Rattrapons le temps perdu.
Quand Jon et Mme Madrigal retournèrent à Barbary Lane, ils s'assirent sur le banc de la cour et fumèrent un joint.
- Comme dans le bon vieux temps ! soupira le médecin.
La logeuse lui adressa un sourire ensommeillé :
- Presque.
Il lui rendit son sourire, comprenant ce qu'elle voulait dire.
- Sa lumière est encore allumée, reprit-elle.
- Oui. J'ai vu.
Le joint était tellement résineux qu'il s'éteignit. Mme Madrigal le ralluma et le tendit à Jon.
- Je te pousse un peu trop ? demanda-t-elle.
- Un petit peu.
- Je suis désolée.
- J'imagine, la rassura-t-il.
Elle lui pinça gentiment l'oreille.
- Je veux ce qui est le mieux pour mes enfants.
Un long silence, puis :
- Je ne savais pas que je faisais encore partie de la famille.
- Écoute, mon garçon, gloussa la logeuse. Quand on a la vieille sur le dos, on l'a pour toute la vie.
- C'est bon à savoir, dit le médecin.
- C'est drôle, ajouta Mme Madrigal en désignant du menton la fenêtre allumée. Il est comme ça aussi.
Jon se tourna vers elle et la regarda sans rien dire.
- Si, j'en suis certaine. Sauf qu'il faut que... les gens qui l'aiment le lui rappellent de temps en temps... Si tu vois ce que je veux dire.
- Si je ne voyais pas, répliqua Jon avec un sourire, vous loueriez une sono pour le faire savoir à toute la ville.
Il se leva et l'embrassa sur la joue.
- Vous êtes sûre qu'il est tout seul ?
- Certaine, affirma Mme Madrigal.
- Rien ne vous échappe, hein ?
Elle secoua la tête en souriant :
- Rien du tout.
Michael resta sur le seuil, stupéfait.
- Jon... Mince ! Je ne t'ai pas entendu sonner.
- Je n'ai pas sonné. C'est Mme Madrigal qui m'a fait entrer. On vient de dîner ensemble.
- Oh... Génial.
- Je peux entrer ?
- Oui... Bien sûr. Ça fait plaisir de te voir.
- Merci. À moi aussi.
- Super... super.
- Bon, ça va, on a l'air d'être du même avis, plaisanta Jon.
Il s'approcha et prit maladroitement Michael dans ses bras.
- Désolé de débarquer comme ça sans prévenir.
- C'est pas grave. Ça fait plaisir de te voir.
Michael frémit et se donna une petite gifle.
- Je te promets que je vais améliorer le dialogue.
Jon éclata de rire et regarda la pièce.
- J'aime bien cette couleur.
- Tu veux quelque chose à boire ? Un Diet Pepsi ? J'ai plus d'herbe, mais je suis sûr que je peux en demander à...
- J'en sors, avoua Jon. Je suis défoncé jusqu'aux yeux.
- Pas étonnant que tu aimes cette couleur !
Un autre rire, un peu nerveux, cette fois, puis :
- Non, je t'assure.
- Tu vas détester la chambre, dit Michael. J'en avais marre du bordeaux.
Jon fit mine d'être furieux :
- Quoi ? Elle est de quelle couleur, maintenant ?
- Écrevisse.
- C'est-à-dire ?
- Euh... une sorte de couleur crème.
- Les écrevisses sont crème ?
Michael se mit à rire et lui désigna une chaise :
- Assieds-toi... Mince, par où on commence ?
- Eh bien, je suis au courant pour Mary Ann et Brian. Mme M. me l'a dit. Elle m'a invité au mariage, en fait.
- Formidable !
- Tu es sûr ? Ce n'est plus exactement... chez moi, ici. Je ne veux pas te mettre mal à l'aise, Michael.
- J'ai l'air mal à l'aise ? fit Michael en levant les yeux au ciel.
- Mais c'est une affaire de famille...
- Tu fais partie de la famille, Jon. Mary Ann serait malheureuse si elle savait que tu es en ville et que tu ne viens pas à son mariage. Combien de temps restes-tu ?
- Entre une semaine et dix jours.
- Chouette ! À quel hôtel ?
Le médecin tendit le bras en direction de la fenêtre :
- On le voit d'ici, tiens.
- Tu es au bord de la mer ?
- Sur la mer, en fait. Je suis médecin de bord, maintenant.
- Tu veux dire... Dans la marine ?
- Oh, non ! Sur un paquebot de croisière... norvégien.
Michael resta bouche bée, puis :
- Lequel ?
- Le Sagafjord.
- J'y crois pas ! s'écria Michael en se levant pour aller voir. Celui-là ? Il est revenu ? Alors ça, c'est incroyable !
- C'est un boulot comme un autre, assura Jon, manifestement surpris de la réaction de Michael.
- Mme Madrigal le sait ?
- Non. Il faut lui dire ? demanda Jon.
- Oui, affirma Michael. Je crois.