaient en jeu.

— J’ai besoin de la totalité, Ade.

Ils dressèrent la tête tous en même temps.

— La plus belle petite guéguerre que nous ayons en ce moment est celle que se font la France et la Chine sur Vénus continua Lutt.

Il observa un instant de silence tandis que Ryll, saisissant finalement la totalité de ses intentions, protestait : Non, Lutt !

Tenez-vous tranquille, Ryll ! Je suis très occupé.

— Que disiez-vous à propos de Vénus ? demanda Stuart.

— Je compte m’y rendre personnellement, lui dit Lutt. Je m’établirai à Pe-Duc ou à Berguun et je…

— Vous couvrirez cette guerre en personne ? demanda Nelson.

— En personne.

— Qui prendrez-vous avec vous ?

— Vous aimeriez peut-être m’accompagner ?

— Le sort m’en préserve ! Ils tuent tout le monde, là-bas !

— J’emploierai le personnel déjà sur place et j’en recruterai encore si nécessaire. Nous formerons une équipe que nous appellerons la « force Hanson ».

— Tout ça avec mes fonds spéciaux ? demanda Stuart.

— Exactement. Et ce n’est pas tout. Nous transmettrons la copie directement et instantanément depuis les zones de guerre par les Spirales.

— Vous ne les appelez plus les spirales Vor ? demanda Suzanne Day.

— Ça sonne mieux comme ça, lui dit Lutt. L’agence de presse s’appellera l’A.P.S. au lieu de l’A.P.S.V.

Merci pour cette petite concession, intervint Ryll.

— Nous aurons un énorme avantage de temps, certainement, déclara Stuart. Mais les fonds spéciaux sont…

— Ils devront également payer les frais d’une grande soirée d’inauguration à laquelle vous inviterez tous nos concurrents. Chacun de vous sera chargé de vendre les droits d’accès aux nouvelles de l’A.P.S.

Stuart était profondément choqué.

— Mais les fonds spéciaux ne sont pas prévus pour…

— Ils servent à nous aider à réaliser des bénéfices, coupa Lutt en rajustant ses lunettes. Quand les nouveaux abonnements afflueront, nous reconstituerons les fonds spéciaux.

— Pas bête ! dit Suzanne Day en hochant la tête. Ou nous nous débrouillons pour vendre de la copie, ou nous sommes privés de nos fonds spéciaux.

— Dites aux services commerciaux de fixer le montant des droits, ordonna Lutt. Je les veux aussi élevés que la conjoncture le permet.

Les rédacteurs échangèrent des regards.

Nelson se pencha en avant, les coudes sur la table.

— Votre matériel de transmission est-il sensible à la chaleur ? demanda-t-elle.

— Excellente question, fil Stuart. La température à la surface de Vénus est de plus de quatre cents degrés Celsius.

— Inutile d’enfoncer des portes ouvertes, Ade, le réprimanda Lutt. Mon labo a étudié les moyens d’adapter les matériaux incéram à nos besoins. Tout l’équipement que nous utiliserons sera protégé par un revêtement en incéram.

Il leur fallut quelques secondes pour absorber ce qu’il venait de dire. D’innombrables articles et histoires de guerre traitant de l’occupation humaine à la surface de Vénus avaient popularisé ce mot. Sans la porosité céramique des nouveaux matériaux isolants aux très hautes températures, les formes de vies adaptées à la Terre n’auraient jamais pu survivre sur Vénus.

— Vous allez juste vous occuper de couvrir la guerre ? demanda Stuart.

— C’est vrai, ça, intervint Suzanne Dav. Pourquoi ne pas terraformer sur Vénus les luttes et le rôle des femmes ?

— J’ai entendu dire que la Légion étrangère y entretient les meilleurs bordels de tout l’univers, renchérit Anaya Nelson. Ça ferait un papier du tonnerre, sous un angle un peu féministe.

Suzanne Day ne se laissa pas distraire. Souriant poliment, elle poursuivit :

— On dit aussi que votre père est persuadé de l’avenir potentiel de Vénus dans le domaine des ressources énergétiques.

Anaya Nelson tourna vers elle un regard différent, lourd de signification :

— Comment diable savez-vous ce qu’il y a dans la tête du vieux ?

— J’ai mes sources.

Nelson hocha la tête. Elle acceptait aisément cela.

— C’est très bien. L.H. est persuadé que Vénus pourrait rapporter gros à l’Entreprise Hanson… à partir du jour où elle sera terraformée, bien sûr. Il songe à utiliser les volcans pour compléter l’énergie solaire.

— Cette planète représente pour nous de multiples enjeux, déclara Lutt en se laissant aller en arrière pour leur donner le temps d’absorber cela.

Ryll saisit l’occasion pour réitérer ses objections :

Pourquoi tenez-vous tellement à nous faire courir ce danger ?

Vous ne savez pas ce que signifie réellement ce mot, mon petit Ryll. Mais Anaya a raison. On tue beaucoup de gens sur Vénus.

Renouant avec sa ligne de pensée précédente, Anaya Nelson demanda d’une voix songeuse :

— Pourquoi Pe-Duc ou Berguun en particulier ?

