Camarades de bord.
Michael laissa Jon chez lui et courut retrouver Mme Madrigal sous le prétexte de lui demander un joint.
- Dites, fit-il, qu'est-ce que vous lui avez raconté exactement, au fait ?
- À propos de quoi ?
- À propos de la geisha des médias qu'on a à la cave, pour commencer !
- Nous n'en avons pas parlé, dit la logeuse.
- Est-ce qu'il sait où est Mary Ann ? Est-ce qu'il est au courant pour DeDe et les jumeaux ? Il était sur le Sagafjord, madame Madrigal ! C'est lui, le médecin de bord !
- Quoi ?
- J'y crois pas non plus. Putain... Qu'est-ce qu'on va faire ?
Mme Madrigal le considéra un moment, puis répondit :
- Mais c'est à toi de voir, mon garçon.
- À moi ?
- Eh bien... S'il n'est plus membre de la famille, je ne crois pas que ce soit bien de l'impliquer dans nos petites manigances. Je pense que tu devrais faire en sorte qu'il parte le plus vite possible.
Silence.
- À moins, évidemment, que tu ne veuilles qu'il reste.
- Il prétend que vous l'avez invité au mariage, dit Michael avec un regard accusateur.
- Oui. Je suis sûre que Brian et Mary Ann seront contents. Où est Brian, au fait ? Est-ce que Jon lui a parlé ?
- Il travaille.
- Je pourrais loger Jon dans l'ancienne chambre de Burke, proposa Mme Madrigal. Si tu n'y vois pas d'inconvénient, bien entendu ?
- Qu'est-ce qui vous fait croire qu'il va vouloir loger dans une maison où est séquestrée dans la cave une présentatrice de télé ?
- Nous pourrions lui poser la question.
Michael poussa un soupir résigné.
- Faites comme vous voulez, OK ?
- Eh bien, conclut la logeuse, je crois que nous lui devons une petite explication. C'est lui qui a mis ces enfants au monde, n'oublie pas !
L'explication fut une tâche délicate. Quand Michael eut terminé, Jon resta manifestement perplexe.
- Mais attends, là ! protesta-t-il. Ça n'a aucun sens !
- M'en parle pas ! plaisanta Michael.
- Vous voulez dire que... ces deux gosses, c'étaient les enfants de DeDe ?
Michael et la logeuse hochèrent la tête en choeur.
- Mais... Je croyais que c'étaient les petits-enfants adoptifs de Mme Halcyon ?... Des orphelins vietnamiens ?
- C'est ce que DeDe lui avait ordonné de raconter, expliqua Michael. Elles essayaient d'éviter la presse jusqu'à ce que Mary Ann ait pu dévoiler convenablement toute l'affaire.
- Mais ils n'ont pas été kidnappés ! s'exclama Jon.
Les yeux de Mme Madrigal papillotèrent :
- Qu'est-ce que tu nous chantes là, Jon ?
- Ils n'ont pas été kidnappés, répéta le médecin. J'ai vu un film avec eux hier.
- Où ? demanda Michael.
- Sur le bateau. Et Sean Starr les accompagnait. Ils ont l'air de s'entendre à merveille, d'ailleurs.
- Mme Madrigal se pencha en avant.
- Jon, mon cher... Tu es sûr que nous parlons bien des mêmes enfants ?
- Il ne peut s'agir que d'eux. Je ne les avais même pas vus à l'aller... J'imagine que Mme Halcyon ne voulait pas que je les rencontre... Mais je les ai croisés plusieurs fois pendant le retour. Il ne peut pas y avoir trente-six Eurasiens de quatre ans sur une croisière. Par ailleurs, Sean m'a expliqué lui-même qu'ils étaient les petits-enfants adoptifs de Mme Halcyon.
- Mon Dieu ! murmura Michael.
- Pourquoi dis-tu ça ?
- Eh bien, tu n'as pas trouvé drôle que Mme Halcyon ne soit pas avec eux ?
- Un peu, mais Sean m'a raconté que Prue Giroux et elle avaient décidé de rester un peu plus longtemps à Sitka. Il a également dit qu'il était un vieil ami de la famille, alors j'ai pensé... Eh bien, je l'ai cru. C'était apparemment un type plutôt correct.
- Est-ce qu'il a précisé où il emmenait les enfants ? demanda Michael.
- Non. Je me suis dit qu'il les ramenait à Halcyon Hill.
Michael secoua la tête en grognant. Mme Madrigal avait l'air catastrophée.
- Vous pensez ce que je pense ? reprit Michael. La logeuse hocha la tête.
- Bambi, souffla-t-elle.
- Qui c'est, Bambi ? se renseigna Jon.
Michael le regarda un moment, puis il se tourna vers Mme Madrigal.
- À votre tour, lui lança-t-il.