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La politique de contrôle démographique pratiquée au siècle dernier par la Chine a largement contribué à la crise actuelle. Avec une population dépassant les soixante-cinq ans à plus de quarante pour cent, avec des millions de familles à un seul enfant, il était inévitable que la génération nouvelle secoue les contraintes et se donne libre cours dans le domaine de la procréation. Le fait que la population mâle excède la population féminine dans une proportion de 3,4 contre un (dû essentiellement aux pratiques infanticides contre les filles des générations précédentes) n’a été qu’un facteur de ralentissement temporaire, contré par des mesures radicales telles que l’interdiction totale de l'avortement, la création d’une allocation spéciale pour toute naissance viable, l’immigration forcée de femmes des pays voisins, l’entrée en vigueur d’une loi autorisant le divorce pour cause de stérilité et enfin la mise sur pied, dans tout le pays, d’une Agence d’Assignation chargée de promouvoir la pornographie et d’encourager les liaisons sexuelles.

La crise du Liebensraum Analyse du National Security Council Lorna Subiyama considéra Lew Doughty d’un œil à la fois ravi et stupéfait.

— Je suis vraiment la première ? Tu ne plaisantes pas ?

Ils étaient tous deux assis sur le lit escamotable d’un appartement que leur avait procuré Sue Ellen Pratt. Il était exigu par rapport aux normes terriennes, mais Sue Ellen lui avait affirmé qu’il se trouvait dans une Zone de Sécurité dont la Légion garantissait l’inviolabilité.

Subiyama ne doutait pas que Sue Ellen empochait une partie de l’argent des loyers, mais cela faisait partie du jeu qui se jouait ici et les deux petites pièces comportaient tout de même une kitchenette et un bain sec tout à fait convenables. Quant au lit, il ne pouvait être qualifié que d’« intime ».

Elle était arrivée, en compagnie du sergent qu’elle connaissait sous le nom de Lew Doughty, près de trois heures auparavant, après son service de l’après-midi. Ils avaient tous les deux les bras chargés de boîtes en incéram contenant toute une gamme de produits au marché noir. Subiyama était fière de ses talents de cuisinière et disait souvent : « Ceux qui ne savent pas faire honneur à une bonne table ne valent généralement guère mieux au lit. »

Son nouvel amant avait des préférences gastronomiques bien définies. Il avait exigé qu’elle lui prépare un plat avec du basilic, qu’il prononçait d’ailleurs curieusement : « bazel », mais la nature de l’ingrédient ne faisait aucun doute. La sauce au basilic qu’elle lui confectionna pour accompagner les steaks de caribou achetés à prix d’or provoqua une étrange réaction chez lui. Il l’engloutit littéralement, en l’accompagnant d’un chablis U.S. de provenance plus que douteuse et en manifestant, aussitôt après, des signes d’ébriété de plus en plus marqués.

Son comportement au lit fut tout aussi étrange. Il appréciait visiblement son corps généreux et sa peau sombre et veloutée. Dans le feu de l’action, il l’appela sa « Vénérée Habiba » et poussa plusieurs cris invoquant le « Grand Bazel ». Son excitation sans bornes incita Subiyama à se livrer à des expériences où elle pratiqua avec succès plusieurs variations érotiques dont elle avait seulement entendu parler ou lu la description dans des revues.

Ce n’est que quand ils se retrouvèrent côte à côte épuisés qu’il lui causa son plus grand choc en disant :

— Je n’avais jamais fait ça avant. J’avais toujours cru qu’il s’agissait de quelque chose de répugnant, mais je m’aperçois que c’est délectablement sublime, surtout après le bazel.

Au début, Subiyama avait refusé de le croire.

— Comment aurais-tu pu arriver à l’âge que tu as, surtout en étant dans la P.Z., et demeurer puceau ?

— J’en ai honte, dit-il en rougissant pour de bon.

Elle commençait à le croire. Elle lui demanda :

— Comment as-tu fait pour cacher ça ?

Il baissa les yeux vers l’endroit où le drap faisait un pli.

— On peut faire bien des choses quand on connaît bien la culture locale, dit-il.

Subiyama jugea cette réponse très érudite et particulièrement convaincante quand il la fixa de ses yeux bovins en demandant :

— Promets-tu de garder mon secret ?

— Mais, mon agneau, c’est devenu noire secret, maintenant ! Hé ! je n’avais jamais eu de puceau avant ! C’est une première, pour moi aussi. Ouah ! Tu vas voir tout ce que je vais t’apprendre !

— Tu seras câline ?

— Aussi douce que j’en suis capable.

Elle le couvrit de baisers fiévreux et le rendit tremblant d’excitation renouvelée.

— Tu apprends vite, mon poussin, dit-elle. Ce qu’on va faire maintenant, ça s’appelle « le crawl australien ».

— Après, on pourra prendre encore du bazel ?

— Tout ce que ton petit cœur désire, mon adoré. Tu sais quoi ? J’adore ça. Je n’ai jamais autant pris mon pied depuis ma première orgie, qui remonte à Dallas.