— C’est dans l’hémisphère Sud qu’il se passe le plus de choses.

Pour la première fois, Stuart dit quelque chose qui indiquait sans réserve son adhésion au projet de Lutt.

— C’est là qu’il se passe les choses les plus spectaculaires, en effet. La Légion étrangère contre les Gardes d’élite maoïstes. Cela joue encore sur le tirage, même sans la transmission instantanée.

— Très bien, fit Anaya en haussant les épaules. Nous ferions mieux, dans ce cas, d’alerter nos bureaux sur les autres planètes. Il y a d’autres secteurs du système solaire où la France et la Chine sont mobilisées de part et d’autre d’une frontière commune.

— Mais la guerre ne fait rage que sur Vénus, lui rappela Stuart.

— Jusqu’au moment où l’une des deux rompra le traité sur l’interdiction des armes atomiques.

Lutt décida de tendre à Anaya un rameau d’olivier.

— Elle a raison, dit-il. Le traité ne servira pas à empêcher un conflit nucléaire si l’un des deux pays se sent acculé.

Il se tourna vers Albert Li, leur chef des informations au visage sombre et saturnin, qui se tenait modestement à l’autre bout de la table, au-dessus de tout cela, et n’intervenait généralement à ces réunions que lorsqu’on lui adressait directement la parole.

— Vous notez tout cela, Albert ?

Li baissa légèrement le menton.

— Commencez à préparer les lecteurs, poursuivit Lutt. Publiez quelques éditoriaux sur la fragilité des traités en général, ressortez les négociations sur l’interdiction des armements nucléaires, faites sans cesse allusion aux autres colonies où la France et la Chine sont face à face, ce genre de chose.

Li leur accorda un nouveau hochement de tête presque imperceptible.

Le rédacteur des pages d’économie décida finalement de faire valoir lui aussi son point de vue d’expert. Sorrell était bien connu pour la manière soigneusement étudiée qu’il avait de s’adresser aux gens qui occupaient une position hiérarchique supérieure à la sienne, uniquement en fonction de leur proximité par rapport au trône. Il tutoyait rarement ses collègues ; et jusqu’à maintenant il avait toujours appelé Lutt Monsieur Hanson.

— Il faut que vous sachiez, Lutt, lui dit-il, que votre seul voyage jusqu’à Vénus risque de dépasser les possibilités de nos fonds spéciaux. Le National Security Council est sur le point d’imposer de nouvelles mesures de restriction.

— Quelles mesures ?

— Les places pour Vénus vont être affectées d’un coefficient de priorité plus élevé : agents de la Patrouille de Zone, conseillers militaires, attachés présidentiels. La presse viendra en dernier.

— D’accord. Mais qu’est-ce qu’ils veulent, au juste ? demanda Lutt.

— Des pots-de-vin plus élevés pour quelques politiciens bien placés. Il en faut, des bakchichs, pour faire fonctionner une démocratie comme la nôtre. Le racketteur en chef est le sénateur Gilperton Woon, de la Commission des Transports Interplanétaires. Il a partie liée avec trois députés et un autre sénateur de la C.T.I.

— Pourrions-nous le prouver ?

— Il y a très peu de chances.

— Je vais vous dire ce que vous allez faire, Mark, fit Lutt, acceptant implicitement le nouveau statut que Sorrell venait de s’octroyer lui-même. Vous irez trouver Woon pour lui dire que nous préparons une campagne éditoriale contre la corruption au sein du gouvernement et que nous réclamerons une enquête officielle sur les activités de la C.T.I.

— Cela risque de le faire seulement sourire, et nous nous serons fait un ennemi, objecta Stuart.

— Pas quand Mark lui aura bien fait comprendre que nous n’avons aucune intention de secouer le cocotier s’il m’accorde un passage prioritaire pour Vénus à un prix raisonnable.

Sorrell hocha lentement la tête.

— Je vous suggère de voyager sous une fausse identité, dans ce cas, dit Sorrell.

— Avec de faux papiers ?

— Nous pouvons négocier cela en même temps avec Woon.

— Très bien. Faites le nécessaire.

Anaya Nelson se racla la gorge.

— Bon, si ces questions de haute stratégie sont résolues, nous pouvons peut-être passer aux nouvelles plus ordinaires que nous avons tout de même à publier. J’ai ici une dépêche selon laquelle quelqu’un aurait essayé hier soir de faire sauter un hangar de la Patrouille de Zone.

Lutt se leva en s’adressant à Stuart :

— Prenez la suite, Ade. Je donnerai à chacun d’entre vous un mémo sur le rôle qu’il doit jouer. Pour le moment, il faut que j’aille au labo mettre tout en route.

Sans attendre de constater l’effet produit par ses paroles, Lutt marcha à grands pas vers la sortie. Un caprice de l’acoustique de cette grande salle lui fit entendre quelques mots chuchotés par Nelson à Stuart :

— À en juger par la gueule de bois qu’il se tient ce matin, c’est la Farce Hanson qu’il va mettre sur pied.

