Traitement de choc.
C'était une telle bêtise ! Vraiment, la bêtise classique et dangereuse ! Même dans la panique et l'excitation, comment avait-elle pu filer en Alaska en laissant au bureau les notes qui la trahiraient ?
Au moins, ce n'était pas Larry qui les avait trouvées. C'était déjà une consolation. Que ce fût Bambi, c'était déjà assez embêtant, évidemment, mais il y avait un espoir de pouvoir jouer sur sa sottise et sa vanité pour l'empêcher de divulguer l'affaire au monde entier.
Elle réfléchit au problème pendant un instant, puis elle chercha le numéro de Bambi dans son carnet et l'appela aussitôt.
- Allô ?
La voix de Bambi, plus insipide que jamais, était accompagnée du fausset d'Andy Gibbs en fond sonore.
- Bambi ? C'est Mary Ann.
- Ah ! Tu es toujours à Cleveland ?
- Cleveland ? Est-ce que c'était ce que Brian lui avait raconté ?
- Euh... oui. Tu souhaitais me joindre pour quelle raison ?
- Ton mec ne t'a pas raconté ?
- Eh bien... Il a parlé de notes, mais je ne sais pas très bien ce que ça signifie.
- Et Jonestown, ça te dit quelque chose ?
Mary Ann compta lentement jusqu'à quatre.
- Oh ! s'écria-t-elle ingénument. Mon scénario ? Ce que je suis gênée ! J'espère que tu ne l'as pas lu. C'est tellement ringard !
- Ton scénario ?
- Oui, pour un film. J'ai eu une idée idiote pour une histoire à suspense et un copain à moi qui connaît un producteur à Hollywood m'a conseillé de rédiger des notes pour le présenter en bonne et due forme.
- Ah.
- Bon, c'est du travail au noir, je sais... Je te serais reconnaissante de ne pas en parler à...
- Tu as inventé un scénario sur Jim Jones ?
- Pourquoi pas ? Des tas de scénaristes écrivent sur... Jack l'Éventreur, par exemple. C'était l'ogre de l'époque. Jones est celui de la nôtre.
- Et cette histoire de sosie... ?
- Tu trouves que c'est nul ?
Silence.
- Bah ! fit Mary Ann. C'était un brouillon. J'espère que je m'améliorerai au fur et à...
- J'aime bien la distribution, dit Bambi.
- Hein ?
- DeDe Day dans le rôle de la rescapée du Guyana avec ses jumeaux à la remorque... C'est ingénieux, vraiment, d'avoir utilisé l'identité d'un personnage réel. C'est tellement irrationnel que ça pourrait être vrai, tu ne crois pas ?
Silence.
- Tu ne crois pas ?
Manifestement, elle avait vu clair dans son jeu.
- Bambi, écoute...
- Non, c'est toi qui vas m'écouter. Je suis dans l'obligation de communiquer ces notes à Larry, Mary Ann. Je voulais que tu le saches. Franchement, je suis étonnée que tu gardes sous le coude une information de cette ampleur sans chercher le moindre conseil auprès de professionnels.
C'est évidemment d'elle qu'elle voulait parler.
- J'avais prévu de consulter le service des infos, dit Mary Ann. En fait, je pensais que tu serais la meilleure personne à qui...
Le mensonge s'arrêta dans sa gorge.
- Le sujet est pour toi, Bambi, je t'assure. Mais il faut simplement attendre... un petit peu.
- Laisse tomber. L'information n'attend pas. Le procès de Larry Layton bat son plein en ce moment. Penses-tu que ça pourrait avoir un quelconque rapport avec ton histoire ?
- Pas vraiment, répondit Mary Ann. Il est accusé du meurtre du député sur la piste d'atterrissage. DeDe était partie avant que ça ne se produise.
- Ah... Le scénario est de plus en plus intéressant. Désespérée, Mary Ann abandonna toute prudence et se jeta à l'eau :
- Bambi... Les enfants de DeDe sont en grand danger. Si ce fait est rendu public... cela pourrait avoir leur mort pour conséquence directe. Je voudrais bien te donner des détails, mais je ne peux pas. Je t'en supplie... Donne-moi une semaine pour...
La présentatrice éclata d'un rire sardonique.
- Trois jours, alors.
- Mary Ann... Il va falloir que tu apprennes à faire un peu moins de sentiment, si tu veux vraiment devenir une journaliste. Si ces mômes courent le moindre danger, c'est dommage, mais le public a le droit de savoir. Quand il est question d'information, on ne peut pas choisir.
C'étaient de vastes conneries, et Mary Ann le savait très bien. Les journalistes avec qui elle travaillait passaient leur temps à choisir.
- On ne peut pas au moins en discuter avant que tu mettes Larry au courant ? supplia-t-elle.
- C'est ce qu'on est en train de faire.
- Je voulais dire en tête à tête.
- Géniale, comme idée. Tu es à Cleveland.
- Mon avion repart demain après-midi, mentit Mary Ann. Je peux te retrouver chez moi à... disons : trois heures. Ça te rendra service, d'ailleurs : je pourrai t'expliquer les points qui restent obscurs avant que tu en parles à Larry.
- Très bien. Mais je le lui dirai de toute façon vendredi.
- OK. Je te remercie beaucoup, Bambi. Tu as de quoi noter ?
- Vas-y.
- Je suis au 28 Barbary Lane, appartement 3. Si mon avion avait du retard, mon copain Brian te fera entrer. Mais s'il te plaît, ne prononce pas un mot d'ici là, OK ?
- OK.
Après avoir raccroché, Mary Ann appela Brian :
- C'est de nouveau moi, dit-elle d'un ton sinistre. J'ai un grand service à te demander.