Options.
Quand Mary Ann descendit l'escalier de la cave, elle trouva Bambi pelotonnée, non, recroquevillée, sur le vieux canapé que Mme Madrigal lui avait apporté pour qu'elle se sentît plus à l'aise.
Elle leva un visage maussade barré d'une ombre.
- Tu vas payer pour ça ! lança-t-elle à Mary Ann d'un ton menaçant.
- Je suppose.
- Et je ne te parle pas de boulot, cocotte. Je te parle de justice. Tu vas en chier, Mary Ann !
Il était affreux de constater à quel point Bambi avait fait siennes les pires expressions ordurières de Larry Kenan.
Mary Ann tira une chaise à bonne distance.
- Je crois, commença-t-elle, que nous devrions... discuter un peu, auparavant.
- Va raconter ça à la police, gronda Bambi.
- Vas-y toi-même, rétorqua Mary Ann. La porte est grande ouverte.
La présentatrice jeta un coup d'oeil en direction de l'escalier.
- Tu es libre de t'en aller, insista Mary Ann.
Bambi plissa les yeux d'un air soupçonneux :
- C'est quand même un enlèvement, tu sais. C'est pas parce que tu me laisses partir que...
- Je sais.
- Et c'est pas non plus parce que c'est quelqu'un d'autre qui a agi à ta place...
- Je sais ça aussi, reconnut Mary Ann avec un sourire suave. Alors bouge ton cul, ma belle, fit-elle en désignant l'escalier du menton. Et tu embrasseras Larry pour moi, pendant que tu y seras. Ce pauvre con s'imagine que tu es sur un coup fumant. Ça m'embêterait de le décevoir.
- Ça t'embêtera encore plus quand... Qu'est-ce que tu lui as dit ?
- Que toi et moi nous étions sur le scoop de l'année, répliqua Mary Ann avec désinvolture.
- DeDe Day ?
Mary Ann hocha la tête en souriant.
- J'ai photocopié tes fiches, tu sais, l'avertit Bambi avec un sourire presque obscène. Cette affaire ne regarde encore que nous, Mary Ann. Mais il suffirait simplement d'un coup de fil à la chaîne...
- Quelle coïncidence ! fit Mary Ann. C'est exactement ce que j'ai raconté à DeDe.
Silence.
- Sauf que je parlais d'une autre chaîne, évidemment ! ajouta-t-elle.
Bambi lui décocha un regard assassin :
- Tu ne ferais pas ça ?
- Je me gênerais ! déclara Mary Ann d'un ton enjoué. Je suis virée à coups de pied au cul, pas vrai ? On ne m'en recevra qu'avec bien plus d'égards à Channel 5. Et puis, voyons les choses en face... Sans DeDe et les gosses, il n'y a plus de scoop. Je me trompe ?
Silence.
- C'est pour ça que je me suis dit que nous devions avoir d'abord une petite conversation. Je voulais te parler des options qui s'offrent à toi... avant que tu ne foutes le bordel.
Mary Ann lui adressa un autre sourire, encore plus suave.
- Vas-y, murmura Bambi.
- Eh bien, tu peux porter plainte, comme tu l'as dit. Ça me forcera tout simplement à expliquer publiquement que nous avons considéré de notre devoir moral de te retenir ici tant que DeDe n'était pas certaine que ses enfants étaient en sécurité. Ça ne sera pas joli-joli, Bambi. Et puis, pour commencer, le scoop n'était pas le tien. Et ça, c'est facile à prouver.
- Un scoop, c'est un scoop ! gronda la présentatrice.
- Absolument, concéda Mary Ann. Et je suis prête à le partager avec toi.
Bambi la considéra longuement d'un air dubitatif.
- Ah bon ? fit-elle.
- Oui, avec toi ou avec Wendy Tokuda. Tu choisis.
La petite chose recroquevillée dans son coin de canapé se raidit.
- Je veux savoir ce que signifie "en sécurité".
Mary Ann la regarda en clignant des yeux.
- Mmm ?
- Tu as dit : "Tant que DeDe n'était pas certaine que ses enfants étaient en sécurité." Quelle menace pouvait justifier qu'on m'enferme dans une cave pendant trois jours ?
- La menace, c'était toi ! La presse ! DeDe est mon amie. Elle a fait des sottises, mais c'est une fille bien et je l'apprécie. Elle avait besoin de temps pour souffler un peu, c'est tout. Un mois de calme avec sa mère et ses enfants. C'est trop demander, pour une femme qui a fui le Guyana dans de telles conditions ?
- Et cette histoire de sosie, alors ?
- Quoi, cette histoire de sosie ? DeDe m'a confié qu'un sosie était formé à Jonestown pendant qu'elle était là-bas... mais elle est partie des jours avant le massacre. Ça vaut tout à fait la peine d'en parler. Cependant, ça pourrait se révéler dangereux.
- Pourquoi ?
Mary Ann lui jeta un regard glacial, puis lui demanda :
- Tu crois que Jim Jones est encore vivant, toi ?
Bambi se renfrogna et détourna les yeux.
- Alors, tu veux faire quoi ? demanda-t-elle.
- Eh bien, voilà : je veux que tu signes une déclaration certifiant que tu as séjourné de ton plein gré au 28 Barbary Lane, ces derniers jours...
- Attends un peu !
- Je n'ai pas terminé. Comme il est évident que toi et moi nous avons passé ces derniers jours à interviewer DeDe, pigé ?, il est parfaitement impossible que tu sois restée enfermée dans le sous-sol du 28 Barbary Lane. C'était simplement ton quartier général. Je trouve d'ailleurs ça d'un romantisme tout à fait échevelé.
- Et le temps d'antenne ?
- On se le partagera, dit Mary Ann. Ça m'est égal si c'est toi qui annonces. Tu peux m'interviewer.
- Je suis éperdue de reconnaissance.
- Tu peux. J'ai pris des contacts avec Wendy, dernièrement. Au fait, les droits du livre m'appartiennent ! casa Mary Ann. Je ne dis pas ça parce que tu pourrais me concurrencer sur ce terrain, mais pour t'informer.
- Donc... Tu n'étais pas à Cleveland, alors ?
- Mais bien sûr que si ! se récria Mary Ann en feignant héroïquement l'indignation. Tu ne crois tout de même pas que je mentirais au sujet de ma propre grand-mère ?