Et la réponse de Stuart lui parvint tout aussi clairement :

— Laissez tomber, Anaya. S’il y a des bénéfices dans cette histoire, le vieux L.H. donnera sa bénédiction. Et si c’est un ratage, il sera doublement ravi.

Lutt referma doucement la porte derrière lui et sourit sans desserrer les lèvres.

Dans le hall de l’immeuble, Ryll ressortit ses arguments :

Vous ne manquez pas de collaborateurs compétents que vous pourriez envoyer là-bas à notre place, Lutt. Pourquoi risquer inutilement nos vies ?

Quand on veut qu’une chose soit bien faite, il faut la faire soi-même.

Mais songez aux dangers !

Je sais ! Je les attends de pied ferme. Et avez-vous entendu ce qu’a dit Anaya sur les bordels de la Légion ?

C’est complètement insensé !

Peut-être ; mais ce qui est sûr, c’est qu’on va se marrer.

Ryll retomba dans ses réflexions privées. Il se demandait s’il aurait le courage de s’emparer du contrôle de leur corps. La vigueur nouvelle qu’il sentait en Lutt lui faisait peur et il était angoissé à l’idée d’échouer dans sa tentative.

Ils se trouvaient à présent dans l’ascenseur. Ils en sortirent bientôt pour se retrouver dans le garage souterrain. Lutt se dirigea d’un pas vif vers le secteur réservé aux voitures de la direction sans s’occuper des autres activités humaines à l’intérieur du garage : des gens qui allaient et venaient, des véhicules qui arrivaient ou partaient.

L’attention de Ryll, partiellement occupée à suivre ces activités, fut soudain attirée par l’aura caractéristique des Drènes – une pâle lumière jaune – qui entourait deux silhouettes humaines venant à leur rencontre. Il s’agissait en apparence de Terriens ordinaires, vêtus de costumes de ville sans le moindre signe particulier.

Ces deux hommes qui s’approchent de nous… Ce sont des Drènes ! fit-il pour alerter Lutt.

Comment pouvez-vous le savoir ?

Faites-moi confiance. Ils semblent s’intéresser beaucoup à vous.

Oui, c’est vrai. Et pourquoi ?

Il est évident qu’ils ont reconnu la nature drène de notre corps.

Avant que Lutt pût approfondir cette remarque, les deux hommes arrivèrent à sa hauteur et, sans avertissement, pivotèrent pour le saisir, chacun de son côté, par un bras.

— Déclinez votre identité ! grogna l’un des deux.

Aidé par sa force musculaire humaine amplifiée par ses pouvoirs drènes, Lutt les rejeta violemment de côté et se mit à courir vers les voitures. Les deux individus récupérèrent rapidement et se lancèrent à sa poursuite. Lutt se baissa entre deux véhicules et ses poursuivants hésitèrent. À travers les vitres, il observa les deux faux Terriens.

Que me veulent-ils ? demanda-t-il à Ryll.

Je pense que c’est plutôt moi qu’ils veulent capturer. Ils savent probablement qui je suis.

Merde ! Il fallait que je me fasse coincer dans le même corps qu’un fugitif !

Lutt regarda prudemment à droite et à gauche. La brève poursuite ne semblait pas avoir attiré l’attention des autres personnes qui se trouvaient dans le garage. Il était livré à lui-même, à moins de se résoudre à appeler à l’aide.

Laissez-moi vous aider, proposa Ryll.

De quelle manière ?

Pour toute réponse, Ryll fit pivoter ses yeux en dedans et idmagea une barrière invisible autour de leurs poursuivants.

Ils se heurtèrent aussitôt à la barrière, mais réagirent en se servant de leurs propres pouvoirs drènes pour idmager une ouverture dans la barrière, ce qui leur permit de constater que Ryll en avait créé une deuxième tout autour, puis une troisième, et ainsi de suite…

Il apparut bientôt que les pouvoirs idmagiques de Ryll étaient supérieurs à ceux des deux autres et ils renoncèrent, battus.

Ryll jubilait. Face à deux Drènes adultes, lui, un simple étudiant, avait eu le dessus. Il eut la brève tentation d’aller vers eux pour savourer son triomphe, mais s’avisa que cette réaction n’était pas digne d’un Drène. Peut-être son côté terrien lui faisait-il subir une partie de son hubris. Il faudrait désormais qu’il surveille ce genre de faiblesse.

On peut y aller, maintenant, Ryll, lui dit Lutt.

Tandis que Lutt sortait la voiture du garage, Ryll fit disparaître les barrières qui emprisonnaient les deux Drènes. Il était cependant en train de se poser des questions. S’il s’était laissé capturer par eux, ne l’auraient-ils pas libéré définitivement de la présence encombrante de Lutt ? Une fois de plus, Ryll se lamenta amèrement de sa propre stupidité.

Lutt conduisait avec l’abandon joyeux qui le caractérisait généralement.

C’est pas trop mal, ce que vous venez de faire là, mon petit Ryll. Aussi, je vais vous faire plaisir. Vous avez dit un jour que vous aimeriez voir une guerre de près. Eh bien ! vous allez être servi !