Présentation à ***
Michael s'arrêta sur le seuil de la salle de projection et observa les deux géants agenouillés dans un coin auprès d'une pile de boîtes de films. On aurait dit des Vikings pillant une cave à vins, mais leurs rires étaient tellement enjoués et complices qu'un tiers aurait pu se méprendre et penser qu'ils étaient encore amants.
*** leva une boîte pour en faire lire l'étiquette à Ned.
- Et celui-là ?
- Je ne sais pas, répondit Ned. Je crois que ça n'ira pas.
La star sourit tristement :
- Moi aussi. Je l'ai passé à des gamins l'autre jour et on n'était pas arrivés à la scène du foin qu'ils étaient déjà tous hystériques.
- Tu étais génial dans cette scène-là.
- C'est surtout mes dorsaux qui étaient géniaux dans la scène du foin.
- Vingt sur vingt, ouais ! Et ils adoreront. Passe-leur, mec ! dit Ned en assenant un grand coup sur la poitrine de ***.
- Bon. Peut-être que ça les retiendra de filer dans les buissons. M. Shigeda m'écorchera vif s'il retrouve ses bégonias écrabouillés. D'où ils sortent, au fait ?
- Je ne sais pas, répliqua Ned. De Santa Monica Boulevard, je crois. D'après Guido, Charles lui a rapporté que Les pensait que ce serait une bonne idée.
- Et Dieu sait que Les peut en rameuter un bataillon en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, ajouta *** en riant.
Ned fit écho à son rire.
- Mon copain Michael est venu avec moi, annonça-t-il.
Michael vit là l'occasion d'intervenir :
- Euh... Présent !
Les deux têtes se tournèrent aussitôt vers lui. Toutes deux sourirent. Michael s'empressa d'entrer et de tendre la main.
- Michael Tolliver, dit-il. Super, la fête !
- Tu trouves ?
- Eh bien, je ne connais personne, évidemment, mais...
- Je vais t'indiquer un truc, plaisanta ***. S'ils sont blonds, ils s'appellent Scott. Et s'ils sont bruns, ils s'appellent Grant. Maintenant, tu connais tout le monde. Sauf moi. Je suis ***.
- Euh... Je m'y attendais un peu, concéda Michael.
- Vous n'êtes pas mariés, tous les deux ? s'enquit *** en regardant Ned.
- Pas question, répliqua ce dernier en faisant un clin d'oeil à Michael.
- Il a besoin d'un mec, fit remarquer *** à Michael. Trouve-lui-en un, tu veux ?
- Il les largue au bout d'une semaine, rétorqua Michael.
- C'est vrai, ça ? s'étonna ***.
Ned haussa les épaules :
- Ça me plaît, d'être célibataire ! Il y a des tas de gens qui aiment ça. Michael par exemple, ajouta-t-il en cherchant l'approbation de son ami.
- Ce qu'il aime par-dessus tout, c'est s'envoyer en l'air ! railla Michael.
*** éclata d'un rire rugissant, puis il entoura d'un bras la tête de Ned et embrassa son crâne chauve.
- Dites, les mecs... Si on visitait la maison ?
- Je crois que pour ça vous pouvez vous passer de moi, remarqua Ned.
- Tu es déjà sur un coup ? demanda ***.
- Un certain Scott, oui ! reconnut Ned.
La star se tourna ensuite vers Michael :
- Et toi, tu es libre ?
- Absolument, murmura Michael. Je suis à vous.
Le tour du propriétaire les mena d'abord dans une mini-cinémathèque bien fournie, ensuite autour de la piscine et des cabines, puis dans un jardin en terrasse, et finalement aux chambres, situées à l'étage. Arrivé dans sa chambre, *** ouvrit toutes grandes les portes-fenêtres qui donnaient sur la foule des invités.
- Le film va commencer dans un instant. Ça va les calmer.
- C'est lequel ? demanda Michael.
La star fit la grimace :
- ***. Un vrai navet, si tu veux mon avis.
- Celui-là, je ne l'ai jamais vu, avoua Michael.
- C'est bien ce que je dis, ironisa ***.
Michael le regarda en face pour la première fois.
- Je trouve que vous vous rabaissez trop, osa-t-il.
- Tous ces mecs sont quand même là pour quelque chose.
- Qui ?
- Tous les... Les Scott et les Grant. Ça signifie bien quelque chose. Si vous pensez que les gens se font des illusions sur votre talent, en tout cas ils sont nombreux.
Michael sourit brusquement, gêné de sa propre audace.
- Enfin, c'est ce que je pense.
La star le dévisagea d'un air jovial.
- Tu travailles avec Ned dans sa jardinerie, hein ?
- Oui.
- Et vous chantez dans un groupe tous les deux ?
- Mmm, mmm.
Michael ne put dissimuler sa fierté.
- Le Gay Men's Chorus. Nous faisons une tournée dans neuf villes à partir de la semaine prochaine.
- Je crois que je ne comprends pas très bien ça, se renfrogna la star.
- Quoi ?
- Que des gens puissent faire tout un plat du fait qu'ils sont pédés.
Michael hésita. Il avait déjà entendu la chanson des milliers de fois, généralement dans la bouche de mecs plus âgés, comme ***, précisément ceux qui avaient souffert pendant des années en silence tandis que les autres, justement, faisaient tout un plat de leur homosexualité...
- On veut juste faciliter les choses, dit-il enfin. Que ce soit plus facile pour les hétéros de nous accepter. Plus facile pour les pédés d'être fiers de leur héritage et de leur culture.
- Leur culture ? gloussa tristement ***.
Michael se hérissa :
- Je trouve que c'est un mot qui convient bien, répondit-il en souriant à la star. D'ailleurs, vous en faites partie, de cette culture.