Le corps du délit.
La bonne était assise sur une chaise, les mains royalement posées sur les genoux, tandis que DeDe et Mary Ann tournaient comme des folles autour d'elle.
- Où est-il ? demanda DeDe.
- Là-bas, derrière ! répondit Emma. Je l'ai traîné derrière le garage.
Elle vit Mary Ann se rembrunir, et se sentit obligée de se montrer plus claire.
- Il était là à rôder dans le noir, Miss DeDe. Et puis Mme Giroux... elle avait appelé pour me prévenir qu'il arrivait. Et votre maman m'avait déjà dit que c'était Jim Jones... Et je pouvais pas la réveiller.
- Les enfants n'étaient pas... ?
- C'est Mme Giroux qui les a.
- Ils sont... ?
- Il a pas touché un cheveu de leurs têtes, Miss DeDe !
DeDe ferma les yeux et déglutit. Elle prit la main de Mary Ann pour partager ce moment avec elle. Emma les regarda toutes les deux, les larmes aux yeux.
- Le Seigneur nous protège, déclara-t-elle.
DeDe se précipita et s'agenouilla aux pieds de la vieille femme et la prit affectueusement dans ses bras.
- Ce n'est pas le Seigneur, Emma : c'est toi. Dieu te bénisse, Emma ! Dieu bénisse ma merveilleuse Emma !
La bonne caressa la joue de DeDe.
- Il voulait faire du mal à ma famille, gronda-t-elle.
DeDe éclata de rire et la serra de nouveau dans ses bras.
- Maman va bien ?
- Elle dort toujours, la renseigna Emma en haussant les épaules.
- Tu veux dire qu'elle... ne sait pas ?
- Rien du tout, garantit Emma. Elle a pris trois cachets hier soir.
- Mon Dieu, murmura DeDe. Je lui avais recommandé de n'en prendre qu'un.
- J'ai essayé de la réveiller, raconta Emma. Quand Mme Giroux a appelé, j'ai...
- Est-ce qu'elle sait ?
- Elle a pas rappelé.
- Et tu n'as pas prévenu la police ?
- Non. Je savais que vous reveniez. J'ai pensé que vous voudriez le faire vous-même... une fois que vous seriez sûre que les petits étaient sains et saufs.
- Tu avais raison, la rassura DeDe avant de se tourner vers Mary Ann. Je vais au garage. Tu veux bien rester là pour tenir compagnie à Emma ?
Mary Ann préférait effectivement rester, mais elle se dit qu'il fallait protester pour la forme.
- Tu ne veux pas que je vienne avec toi ?
- En fait, répliqua DeDe, je préfère pas.
Lorsqu'elle revint dix minutes plus tard, son visage était quasiment sans expression.
- Je peux te parler ? demanda-t-elle calmement à Mary Ann.
Elles s'isolèrent dans la bibliothèque après avoir laissé Emma dans le salon.
- Il faut que je sache quelque chose, commença DeDe.
- Quoi donc ? demanda Mary Ann, affreusement mal à l'aise.
- Qu'est-ce que tu as l'intention de faire de tout ça ?
- Tu veux dire... de ton histoire ?
DeDe acquiesça.
- Eh bien... Je n'avais pas vraiment... DeDe, c'est bien lui ?
- Laissons ça de côté une minute. Nous avons à prendre quelques décisions rapidement. Emma l'a descendu de sang-froid, Mary Ann. Jones n'était même pas dans la maison et il n'était pas armé. Cette pauvre vieille sera accusée de meurtre et elle va sacrément en baver...
- Oui, mais s'il est celui que tu penses...
- Dans ce cas, Emma, maman et les enfants, nous tous, nous serons l'objet de la curiosité la plus abjecte ! J'en ai soupé, Mary Ann. Je suis fatiguée de torturer ma famille. Nous avons presque atteint une conclusion heureuse et je ferai n'importe quoi pour m'y tenir.
- DeDe... Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Je veux que tu ne divulgues qu'une partie de l'histoire. Tu peux raconter tout ce qu'il te plaira sur ma fuite... et l'épisode à Cuba. Je veux simplement que tu ne parles pas du reste. Tu m'as déjà proposé d'en rester là. Il faut que je sache si cette proposition tient toujours.
- DeDe... Tu sais bien que j'accepterais, mais...
- Mais quoi ?
- Eh bien... Il y a d'autres personnes au courant.
- Juste maman, en fait. Et elle dormait quand le pire a eu lieu.
- Qu'est-ce que tu fais de Prue ? objecta Mary Ann.
- Tu rigoles ? Elle couchait avec lui, Mary Ann ! Elle ne sera que trop contente d'oublier ce qui est arrivé. Elle n'a même pas rappelé après avoir averti Emma. Laisse tomber cette conne !
- DeDe... Nous ne pouvons pas faire une croix sur le cadavre derrière le garage. Nous ne pouvons pas faire comme si rien ne s'était passé.
DeDe la regarda longuement.
- Et pourquoi pas ? demanda-t-elle.
- Tu veux dire que... ?
- Oui. Si on se dépêche, on pourra avoir fini avant que maman se réveille.